Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 novembre 2016

Date de Résolution30 novembre 2016
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 236.616 du 30 novembre 2016

181.808/XV-2166

En cause : la s.a. European air Transport, ayant élu domicile chez Me T. LEIDGENS, avocat, avenue latérale 143 1180 Bruxelles,

contre :

1. le Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2. la Région de Bruxelles-Capitale,

ayant tous deux élu domicile chez Me Fr. TULKENS, avocat, chaussée de la Hulpe 120 1000 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

LE CONSEIL D’ÉTAT, XV e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 19 mars 2007 par la société anonyme European Air Transport qui sollicite l’annulation de «la décision du 17 janvier 2007 du Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale de confirmer la décision du 25 août 2006 de l’I.B.G.E. d’infliger à [la requérante] une amende administrative de 124.490 € pour 105 infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien […]»;

Vu le dossier administratif;

Vu le mémoire en réponse de la seconde partie adverse et les mémoires en réplique et ampliatif;

Vu le rapport de M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d’État;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

XV - 2166 - 1/34

Vu l’ordonnance du 30 décembre 2015, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience publique du 24 novembre 2015 à 9 heures 30;

Entendu, en son rapport, M. I. KOVALOVSZKY, conseiller d’État;

Entendu, en leurs observations, Me T. LEIDGENS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Fr. TULKENS, avocat, comparaissant pour les parties adverses;

Entendu, en son avis conforme, M. D. DELVAX, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause sont décrits dans l’acte attaqué, qui se présente comme suit :

[…] I. Antécédents

Les 21 février, 22 mars, 15 mai et 2 juin 2006, l’I.B.G.E. dresse à charge de European Air Transport, ci-après dénommée “EAT”, quatre procèsverbaux portant respectivement les références n° 060221[…] – janvier 2006, n° 060322/[…] - février 2006, n° 060515[…] - mars 2006, n° 060602[…] -avril 2006. Il en résulte que cette dernière a commis 143 infractions à l’arrêté du 27 mai 1999.

Ces procès-verbaux et les rapports de mesure sont portés à la connaissance de European Air Transport, respectivement les 27 février, 30 mars, 19 mai et 7 juin 2006, en lui indiquant que ces documents étaient envoyés au Procureur du Roi de Bruxelles.

Le parquet notifie, respectivement, les 7 mars, 12 avril, 24 mai et 20 juin 2006, sa décision de ne pas exercer de poursuites. Le 18 juillet 2006, le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. écrit à EAT qu’il est en droit de lui infliger une amende administrative en se référant à l’article 37 de l’ordonnance 1999.

Une telle amende, d’un montant de 124.490 euros, est infligée le 25 août 2006 à EAT pour infraction à l’article 33, 7°, b) de l’ordonnance 1999, à savoir avoir créé “directement ou indirectement, ou laisser perdurer une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement”, c’est-à-dire les “valeurs limites” de l’arrêté du 27 mai 1999 que ne peuvent dépasser les avions lorsqu’ils survolent le territoire de la Région.

Le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. constate, dans ladite décision, qu’il y a unicité d’infractions pour les dépassements constatés les […]. II. Au fond A. Considérant que EAT soutient que l’ordonnance 1999, en ce qu’elle permet d’infliger des amendes administratives, viole les articles 12, 13, 110 et 144 de la Constitution en vertu desquels seules les juridictions de l’ordre judiciaire sont habilitées à infliger des peines; qu’il appartient à l’I.B.G.E. et au Collège d’environnement d’exercer le pouvoir discrétionnaire que l’ordonnance leur confère d’une manière qui n’aboutit pas à violer la Constitution; que l’I.B.G.E. aurait donc dû constater qu’il n’“y a pas lieu”

XV - 2166 - 2/34

d’infliger une amende et que le Collège doit réformer la décision attaquée pour ces mêmes motifs;

Considérant qu’il n’appartient ni à l’I.B.G.E. ni au Collège d’environnement, en leur qualité d’autorité administrative, de procéder de quelque manière que se soit à un contrôle de constitutionalité de la législation dont la mise en œuvre leur a été confiée; B. Considérant que EAT avance qu’il a été privé de son droit à un “tribunal indépendant et impartial” consacré par l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et de son droit à un double degré de juridictions indépendantes et impartiales garanti par l’article 14, § 1er et § 5 combinés, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP); qu’en ce qui concerne l’article 6, § 1er, de la CEDH, la requérante fait notamment valoir que cette disposition exige un contrôle juridictionnel de pleine juridiction avec le pouvoir de réformer la décision ou de l’annuler avec renvoi “devant un autre tribunal indépendant et impartial compétent dont la décision se substituera à la décision attaquée”; qu’en ce qui concerne l’article 14, § 1er et § 5 combinés, du PIDCP, la requérante défend la thèse selon laquelle l’I.B.G.E. lui-même devrait répondre aux exigences d’indépendance et d’impartialité;

Considérant qu’il est établi depuis de nombreuses années que le contrôle exercé par le Conseil d’État, pouvant mener à l’annulation et au renvoi pour nouvelle décision, est un contrôle de pleine juridiction; que ce contrôle s’étend notamment à la motivation matérielle et formelle des actes attaqués et, en cas de sanctions punitives, à la proportionnalité de celles-ci; que l’article 6, § 1er, de la CEDH n’exige nullement que, en cas de contrôle avec pouvoir d’annulation, il y ait un renvoi à une autre instance que celle qui a pris la décision annulée;

