Décision judiciaire de Conseil d'État, 28 septembre 2015

Date de Résolution28 septembre 2015
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 232.358 du 28 septembre 2015

A. 200.250/XIII-5899

En cause : JACQUET Luc, ayant élu domicile rue d'Accolay 34/5 1000 Bruxelles,

contre :

  1. la Ville de Namur, ayant élu domicile chez Me Philippe BOUILLARD, avocat, place l'Ilon 15 5000 Namur,

  2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement.

    Parties intervenantes :

  3. MAILLEUX Louis, 2. MAILLEUX Irma, ayant tous deux élu domicile chez Mes Michel DELNOY et Alexandre PIRSON, avocats, rue Simonon 13 4000 Liège.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 2 mai 2011 par Luc JACQUET qui demande l'annulation :

    - du permis de lotir délivré le 11 janvier 2011 par le collège communal de la ville de Namur aux consorts MAILLEUX-NOËL, ROYEN-GERKENS et PIRLOTNELIS pour la division d’un bien sis à Gelbressée, rue Ernest Moëns, parcelles paraissant cadastrées section B, n°s 14b, 15c, 15d et 16v, en cinq lots destinés à la construction d’habitations unifamiliales,

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    - de la délibération du conseil [lire : collège] communal de la ville de Namur du 15 juin 2010 par laquelle celui-ci émet un avis préalable après enquête publique sur le projet présenté;

    Vu la requête complémentaire du 6 mai 2011;

    Vu la requête introduite le 25 juillet 2011 par laquelle Louis MAILLEUX et Irma MAILLEUX demandent à être reçus en qualité de parties intervenantes;

    Vu l'ordonnance du 10 août 2011 accueillant ces interventions;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le mémoire en intervention;

    Vu le rapport de M. NEURAY, premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

    Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires des parties requérante et intervenantes;

    Vu l'ordonnance du 2 mars 2015, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 2 avril 2015 à 9.30 heures;

    Vu la lettre du 27 mars 2015 informant les parties de la remise de l'affaire à l'audience publique du 28 mai 2015 à 9.30 heures;

    Vu les lettres des 22 et 26 mai 2015 informant les parties de la remise de l'affaire à l'audience publique du 17 septembre 2015 à 9.30 heures;

    Entendu, en son rapport, Mme VOGEL, conseiller d'Etat;

    Entendu, en leurs observations, Me M. DA COSTA AGUIAR, avocat, comparaissant pour le requérant, Luc JACQUET, requérant, Me J. BOUILLARD, loco Me P. BOUILLARD, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et loco Me B. HENDRICKX, pour la seconde partie adverse, et Mes M. DELNOY et A. PIRSON, avocats, comparaissant pour les parties intervenantes;

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    Entendu, en son avis contraire, M. NEURAY, premier auditeur chef de section;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les éléments utiles à l’examen de la cause se présentent comme suit :

  4. Le 12 octobre 2004, les consorts MAILLEUX-NOËL introduisent auprès de l’administration communale de Namur une première demande de permis de lotir pour la division d’un bien sis à Gelbressée, rue Ernest Moëns, parcelles paraissant cadastrées section B, n°s 14b, 15c, 15d et 16v, en six lots destinés à accueillir chacun une maison d’habitation unifamiliale. Cette demande donne lieu à la délivrance d’un permis de lotir le 3 février 2009. Ce permis de lotir a été annulé par l’arrêt n° 232.357 prononcé ce jour. Il est renvoyé à cet arrêt en ce qui concerne l’exposé des faits ayant donné lieu à la délivrance du permis de lotir du 3 février 2009.

  5. Le 16 décembre 2009, les consorts MAILLEUX-NOËL, ROYENGERKENS et PIRLOT-NELIS introduisent une nouvelle demande de permis de lotir pour la division du même bien en cinq lots. Une notice d’évaluation des incidences est jointe à cette nouvelle demande de permis de lotir. Concernant l’alignement le long de la voirie, le recul de trois mètres, la hauteur des murs gouttereaux, la pente autorisée de la toiture et l’imposition d’un couloir d’éloignement de quinze mètres de part et d’autre des câbles extérieurs de la ligne à haute tension, qui traverse en oblique le lot n° 3, la nouvelle demande présente les mêmes caractéristiques que celle ayant donné lieu à la délivrance du permis de lotir du 3 février 2009, qui a été annulé par l’arrêt n° 232.357.

  6. Par une délibération du 9 mars 2010, le collège communal de Namur déclare la demande de permis complète, constate que le projet n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et décide qu’il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner la réalisation d’une étude d’incidences. Dans cette même délibération, le collège communal constate qu’au regard des articles 129 et suivants du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, du patrimoine et de l’énergie (CWATUPE), tels que modifiés par le décret du 30 avril 2009 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP), le décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement et le décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques, la demande, qui n’implique pas d’élargissement de la voirie

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    communale, ne doit pas être soumise aux formalités d’enquête publique. Le collège décide néanmoins, dans un souci de bonne administration, de soumettre le projet à une enquête publique.

