Décision judiciaire de Conseil d'État, 5 mai 2015

Date de Résolution 5 mai 2015
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

no 231.098 du 5 mail 2015

  1. 214.109/VIII-9478

    En cause : AZZAHRAOUI Tarik, ayant élu domicile à la Centrale Générale des Services Publics (CGSP), place Fontainas 9-11 1000 Bruxelles,

    contre :

    la société anonyme de droit public HR Rail, ayant élu domicile chez Mes Chris VAN OLMEN et

    Vincent VUYLSTEKE, avocats, avenue Louise 221 1050 Bruxelles. ---------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

    Vu la requête introduite le 30 octobre 2014 par Tarik AZZAHRAOUI tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de "la décision prise par Monsieur J-M. ROSSIGNON, adjoint du directeur général de HR-Rail, le 23 septembre 2014, de mettre fin [à ses] fonctions en qualité d'accompagnateur de train en stage, en date du 30 juin 2014 et de prononcer une interdiction de recrutement pour tout emploi pour une période de 5 ans à partir du 1er juillet 2014" et, d'autre part, à l'annulation de cette décision;

    Vu la note d'observations et le dossier administratif;

    Vu le rapport de Benoit CUVELIER, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État;

    Vu l'ordonnance du 6 mars 2015 fixant l'affaire à l'audience publique du 21 avril 2015;

    Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

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    Entendu, en son rapport, Jacques VANHAEVERBEEK, président de chambre;

    Entendu, en leurs observations, Me Monique DETRY, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Vincent VUYLSTEKE, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

    Entendu, en son avis conforme, Benoit CUVELIER, premier auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

    1. Le requérant a été engagé au sein du "Groupe SNCB", le 5 mai 2013, en qualité d'accompagnateur de train en stage. Il a été installé le 6 mai 2013. Son recrutement a fait suite à sa réussite d'une épreuve publique de recrutement d'accompagnateurs de train. Il a ainsi réussi la formation fondamentale et a donc entamé son stage.

    2. Le 4 février 2014, le chef immédiat du requérant rédige un rapport de stage relatif à la première période d'évaluation. Ce rapport est "favorable".

    3. Le 2 avril 2014, le requérant rentre à son domicile, à Liège, depuis Bruxelles-midi, en tenue de fonction, avec le train "E521", après avoir assuré une prestation entre 14h40 et 22h55.

      Selon l'exposé des faits de la partie adverse, un incident éclate, dans ce train, entre le requérant et le chef de bord du train, Christophe CESAR, dont le motif est la présence du requérant en première classe avec un billet "libre parcours" valable pour la deuxième classe. À la demande du chef de bord de se déplacer en deuxième classe, le requérant aurait répondu par la négative et de manière agressive. Le requérant aurait insulté le chef de bord, le traitant de raciste et de fasciste. L'incident ne pouvant pas être réglé, le chef de bord du train a demandé l'intervention de "Securail" (le service de sécurité) en gare de Bruxelles-Nord, ce qui a causé un retard de cinq minutes au train. Ensuite, le train a continué son chemin en direction de Louvain. Le chef de bord, voulant ainsi éviter l'escalade, aurait décidé de ne pas insister. Le requérant prétend, par contre, avoir été victime, pendant le trajet vers Louvain, d'une agression par celui-ci et de propos racistes. Il contacte lui-même la centrale d'appel de la SNCB et la police. Arrivé à Louvain, le requérant, toujours en

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      tenue de fonction, aurait empêché le départ du train en bloquant les portes d'accès, jusqu'à l'arrivée de la police de Louvain. Ce comportement a engendré un retard de trente-neuf minutes pour le train, et pour ses nombreux passagers présents. Il a présenté également un billet libre parcours complété pour la première classe au sous-chef de gare de Louvain. Il aurait continué d'insulter les contrôleurs jusqu'à l'arrivée des forces de police qui le convaincront, après avoir insisté, de quitter le train. Il s'est rendu le lendemain à la police, où il a déposé plainte pour des faits de racisme, accusant notamment un des accompagnateurs concernés de faire partie d'un groupuscule fasciste basé à Welkenraedt.

      Il a, par la suite, introduit des attestations d'incapacité de travail et demandé que les incidents précités soient reconnus comme constitutifs d'un accident du travail dont il aurait été victime. Cette demande a été refusée par les organes compétents de la SNCB.

      Dans sa requête, le requérant rappelle qu'il est d'un usage confraternel pour les chefs de train d'autoriser les collègues ayant terminé leur service de prendre place en 1ère classe malgré qu'ils ne disposent que d'un libre parcours valable pour la seconde classe, pour autant que le confort des voyageurs n'en pâtisse pas. Il insiste sur l'agression qu'il prétend avoir subie et explique notamment que Christophe CESAR lui aurait indiqué que "jamais il ne considèrerait un arabe comme un collègue".

