Décision judiciaire de Conseil d'État, 17 décembre 2013

Date de Résolution17 décembre 2013
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 225.865 du 17 décembre 2013

  1. 194.079/XIII-5378

    En cause : FRANCOIS Christian, ayant élu domicile chez Me Gilles VANDERMEEREN, avocat, rue Henri Lemaître 86 5000 Namur,

    contre :

    la Commune de Gesves, ayant élu domicile chez Me Lionel LEJEUNE, avocat, avenue Cardinal Mercier 46 5000 Namur.

    Partie intervenante :

    DANDOY Bernard, ayant élu domicile chez Me Alexis della Faille, avocat, place de l'Hôtel de Ville 15-16 1300 Wavre.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 25 septembre 2009 par Christian FRANCOIS qui demande l'annulation du "permis d'urbanisme délivré par la commune de Gesves à Monsieur et Madame DANDOY-KETELBANT pour régulariser la construction d'une piscine sur un bien situé rue Montjoie, 5 à Gesves";

    Vu la requête introduite le 27 novembre 2009 par laquelle Bernard DANDOY demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

    Vu l'ordonnance du 7 décembre 2009 accueillant cette intervention;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    XIII - 5378 - 1/25

    Vu le rapport de M. TELLIER, auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

    Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire de la partie requérante ainsi que les lettres valant dernier mémoire et demande de poursuite de la procédure des parties adverse et intervenante;

    Vu l'ordonnance du 10 octobre 2013, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 21 novembre 2013 à 9.30 heures;

    Entendu, en son rapport, M. PAQUES, conseiller d'Etat;

    Entendu, en leurs observations, Me G. VANDERMEEREN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me E. de MEY, loco Me L. LEJEUNE, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me C. HECQ, loco Me A. della FAILLE, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

    Entendu, en son avis contraire, M. TELLIER, auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

    1. Le requérant, qui est propriétaire et réside dans une habitation sise rue Monjoie, n° 3 à Gesves, est également propriétaire du terrain situé en face de son habitation, cadastré section F, n° 404, d'une contenance de 42 a 80 ca.

      2. Le requérant décide de diviser ce terrain en trois lots et obtient pour cela un permis de lotir délivré le 9 août 2002. Ce permis de lotir règle la zone bâtissable et proscrit toute modification du relief du sol (sous le point A.11 Divers). Il ne contient aucune prescription relative à la construction de piscines.

    2. Le 22 août 2003, par acte notarié, le lot n° 2 est vendu par le requérant et son épouse à Bernard DANDOY et à Françoise KETELBANT. Cet acte de vente contient, sous le chapitre "Urbanisme", une clause n° 8 indiquant notamment : "Si l'Administration compétente autorise un propriétaire de parcelle à déroger aux prescriptions urbanistiques contenues dans le permis de lotir, l'accord du vendeur est nécessaire jusqu'à la vente de la dernière des parcelles de ce lotissement. Le vendeur est libre d'accorder ou de refuser cet accord, sans motif [...]".

      XIII - 5378 - 2/25

      Le requérant reste propriétaire des deux autres lots du lotissement.

    3. Le 20 février 2009, à la suite d'une demande des époux DANDOYKETELBANT relative à la possibilité d'aménager une piscine, la partie adverse les informe qu'à la lecture des prescriptions du permis de lotir, aucune mesure n'est prévue pour l'implantation d'une piscine et considère que celle-ci ne pourrait être autorisée que moyennant une procédure dérogatoire. Elle les informe également de ce qu'"il s'agit bien d'une demande de permis d'urbanisme (annexe 20) pour une piscine enterrée sans modification du relief du sol" et leur indique les documents qu'ils doivent introduire à l'appui d'une demande de permis d'urbanisme.

    4. Le 24 février 2009, les époux DANDOY-KETELBANT introduisent auprès de la commune de Gesves une demande de permis d'urbanisme ayant pour objet la construction d'une piscine enterrée et non couverte d'une superficie de 44 m2, sur leur terrain sis à Gesves, rue Monjoie, 5, cadastré section F, n° 404.

      Le bien est situé, comme indiqué ci-dessus, dans le périmètre du lotissement FRANCOIS-HUMBLET autorisé le 9 août 2002. Il est aussi en zone d'habitat à caractère rural au plan de secteur de Namur arrêté le 14 mai 1986 et en sous-aire villageoise d'architecture rurale traditionnelle en vertu d'un règlement communal d'urbanisme adopté le 22 mars 2006.

    5. Les demandeurs de permis sollicitent une dérogation au permis de lotir du 9 août 2002, précité parce que, d'une part, il est nécessaire de modifier légèrement le relief du terrain celui-ci étant en pente et, d'autre part, le projet est implanté légèrement en dehors de la surface de bâtisse prévue par ledit permis de lotir.

    6. Le 9 mars 2009, la partie adverse délivre un avis de réception du dossier complet de la demande de permis d'urbanisme.