Considérant que ni la CEDH ni le PIDCP n’exigent que les organes administratifs qui infligent des amendes administratives offrent les garanties contenues dans les articles 6 et 7 de la CEDH, 2 et 4 du Septième Protocole auprès de la CEDH et dans les articles 14 et 15 du PIDCP; C. Considérant que EAT soutient à tort que l’amende infligée viole le principe de la légalité des délits et des peines consacré par les articles 7, § 1er de la CEDH et 15, § 1er, du PIDCP et par la Constitution, en ce qu’elle sanctionne un dépassement des normes fixées par l’arrêté du 27 mai 1999, là où aussi bien l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain (article 20, 4°) que l’ordonnance 1999 (article 33, 7°, b) érigent en infraction le fait de créer ou de laisser perdurer “une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement”; qu’en effet, et contrairement à ce que prétend la requérante, il résulte de la lecture combinée des dispositions précitées que c’est précisément le dépassement des normes autorisées qui constitue la gêne sonore érigée en infraction; D. Considérant que EAT soutient que “la décision de l’I.B.G.E. doit être réformée en tant qu’elle met en œuvre l’ordonnance du 5 mars 1999 d’une manière qui viole la directive 2002/30/CE”; que la requérante reste en défaut d’établir en quoi une décision à portée individuelle et spécifique telle que la décision d’infliger une amende pour des infractions commises lors de certains vols constitue une mesure d’interdiction ou de restriction d’exploitation au sens de la directive; E. Considérant que EAT fait valoir que la décision de l’I.B.G.E. doit être réformée en tant qu’elle a été prise en violation des formes substantielles prescrites par les articles 11, 15 et 17 de l’ordonnance 1999, et par l’Arrêté du 21 novembre 2002 fixant la méthode de contrôle et les conditions de mesures de bruit et notamment son article 12, § 1er; que la requérante avance également que la législation ne prévoit pas la possibilité d’effectuer des mesures de bruit en l’absence d’un agent et que la méconnaissance de cette

XV - 2166 - 3/34

donnée entraîne elle aussi la nullité, à tout le moins la perte de force probante particulière, des procès-verbaux;

Considérant qu’en ce qui concerne l’article 11 de l’ordonnance 1999, cette disposition légale prévoit qu’une copie de tout procès-verbal doit être communiquée à l’auteur présumé de l’infraction dans les dix jours de la constatation de cette infraction; que cet article prévoit également que les agents “constatent les infractions par procès-verbal”; qu’il en résulte que, contrairement à ce que prétend la requérante, c’est l’établissement du procès-verbal qui constitue la constatation des infractions; que ce texte est clair et répond à la nécessité d’effectuer des analyses complémentaires de mesures ou échantillons en vue d’établir l’infraction; qu’il répond en outre à la nécessité de rassembler les données pour identifier leur auteur présumé; que les procèsverbaux dressés les 21 février, 22 mars, 15 mai et 2 juin 2006 ont été communiqués à EAT respectivement les 27 février, 30 mars, 19 mai et 7 juin 2006, soit dans le délai requis;

Considérant que c’est également à tort que EAT invoque, d’une part, la nullité des procès-verbaux de constatation en raison, d’une part, de la violation des formes substantielles prévues par les articles 15 et 17 de l’ordonnance 1999 et, d’autre part, de l’absence d’agent lors des mesures;

Qu’en effet, les formalités prévues aux articles 15 et 17 de l’ordonnance et à l’article 12, § 1er, de l’arrêté du 21 novembre 2002 ne s’appliquent qu’aux mesures de sources sonores effectuées à l’intervention d’un agent; qu’en outre, contrairement à ce que suggère la requérante, le recours à des appareils automatiques pour effectuer les mesures ne doit pas être autorisé explicitement par le législateur; que, par ailleurs, rien dans la législation invoquée n’impose d’effectuer des mesures de niveaux sonores en présence d’un...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI
1 temas prácticos
  • Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 juin 2020
    • Belgique
    • 30 Junio 2020
    ...mai 2016; n° 235.242, 27 juin 2016; n° 235.364, 5 juillet 2016; n° 236.614 du 30 novembre 2016; n° 236.615 du 30 novembre 2016; n° 236.616 du 30 novembre 2016; n° 236.620 du 30 novembre 2016; n° 236.662 du 2 décembre 2016 et n° 236.663 du 2 décembre 2016). Ainsi, dans son arrêt n° 235.364 d......
1 sentencias
  • Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 juin 2020
    • Belgique
    • 30 Junio 2020
    ...mai 2016; n° 235.242, 27 juin 2016; n° 235.364, 5 juillet 2016; n° 236.614 du 30 novembre 2016; n° 236.615 du 30 novembre 2016; n° 236.616 du 30 novembre 2016; n° 236.620 du 30 novembre 2016; n° 236.662 du 2 décembre 2016 et n° 236.663 du 2 décembre 2016). Ainsi, dans son arrêt n° 235.364 d......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT