Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 février 2014

Date de Résolution26 février 2014
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 226.559 du 26 février 2014

  1. 206.784/VIII-8226

En cause : MATHIEU Patrick, ayant élu domicile chez Me Olivier LOUPPE, avocat, rue Defacqz 78-80 1060 Bruxelles,

contre :

l'État belge, représenté par le ministre de l'Intérieur.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 25 octobre 2012 par Patrick MATHIEU qui demande l'annulation de "la décision émise le 27 août 2012 par Madame la Ministre de l'Intérieur, agissant en qualité d'autorité disciplinaire supérieure, d'infliger au requérant la sanction disciplinaire lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée de quinze jours, notifiée au requérant le 30 août 2012";

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. LANGOHR, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 17 janvier 2014 fixant l'affaire à l'audience publique du 25 février 2014;

Entendu, en son rapport, Mme VANDERNACHT, conseiller d'État;

VIII - 8226 - 1/18

Entendu, en leurs observations, Me Olivier LOUPPE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mme Bénédicte FLAMEND, conseillère juriste, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. LANGOHR, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est, au moment des faits litigieux, commissaire de police au sein de la section Banditisme de la police judiciaire fédérale de Mons.

  2. Le 5 mai 2008, le directeur judiciaire ad interim de la police judiciaire fédérale de Mons a informé le parquet de Mons que le requérant se serait rendu coupable de dissimulations et de faux dans le cadre de dossiers judiciaires en cours.

  3. Le 6 mai 2008, ce même directeur a communiqué ces informations au directeur général de la police judiciaire, autorité disciplinaire ordinaire du requérant.

  4. Le 6 mai 2008 toujours, le procureur du Roi de Mons a informé le directeur judiciaire susvisé de l'ouverture d'une information judiciaire du chef de faux et usage de faux à charge du requérant et a sollicité son écartement du travail judiciaire dans l'arrondissement.

  5. Le 19 mai 2008, le requérant a été détaché par mesure d'ordre à la police judiciaire fédérale de Tournai.

  6. Le 12 janvier 2009, le directeur général de la police judiciaire a demandé au parquet de Mons de l'informer de la suite réservée à l'information judiciaire.

  7. Le 24 février 2009, il lui a été répondu que le requérant faisait l'objet d'une citation directe du chef de faux, usage de faux et cel frauduleux et que cette affaire a été fixée le 21 avril suivant devant le Tribunal correctionnel de Mons. Une copie du dossier pénal a été transmise.

    VIII - 8226 - 2/18

    8. Le 17 juillet 2009, le directeur général de la police judiciaire fédérale f.f. a demandé au procureur du Roi de lui communiquer le jugement pénal. Le 30 juillet 2009, le procureur du Roi l'a informé du report de l'affaire à l'audience du 15 septembre suivant.

  8. Le 15 décembre 2009, le Tribunal correctionnel de Mons a jugé que les préventions retenues à charge du requérant n'étaient pas établies. Le 18 décembre 2009, le ministère public a interjeté appel.

  9. Les 15 janvier 2010 et 10 décembre 2010, le directeur général de la police judiciaire fédérale a demandé au procureur du Roi de Mons de l'informer de la suite réservée au dossier et de l'éventuel arrêt de la cour d'appel.

  10. Le 14 décembre 2010, la Cour d'appel de Mons a jugé le requérant coupable de faux, l'a acquitté d'usage de faux et de cel frauduleux et a ordonné la suspension simple du prononcé de la condamnation pénale pendant trois ans.

  11. À une date indéterminée, les services du directeur général susvisé ont demandé au directeur judiciaire de Tournai cet arrêt lequel a été transmis le 7 juin 2011.

  12. Le 27 juillet 2011, le directeur général a.i. de la police judiciaire fédérale a sollicité du procureur général de Mons la communication du dossier judiciaire.

  13. Le 2 septembre 2011, le parquet général a transmis l'arrêt précité et précisé qu'il transmettra le dossier judiciaire si la partie adverse devait juger que les informations contenues dans l'arrêt étaient insuffisantes.

  14. Le 4 octobre 2011, le directeur général a saisi la ministre de l'Intérieur, autorité disciplinaire supérieure du requérant.

  15. Le 26 octobre 2011, un rapport introductif a été notifié à ce dernier.

  16. Le 24 novembre 2011, le requérant a déposé un mémoire en défense et a demandé à être entendu oralement.

  17. Le 2 décembre 2011, le requérant a été entendu et un procès-verbal a été rédigé.

    VIII - 8226 - 3/18

    19. Le 8 décembre 2011, la partie adverse a sollicité l'avis de la ministre de la Justice et du procureur du Roi de Mons. Le 19 décembre 2011, le procureur du Roi a donné son avis estimant la sanction disciplinaire proposée adéquate et le 23 décembre 2011, la ministre de la Justice a donné le sien.

  18. Le 27 décembre 2011, la ministre de l'Intérieur a proposé d'infliger la sanction disciplinaire lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée de quinze jours au requérant.

