Décision judiciaire de Conseil d'État, 4 novembre 2014

Date de Résolution 4 novembre 2014
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 229.056 du 4 novembre 2014

  1. 204.105/XIII-6170

En cause : 1. PERSOONS Marc, 2. MAES Véronique, ayant tous deux élu domicile chez Me Vanessa PAUWELS, avocat, rue de Brocsous 76 1325 Chaumont-Gistoux,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 20 mars 2012 par Marc PERSOONS et Véronique MAES qui demandent l'annulation de "l'arrêté ministériel pris le 20 janvier 2012 par le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité, refusant le permis d'urbanisme sollicité [...] et portant sur un bien sis Au Lachet à 6870 Saint-Hubert/Hatrival cadastré section B, nº 1786d";

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de Mme LEYSEN, premier auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les lettres valant demande de poursuite de la procédure des parties adverse et requérantes;

Vu l'ordonnance du 10 septembre 2014, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 16 octobre 2014 à 09.30 heures;

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Entendu, en son rapport, Mme BOLLY, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me Ph. LEVERT, loco Me V. PAUWELS, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Me C. HECQ, loco Me B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis, Mme LEYSEN, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits de la cause se présentent comme suit :

  1. Par acte notarié du 21 mars 2008, Marc PERSOONS et Véronique MAES acquièrent une "propriété comprenant une habitation de vacances et deux ruines sises au lieu-dit «Roide Fontaine» numéros 1 et +1", sur des parcelles cadastrées section B, nos 1786/c, 1786/d et 1786/e, sur le territoire de la ville de Saint-Hubert.

  2. Le 30 octobre 2008, Marc PERSOONS et Véronique MAES introduisent une demande de permis d'urbanisme auprès du collège communal de Saint-Hubert ayant pour objet la régularisation de la construction d'une maison d'habitation d'environ 48 m2 sur un niveau, sise au Lachet à Hatrival et cadastrée section B, nº 1786d. Il s'agit en réalité de l'une des deux "ruines".

    Le bien est situé en zone forestière d'intérêt paysager au plan de secteur de Bertrix-Libramont-Neufchâteau du 5 décembre 1984.

  3. Le 5 novembre 2008, la ville de Saint-Hubert délivre un accusé de réception du dossier incomplet de la demande; les documents suivants sont manquants : une vue axonométrique en trois exemplaires, la liste des propriétaires dans un rayon de 50 mètres et un extrait cadastral.

  4. Dans son avis défavorable du 27 novembre 2008, le département de la nature et des forêts (D.N.F.) signale que le projet se situe au plan de secteur en zone forestière et dans un périmètre d'intérêt paysager, à une distance d'environ 25 mètres de forêts soumises au régime forestier (bois de la ville de Saint-Hubert), à une distance d'environ 35 mètres d'un ruisseau non classé, et en dehors du périmètre d'un site Natura 2000. Il relève que le chalet, d'une surface de plus de 50 m² et apparemment destiné à l'habitation, ne respecte pas la destination de la zone forestière et l'article 36 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de

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    l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP), que le dossier ne comporte aucune donnée au sujet de l'historique de ce chalet et qu'il ne lui est dès lors pas possible d'évaluer la possibilité d'application de l'article 111 du CWATUP qui pourrait rendre possible une dérogation à l'article 36 s'il s'agit de travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction d'un bâtiment existant avant l'entrée en vigueur du plan de secteur. Il précise toutefois que son avis pourrait être revu à la lumière d'éléments neufs concernant l'historique du bâtiment, l'autorisation ministérielle préalable relative à l'article 113 du Code forestier et la gestion des eaux usées.

  5. Le 1er décembre 2008, la direction des services techniques de la province de Luxembourg émet un avis favorable sur la demande.

  6. Le 11 décembre 2008, la ville de Saint-Hubert délivre un accusé de réception du dossier complet de la demande.

  7. Une enquête publique est organisée par la ville de Saint-Hubert du 18 décembre 2008 au 1er janvier 2009. Elle ne suscite aucune réclamation.

  8. En séance du 8 janvier 2009, la ville de Saint-Hubert émet un avis favorable sur la demande.

  9. Le 25 février 2009, le fonctionnaire délégué émet un avis défavorable. Il relève que le bien se situe en zone forestière et que sa destination est incompatible avec la zone, qu'il n'est pas démontré que le bâtiment existait avant l'entrée en vigueur du plan de secteur et qu'il n'existe pas de procédure dérogatoire susceptible de régulariser la situation actuelle. Il note encore le caractère incomplet du plan d'implantation, notamment en ce qui concerne les équipements, le statut de la voirie d'accès. Il observe que l'accès semble être un chemin privé non équipé. Il considère enfin que le projet ne correspond aucunement à la typologie régionale, tant en ce qui concerne l'implantation, le gabarit et la volumétrie que les matériaux, leur aspect et leur mise en œuvre.

