Décision judiciaire de Conseil d'État, 8 janvier 2016

Date de Résolution 8 janvier 2016
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 233.432 du 8 janvier 2016

217.082/XV-2901

En cause : la commune d’Engis, ayant élu domicile chez Mes J. BOURTEMBOURG et N. FORTEMPS, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles,

contre :

l’État belge, représenté par le Ministre des Finance.

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LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XV e CHAMBRE, SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la requête introduite le 24 septembre 2015 par la commune d’Engis, en ce qu’elle sollicite la suspension de l’exécution de «la décision de l’administrateur général de la fiscalité du 29 juillet 2015 refusant […] la demande de communication des motifs de droit et de fait justifiant les principaux dégrèvements octroyés pour l’année 214 en matière de centimes additionnels communaux au précompte immobilier revenant à la requérante»;

Vu le dossier administratif et la note d’observations déposée par la partie adverse;

Vu le rapport de M. D. DELVAX, premier auditeur au Conseil d’État;

Vu l’ordonnance du 8 décembre 2015 fixant l’affaire à l’audience publique du 4 janvier 2016 à 14 heures;

Vu la notification aux parties du rapport et de l’avis de fixation à l’audience;

Entendu, en son rapport, Mme D. DÉOM, conseiller d’État, président de chambre f.f.;

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Entendu, en leurs observations, Me N. FORTEMPS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mme F. ROLAND, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. D. DELVAX, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause se présentent comme suit :

Les 19 mai et 19 juin 2014, les services de la partie adverse informent la requérante que des dégrèvements sur les centimes additionnels communaux sur le précompte immobilier de respectivement 56.932,96 € et 115.504,37 € ont été constatés au cours des mois d’avril et mai 2014.

Le 7 novembre 2014, la requérante adresse à l’administrateur général de l’Administration générale de la Fiscalité un courrier dans lequel elle expose qu’il lui a été indiqué que ces dégrèvements concernent un propriétaire de biens immobiliers, qui a également bénéficié de dégrèvements en raison de l’inactivité de l’outillage, et qu’il a été refusé de lui communiquer l’identité de ce contribuable.

Ce courrier ajoute que la requérante souhaiterait «obtenir des renseignements complémentaires, et ce en application de la loi d[u] 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration», et plus spécifiquement «connaître les motifs précis de droit et de fait justifiant les deux dégrèvements, et obtenir copie de la ou des décision(s) administrative(s), voire de la ou des décision(s) juridictionnelle(s) en vertu desquelles les dégrèvements on été décidés», qu’elle souhaite savoir si d’autres contestations seraient également en cours, leur stade de traitement, et le montant des impôts en jeu, et qu’il lui importe notamment de savoir s’il a été fait application de l’article 471, § 3, du CIR 1992 eu égard au décret du 23 février 2006 relatif aux actions prioritaires pour l’avenir wallon.

Le 26 décembre, la requérante adresse un courrier identique à l’administrateur général de l’Administration générale de la Fiscalité.

Le 2 mars 2015, le receveur régional compétent pour la requérante adresse aux services de la partie adverse un courrier électronique dans lequel, après avoir rappelé les principaux éléments de fait, il demande la communication des motifs de droit et

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de fait justifiant les principaux dégrèvements, spécialement en application de l’article 471, § 2, du CIR, et des éventuelles voies de recours qui lui sont ouvertes.

Le 6 mars, le directeur a.i. du Service du Précompte immobilier de la Direction des Contributions directes de l’Administration générale de la Fiscalité répond par un courrier dans lequel il indique ne pas pouvoir satisfaire à sa demande du 2 mars, car l’article 377 du CIR 1992 instaure une obligation de secret professionnel, car son service ne dispose pas des informations concernant les personnes ayant bénéficié, en matière de précompte immobilier, de dégrèvements importants, que le recours instauré par l’article 375, § 1er, du CIR 1992 ne l’est qu’au profit du contribuable et que l’article 257, 4°, du CIR 1992 prévoit un dégrèvement du précompte immobilier en raison de l’inactivité ou l’improductivité d’un bien immeuble.

Le 24 mars, les conseils de la requérante adressent une demande de reconsidération motivée à la partie adverse et formulent une demande d’avis auprès de la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs.