  7. Celle-ci se déroule du 12 au 26 avril 2010. Des réclamations sont introduites par Benoît JACQUET, frère de l’actuel requérant, et par deux autres habitants de Gelbressée. Ces réclamations portent sur les caractéristiques urbanistiques et environnementales du projet, sur son manque d’intégration dans le bâti environnant, sur les atteintes portées au biotope et sur le risque accru d’inondations lié au projet. Le requérant, copropriétaire de l’immeuble situé rue Ernest Moëns, 42 à Gelbressée, mais domicilié à Bruxelles, n’introduit pas de réclamation pendant l’enquête publique.

  8. Le 10 mai 2010, l’administration de l’environnement et des services techniques, service provincial voirie, cours d’eau et environnement, émet l’avis défavorable suivant :

    " […]

    Après examen détaillé de ce dossier et visite sur place, je porte à votre connaissance que j’émets un avis défavorable sur la réalisation de ce projet.

    En effet, plusieurs éléments m’ont amené à prendre cette décision :

    Présence de remblais

    Des remblais ont été déversés dans la zone inondable par débordement naturel du cours d’eau; ce qui est strictement interdit.

    Axe de ruissellement concentré

    D’après la cartographie ERRUISSOL de la Région wallonne, le site est traversé par un axe de ruissellement concentré.

    […]

    Ce «thalweg sec» traduit un chemin préférentiel emprunté par les eaux de ruissellement en provenance du versant Nord-Est (Franc-Warêt).

    Aménagement du trottoir

    L’aménagement prévu, c’est-à-dire la création d’un trottoir en contre-pente et l’apport de remblais le long de la voirie, constituera une barrière à l’écoulement naturel des eaux de ruissellement vers le cours d’eau lors de fortes pluies. Dès lors, ces eaux seront transportées par la voirie vers les autres habitations de la rue Ernest Moëns.

    Je vous signale également qu’un avis défavorable concernant une demande de permis de lotir sur ce site avait déjà été émis par notre service le 17 décembre 2007.

    […]".

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    6. Le 15 juin 2010, le collège communal émet un avis préalable favorable après enquête publique sur le projet et décide de demander l’avis du fonctionnaire délégué sur celui-ci. Cet avis est demandé le 31 août 2010. Le fonctionnaire délégué n’ayant pas envoyé son avis dans le délai prévu à l’article 116, § 5, alinéa 2, du CWATUPE, son avis est, en vertu de cette disposition, réputé favorable.

  9. Le 11 janvier 2011, le collège communal de la première partie adverse accorde le permis de lotir demandé. Il s’agit de l’acte attaqué. Celui-ci comporte notamment la motivation suivante :

    " […] que les demandeurs ont dès lors déposé une autre demande de permis de lotir le 16 décembre 2009, sans renoncer pour autant au permis de lotir qui leur a été délivré le 3 février 2009;

    […]

    Considérant que l'objet du projet, portant sur la création de 5 lots destinés à la construction de maisons d'habitation unifamiliale, respecte pleinement la destination de la zone d'habitat à caractère rural dans laquelle il s'implante principalement vouée à la résidence;

    Considérant que le projet permet de garantir un équilibre entre les espaces bâtis et non bâtis environnants et l'église de Gelbressée qui le domine, site caractéristique du contexte environnant;

    Considérant, à cet égard, que le projet n'est nullement repris dans le périmètre du site classé de l'ensemble formé par l'Eglise Notre-Dame de Gelbressée et les terrains environnants;

    Considérant que le projet, bien que non repris dans le site classé, est situé à proximité de celui-ci; que le projet, prévoyant un couloir d'éloignement de part et d'autre de la ligne à haute tension, permet de sauvegarder majoritairement la vue générale sur le site classé d'autant plus que l'église, élément majeur du site classé, est située en surplomb par rapport au projet; que, par ailleurs, le matériau principalement autorisé, à savoir les moellons de calcaire, permet de garantir une parfaite intégration des futures constructions par rapport à leur contexte environnant, majoritairement composé de ce type de matériau, pleinement caractéristique et typique du village de Gelbressée;

    Considérant que l'utilisation du bois, matériau traditionnellement associé à la pierre, comme matériau d'accompagnement des moellons de calcaire permet de renforcer le caractère villageois des futures constructions; que, de plus, le projet maintient les arbres existants en domaine public et caractéristiques du lieu et de l'environnement direct du site classé;

    Considérant en effet que le plan de...

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