  19. Le 4 janvier 2012, celui-ci a introduit une requête en reconsidération devant le conseil de discipline.

  20. Le 6 mars 2012, le requérant a déposé un mémoire complémentaire.

  21. À l'audience du conseil de discipline du 7 mars 2012, la partie adverse a déposé une note de service et a demandé le report à la suite du dépôt du mémoire complémentaire.

  22. Le 8 mars 2012, le requérant a adressé un courrier à la partie adverse dans lequel il réitère ses soupçons de partialité, qu'il étaye, à l'encontre du délégué de l'autorité.

  23. Le 21 mars 2012, le conseil de discipline a reporté l'audience, la ministre de l'Intérieur ne s'étant pas encore prononcée sur la demande de récusation du délégué susvisé.

  24. À l'audience du conseil de discipline du 22 mai 2012, le requérant a déposé un mémoire complémentaire.

  25. Le 24 mai 2012, l'inspecteur général ad interim de la police fédérale et de la police locale a déposé un rapport dans lequel il a estimé que le dossier était incomplet et que la partie adverse ne l'a pas traité avec la diligence voulue.

  26. Le 3 juillet 2012, le conseil de discipline a rendu son avis suivant lequel "conformément à la présomption légale irréfragable de l'art. 56 LD, l'autorité disciplinaire ne pouvait plus au 26 octobre 2011 intenter une poursuite disciplinaire des faits constatés au 6 mai 2008".

  27. Le 24 juillet 2012, la partie adverse a notifié au requérant son intention de s'écarter de l'avis rendu par le conseil de discipline et le 6 août 2012, le requérant a déposé un dernier mémoire.

    VIII - 8226 - 4/18

    30. Le 27 août 2012, la ministre de l'Intérieur a infligé au requérant la sanction disciplinaire lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée de quinze jours qui repose sur les motifs suivants : " (…)

    2 Exposé des faits, circonstances

    Le CP Patrick MATHIEU était membre de la PJF MONS à la date des faits.

    De la lettre en Ref 1.3 et de l'arrêt de le Cour d'appel joint en annexe, je retiens les éléments suivants : • en date du 12-02-2008, le CP Patrick MATHIEU rédige le procès-verbal 1824/2008 dans le cadre d'un dossier à l'information auprès de l'Office de Monsieur le Procureur du Roi de MONS

    • par la rédaction de ce PV, le CP Patrick MATHIEU informe Monsieur le Procureur du Roi de l'envoi de copies conformes de devoirs exécutés et annexés au procès-verbal numéroté 126328/2005 du 08-07-2005

    • l'information donnée par le CP Patrick MATHIEU dans son PV du 12-02-2008 s'avère fausse.

    Par son arrêt du 15-12-2010, la Cour d'Appel de MONS a jugé établie la rédaction d'un faux procès-verbal.

    L'arrêt précise dans sa motivation : • que le CP Patrick MATIHEU a vérifié dans le système FEEDIS avant la rédaction du faux procès-verbal

    • que l'original du faux procès-verbal a été découvert dans le bureau du CP Patrick MATHIEU

    • que le CP Patrick MATHIEU a agi dans l'intention frauduleuse de cacher divers manquements - «faire arrêter les rappels» comme le précise la Cour - lui imputables dans la gestion lui confiée d'une information judiciaire

    • que le comportement du CP Patrick MATHIEU doit être qualifié de déloyal et indigne de la fonction de commissaire de police.

    La suspension simple du prononcé de la condamnation pénale pendant une durée de trois ans a été ordonnée.

    L'arrêt est coulé en force de chose jugée.

    Antécédents disciplinaires : Néant Évaluation : satisfaisant (2008).

  28. Date de prise de connaissance des faits

    L'arrêt de la Cour d'Appel de MONS a été communiqué par le CP Patrick

    MATHIEU en date du 07-06-2011.

    La date du 07-06-2011 est la date à prendre en considération pour la détermination du délai de prescription de la notification du rapport introductif.

    Le rapport introductif a été notifié le 26-10-2011.

    La proposition de sanction lourde a été notifiée le 28-12-2011.

  29. Établissement, qualification et imputabilité des faits

    Eu égard aux éléments de fait du dossier :

    VIII - 8226 - 5/18

    4.1 Je constate que les faits sont établis et imputables;

    4.2 J'estime que ces faits constituent la transgression disciplinaire suivante : «Commissaire affecté à la PJF MONS au moment des faits, avoir gravement failli aux devoirs de son emploi et porté tout aussi gravement atteinte à la dignité de sa fonction, pour avoir rédigé un faux procès-verbal aux fins de camoufler des négligences dans la gestion d'une information judiciaire»;

    en ce que ces faits constituent une transgression au point 28 de l'annexe à l'arrêté royal du 10 mai 2006 fixant le code de déontologie des services de police.

  30. Avis du Conseil de discipline

    Il est renvoyé à la référence 1.6.

  31. Intention de...

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