Le 13 avril, la Commission émet son avis n° 2015-23, qui se présente comme suit :

1. Un récapitulatif

Par e-mail en date du 2 mars 2015, le receveur de la commune d’Engis demande ce qui suit au SPF Finances, en application de la loi du 11 avril 1994 : "les motifs de droit et de fait justifiant les principaux dégrèvements octroyés pour l’année 2014 en matière de centimes additionnels communaux. La demande soulignait qu’il était particulièrement important pour la commune d’être éclairée sur l’application éventuelle de la disposition exonératoire de l’article 471, § 3, du CIR afin de déterminer si ces dégrèvements pouvaient faire ou non l’objet de mesures compensatoires de la part du Service Public de Wallonie dans le cadre du décret-programme du 23 février 2006 relatif aux actions prioritaires pour l’avenir wallon. Le même courriel sollicitait également des renseignements en ce qui concerne les éventuelles voies de recours ouvertes à la commune confrontée à la réduction significative de sa principale ressource fiscale.

Par courrier en date du 6 mars 2015, la Direction des Contributions Directes Précompte Immobilier de Liège du SPF Finances répond qu’elle ne peut donner suite à ces demandes. Elle avance en outre les arguments suivants.

En premier lieu, elle se réfère à l’article 337 du CIR 1992 qui instaure le secret fiscal et à l’interprétation qui lui est donnée dans cet article et que l’on trouve dans le commentaire administratif :

" Les administrations des provinces, de l’agglomération bruxelloise et des communes ne sont pas citées à l’art. 337, CIR 92, ce qui implique que les fonctionnaires de l’Administration des contributions directes ne peuvent, en restant dans leurs fonctions, leur fournir des renseignements fiscaux destinés à permettre l’application de réglementations provinciales, d’agglomération ou communales.

Lorsque ces administrations participent à l’application d’une législation ou réglementation nationale, ou de décrets, ordonnances

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ou arrêtés des institutions communautaires et régionales, (p. ex. : les provinces, en matière d’allocations d’études ou les communes, en matière de service militaire-sursis ou dispense pour cause morale), les fonctionnaires de l’Administration des contributions directes peuvent néanmoins leur communiquer les renseignement nécessaires à l’application de ces législations, réglementations, décrets, ordonnances ou arrêtés, mais il va de soi que ces renseignements ne peuvent en aucun cas être utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles ils ont été fournis (voir 337/10)".

Selon la décision, les renseignements demandés n’entrent pas dans le cadre de l’application d’une réglementation nationale ou régionale.

De plus, le SPF Finances avance que le service ne dispose pas d’une liste par commune des personnes et entreprises "qui ont bénéficié, en matière de précompte immobilier, de dégrèvements importants".

Enfin, le SPF Finances se réfère à l’article 375, § 1er, du CIR 92 sur la base duquel, seul le contribuable qui a introduit une réclamation "en matière de précompte immobilier" dispose du droit de contester la décision du directeur régional par la voie judiciaire. Le SPF Finances se réfère en outre à l’article 257, 4°, CIR 92 comme cet article est d’application en Région wallonne.

Par courrier en date du 24 mars 2015, Madame Nathalie Fortemps et Monsieur Jean Bourtembourg introduisent au nom de la commune d’Engis, une demande de reconsidération auprès du SPF Finances. Le même jour, ils introduisent également par e-mail et par courrier une demande d’avis à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission.

2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable. La Commission constate que les demandeurs ont introduit simultanément la demande reconsidération auprès du SPF Finances et la demande d’avis auprès de la Commission tel que défini par l’article 8, § 2, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration.

3. Le bien-fondé de la demande d’avis

L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 partent du principe de la publicité de tous les documents administratifs. La publicité ne peut être refusée que si l’intérêt requis pour avoir accès aux documents à caractère personnel fait défaut ou si un ou plusieurs motifs d’exception peuvent ou doivent être invoqués et que cela est motivé de manière concrète et pertinente.

La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 ne portent que sur l’accès aux documents administratifs et non sur l’obtention d’informations. Comme le constate la Commission, le demandeur demande "les motifs de droit et de fait justifiant les principaux dégrèvements octroyés pour l’année 2014 en matière de centimes additionnels communaux". La Commission constate que le demandeur n’a pas demandé l’accès aux documents dans lesquels figurent les motifs individuels de dégrèvement. Dans la mesure où la motivation globale n’est pas disponible dans un document administratif concret, l’article 32...

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