    7. Une enquête publique est organisée du 30 mars au 14 avril 2009. L'avis d'enquête publique précise que "La (Les) dérogation(s) porte(nt) sur : piscine non prévue dans les prescriptions et en léger débord de la zone de bâtisse".

    8. Par un courrier du 1er avril 2009, soit dans le délai d'enquête publique, le requérant fait part de ses observations sur le projet, indiquant ce qui suit :

      " Comme je l'ai dit à M. et Mme DANDOY-KETELBANT, je ne m'oppose pas au projet mais je lie la demande à la construction d'un muret de pierre d'une hauteur de + ou – 1,5 m, entourant le coin piscine côté de ma maison pour éviter une vue directe et des bruits de piscine (voir plan)".

      XIII - 5378 - 3/25

      Ledit plan est grossièrement dessiné sur le courrier d'observations.

    9. A une date indéterminée, la construction de la piscine commence.

    10. Le 20 avril 2009, le collège communal de Gesves décide de solliciter du demandeur de permis de nouveaux plans, constatant que la piscine a été implantée préalablement à la délivrance du permis d'urbanisme et qu'au vu des aménagements déjà effectués, il y a bien une modification du relief du sol qu'il convient d'intégrer à la demande. Il considère en outre que "dans ces conditions, l'incorporation d'un mur en pierre de grès est envisageable". Cette décision est notifiée aux demandeurs de permis par un courrier du 23 avril 2009.

    11. Par un courrier du 8 mai 2009, les demandeurs de permis font part à la partie adverse de leur opposition à la construction d'un mur de pierre autour de leur piscine et exposent les raisons qui les ont poussés à démarrer les travaux de construction de la piscine avant l'obtention du permis. Un "plan" figurant la modification du relief du sol est déposé.

    12. Le 18 mai 2009, le collège communal de Gesves émet un avis favorable sur le projet et décide de transmettre le dossier au fonctionnaire délégué pour avis sur les dérogations à accorder.

    13. Par un courrier du 10 juin 2009, le requérant se plaint auprès de la commune de Gesves de ce que la piscine est déjà construite, sans permis, en partie en zone non constructible et avec modification du relief du sol. Il fait état de la clause n° 8 prévue dans l'acte de vente et indique n'avoir pas donné d'autorisation aux demandeurs de permis de déroger au permis de lotir.

    14. Le 7 juillet 2009, le fonctionnaire délégué accorde les dérogations sollicitées.

    15. Le 24 juillet 2009, le requérant informe la commune de ce qu'il a "pu constater que ladite piscine avait été mise sous eau, et donc utilisée et ce toujours sans enquête ni avis de la commune, bien entendu".

    16. Le 27 juillet 2009, la partie adverse délivre le permis d'urbanisme sollicité. Cette décision est libellée comme suit :

      " [...]

      Attendu qu'il a été procédé à l'examen des incidences probables du projet sur l'environnement au sens large, sur base des critères de sélection pertinents visés à l'article D.66 du Livre Ier du Code de l'Environnement;

      XIII - 5378 - 4/25

      Considérant que la demande de permis d'urbanisme comprend une notice d'évaluation des incidences sur l'environnement;

      Considérant qu'au vu de la notice et au regard de l'ensemble des critères de sélection pertinents visés à l'article D.66, § 2 du Livre Ier du Code de l'Environnement tel que modifié par le décret du 10 novembre 2006, le projet n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement; qu'une étude d'incidences n'est donc pas requise;

      Considérant que le projet présenté est dérogatoire aux prescriptions graphiques et littérales du lotissement FRANCOIS-HUMBLET non périmé autorisé par le permis de lotir délivré à MM FRANCOIS-HUMBLET en date du 09/08/2002;

      Considérant que la demande de permis a été soumise à des mesures particulières de publicité pour le(s) motif(s) suivant(s) :

      - article 330, 11° : les demandes de permis de lotir/d'urbanisme impliquant l'application des articles 110 à 113;

      Vu les pièces exigées pour constater que la publicité voulue a été donnée à la demande;

      Vu le procès-verbal de l'enquête publique d'une durée de 15 jours, duquel il résulte que l'installation projetée a rencontré une lettre de remarque concernant les nuisances visuelles et sonores générées par les activités natatoires et la suggestion de construire un mur pour éviter ces nuisances;

      Considérant que la construction d'un mur de 1,5 m de hauteur en pierre de grès, entourant le coin piscine en face de la maison du réclamant, doit faire l'objet de plans conformes aux exigences du CWATUPe;

      Attendu que le projet déroge aux règles au(x) motif(s) suivant(s) :

      - piscine non prévue dans les prescriptions et en léger débord de la zone de bâtisse;

      Considérant que la piscine a été implantée préalablement à la délivrance du permis d'urbanisme; qu'il y a lieu de regretter la politique du fait accompli;

      Considérant, au vu des aménagements déjà effectués, qu'il y a bien une...

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