    4. Compte tenu des faits précités, Hendrik GEUBELS, manager de district accompagnement, demande, le 17 avril 2014, de mettre fin anticipativement au stage du requérant. Cette décision est justifiée, d'une part, par la présence de celui-ci en première classe avec un titre de transport pour la deuxième classe et son refus de se déplacer en seconde classe, et, d'autre part, par le blocage du train en gare de Louvain, ce qui "a mis en péril la sécurité du trafic ferroviaire ainsi que la régularité".

    5. À la suite d'une rencontre entre le requérant, son délégué syndical, et la partie adverse, la note de Hendrik GEUBELS est "considérée comme nulle et non avenue". La partie adverse a toutefois décidé de laisser poursuivre le stage du requérant, jusqu'à l'obtention des conclusions de l'enquête en cours concernant les faits du 2 avril 2014.

    6. Le rapport relatif à cette enquête, établi par Patrick LOUWAGIE, inspecteur B-HR, est rédigé, en néerlandais, le 2 juin 2014. Ce rapport, visé par le directeur adjoint Luc HASTIR, traduit par la partie adverse, précise ce qui suit : " [...] Pour compléter le dossier, il a été décidé que H-HR.123 auditionnerait les agents de sécurité (intervention Bruxelles-Nord) + le sous chef de gare de la gare de Louvain.

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      Audition 05 mai 2014 - sous chef de gare Louvain - Louvain.

      Lors de l'arrivée du «E521», l'agent était au travail sur le quai. Suite au chahut sur le quai 3, il est allé voir sur place ce qu'il se passait. Il a vu deux (2) accompagnateurs (dépôt Welkenraedt) qui lui ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas entamer la procédure de départ, étant donné qu'un collègue accompagnateur du dépôt de Bruxelles-Midi les en empêchait en se plaçant entre les portes d'accès. Ce dernier agissait ainsi suite à un incident à bord du train avec un titre de transport incorrect.

      Le sous chef de gare s'est adressé à Monsieur Azzahraoui en lui demandant ce qu'il se passait. II lui a répondu en criant que les deux accompagnateurs de Welkenraedt étaient des racistes et des fascistes et qu'il ne pouvait pas prendre place en première classe. Il lui a alors demandé son titre de transport de 1ère classe, mais il ne pouvait pas le montrer, il devait aller le chercher dans le train. Ceci a duré assez longtemps et il/ils se sont donc demandés où il restait. Enfin, il a montré un billet libre parcours 1ère classe complété. Les deux accompagnateurs de Welkenraedt étaient certains que cet agent n'en disposait pas au début du voyage. Quand je lui ai demandé s'il venait de le remplir au moment même, il ne m'a pas répondu.

      Un policier en uniforme était également présent. Il s'est informé sur ce qui se passait et a offert son aide. Il est allé auprès du voyageur et lui a demandé de ne plus bloquer les portes. L'agent Azzahraoui lui a crié qu'il n'avait pas besoin de son aide et qu'il voulait uniquement une intervention de la police locale de Louvain. Sur le quai, les deux accompagnateurs, le policier ainsi que moi-même avons demandé à plusieurs reprises qu'il soit raisonnable. Il a négligé tout cela, il ne voulait qu'une intervention de la police locale. Quand je lui disais qu'avec son action, il prenait en otage tous les voyageurs présents, il s'en foutait! La situation était claire dès ce moment, les accompagnateurs de train n'ont pas pu entamer la procédure de départ sans pouvoir garantir la sécurité de l'intéressé et sans partir avec des portes ouvertes. À l'arrivée de la police locale, ceux-ci ont été informés de la situation. Pendant qu'on discutait sur le quai, nous avons été dérangés par le voyageur qui avait quitté sa position. Il a recommencé à insulter les accompagnateurs de train de racistes et de fascistes. Il lui a été demandé de retourner dans le train. Ensuite, la police est allée auprès du voyageur. J'ai vu qu'il montrait son titre de transport de 1ère classe. Eux aussi ont essayé de le ramener à la raison, sans résultat !

      La police et moi-même lui avons demandé de quitter le train. En première instance, il ne voulait pas. Ce n'est qu'après insistance qu'il l'a fait. Monsieur Azzahraoui a encore crié au sous chef de gare que tous les accompagnateurs de train du dépôt de Welkenraedt étaient des racistes, il n'a pas émis de réaction. Suite à cet incident le train a encouru un retard de 39' en gare de Louvain.

      Il voulait encore ajouter que durant tout l'incident les deux accompagnateurs de train étaient très calmes et n'ont rien dit ou entrepris pour agiter ou provoquer le voyageur concerné.

      Audition 23 mai 2014 - agents de sécurité - atrium.

      Les deux agents ont rédigé chacun un «D233» et ont été auditionnés séparément, sans avoir pris connaissance et sans connaître le contenu de leurs déclarations mutuelles.

      Lors de...

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