  10. Le 5 juin 2009, le conseil communal relève que l'accès se fait actuellement par le chemin situé sur la parcelle B, nº 1794f (propriété privée de la ville de Saint-Hubert) et décide de "transférer le chemin situé sur la propriété privée communale dans la propriété publique communale" afin de résoudre le problème d'accès.

  11. Le 25 mars 2009, Véronique MAES transmet à un sieur PIERRE "la copie du permis octroyé en 1962 pour le grand chalet".

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    12. Le 12 juin 2009, le collège communal de Saint-Hubert émet un avis favorable sur la demande.

  12. Le 16 juillet 2009, le fonctionnaire délégué émet un nouvel avis défavorable sur la demande. Il considère que le transfert du chemin privé dans la propriété publique communale ne résout pas la question des équipements manquants et que rien ne garantit que cet accès est suffisant pour permettre le passage des secours. Il relève également que si un permis a été accordé en 1962 pour une construction à usage d'habitation, la seconde construction n'est couverte par aucune autorisation, que sa destination n'est pas compatible avec la zone forestière au plan de secteur, que les photos datant des années 70 ne constituent pas une preuve de légalité et, pour rappel, qu'aucune procédure n'existe à l'heure actuelle pour faire aboutir cette demande. Il conclut qu'aucun élément nouveau ne lui permet de revoir son avis précédent.

  13. Le 23 juillet 2009, le collège communal de Saint-Hubert refuse le permis d'urbanisme sollicité.

  14. Le 18 août 2009, Marc PERSOONS et Véronique MAES introduisent un recours contre cette décision auprès du Gouvernement wallon, qui le réceptionne le 21 août 2009. Dans leur recours au Gouvernement wallon, les recourants précisent qu'ils ont introduit une demande "de régularisation" pour entreprendre la rénovation de la "ruine" toujours existante et y replacer notamment des portes et fenêtres détruites par le temps. Ils précisent également ce qui suit :

    " [...]

    La «ruine» se trouve être un petit chalet annexe au chalet principal, dont la construction, entamée en 1961, fut achevée à l'automne 1962 par Monsieur [Gérard] FABROT [ancien propriétaire] pour le gros œuvre (structures portantes) et la couverture, dans l'optique d'y loger ultérieurement un de ses deux fils, Sébastien FABROT, lourdement handicapé.

    Il ne sera toutefois volontairement repris au cadastre qu'en 1970 après achèvement définitif des aménagements intérieurs (vers 1968/1969).

    [...]".

    Ils ont notamment joint à leur recours une attestation du fils de Gérard FABROT, Martin FABROT, rédigée comme suit :

    " [...]

    Le chalet fut achevé au printemps de 1962.

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    La petite annexe, moins urgente - et de faible surface (de mémoire, 48 m²) fut achevée elle, à l'automne 1962 pour le gros œuvre et la couverture, nettement plus tard concernant les aménagements intérieurs [...] (1968/69).

    Ci-dessous, une photographie prise en 1962; on y voit que la construction du gros œuvre de l'annexe s'y achève, et que la terrasse du chalet principal repose encore sur 3 piliers; elle fut agrandie l'année suivante pour border toute la façade. Mon souvenir est précis, j'en ai moi-même cloué le plancher. Apparaît également sur la photographie, entre le chalet et son annexe, une cabane dans laquelle nous campions durant le chantier. Cette bâtisse d'appoint fut la toute première construction sur le site : n'ayant plus de raison d'être, elle fut démontée à la fin du gros œuvre de l'annexe, qui servit elle-même de remise entre ce moment et son achèvement ultérieur.

    [...]".

  15. Le 2 octobre 2009, la commission d'avis sur les recours émet un avis défavorable sur la demande de régularisation. Il se lit notamment comme suit :

    " [...]

    Compte tenu de ce qu'il ressort du cadre légal transmis par la DGO4 que l'objet de la demande se situe en zone forestière couverte par un périmètre d'intérêt paysager au plan de secteur; qu'il est contraire à la destination de la zone telle qu'elle est prévue par l'article 36 du CWATUP; que la DGO4 précise encore que l'objet de la demande est situé dans un périmètre de protection de captage d'eau (ZPE IIb);

    Compte tenu de ce qu'il ressort du dossier administratif et de l'audition des demandeurs les éléments suivants : le bâtiment «principal» réalisé sur la parcelle aurait bénéficié d'un permis pour une construction à usage d'habitation en 1962 (sans que soit précisé le type d'autorisation...

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