Décision judiciaire de Conseil d'État, 5 décembre 2013

Date de Résolution 5 décembre 2013
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 225.718 du 5 décembre 2013

A. 198.497/VIII-7523

En cause : LECOMTE Eric, ayant élu domicile chez Mes Philippe LEVERT et Mathieu VELGHE, avocats, avenue Louise 149/22 1050 Bruxelles,

contre :

1. la ville de Charleroi, représentée par le collège communal, ayant élu domicile chez Me Marc UYTTENDAELE, avocat, rue de la Source 68 1060 Bruxelles,

2. la Région wallonne, représentée par le Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Thierry STIÉVENARD, avocat, avenue des Crocus 48 1070 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête unique introduite le 13 décembre 2010 par Eric LECOMTE tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution : " - de la délibération du 24 novembre 2008 du Conseil Communal de la Ville de

Charleroi décidant de lui infliger la sanction disciplinaire de la démission d'office;

- de la décision du 13 octobre 2010 de Monsieur Paul FURLAN, Ministre des

Pouvoirs locaux et de la Ville, déclarant recevable mais non fondé le recours introduit par le requérant contre cette délibération du 24 novembre 2008 du Conseil Communal de la Ville de Charleroi;

et, d'autre part, à l'annulation de ces décisions;

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Vu l'arrêt nº 213.261 du 16 mai 2011 ordonnant la suspension de l'exécution des décisions attaquées;

Vu l'arrêt n° 220.135 du 29 juin 2012 rouvrant les débats, accordant un délai de trente jours à la partie requérante pour déposer un mémoire complémentaire et des pièces complémentaires, accordant un délai identique aux parties adverses pour y répondre, accordant un délai de quinze jours à la partie requérante pour faire valoir ses observations en réponse et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de rédiger un rapport complémentaire;

Vu les mémoires complémentaires de la partie requérante et de la première partie adverse;

Vu les observations en réponse de la partie requérante;

Vu le rapport complémentaire de Mme VAN LAER, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 13 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires de la partie requérante et de la première partie adverse;

Vu l'ordonnance du 7 octobre 2013 fixant l'affaire à l'audience publique du 14 novembre 2013;

Entendu, en son rapport, M. VANHAEVERBEEK, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Mes Philippe LEVERT et Mathieu VELGHE, avocats, comparaissant pour la partie requérante, Me Marc UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Evelyne DAMMANS, loco Me Thierry STIÉVENARD, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Mme VAN LAER, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours ont été exposés dans les arrêts nos 213.261 et 220.135 précités et qu'il y a lieu de s'y référer;

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Considérant que l'arrêt n° 220.135 précité a jugé les premier et huitième, deuxième et onzième et quatrième et neuvième moyens de la requête non fondés; qu'au sujet du cinquième moyen, le Conseil d'État a ordonné la réouverture des débats afin d'être plus amplement éclairé par les parties à propos d'une note interne invoquée par le requérant et dans laquelle il aurait dressé la liste des actes pouvant être soumis à l'usage de sa griffe; que les éclaircissements demandés valent également implicitement pour l'examen du douzième moyen; que pour pouvoir examiner les sixième et dixième moyens, l'arrêt impose, en outre, à la première partie adverse, de verser au dossier le projet de délibération du 8 avril 2008, par laquelle celle-ci avait envisagé de placer le requérant en disponibilité par retrait d'emploi ainsi que les documents relatifs à ce projet de délibération; que l'arrêt ne s'est enfin pas prononcé sur les troisième et septième moyens;

Considérant que le requérant prend un cinquième moyen, dirigé contre le premier acte attaqué, de la violation du principe de proportionnalité, de la violation des articles 1er à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir; qu'il fait valoir, dans une première branche, que le premier acte attaqué prononce la sanction disciplinaire maximale de la démission d'office, estimant que le premier grief justifie à lui seul ladite sanction alors qu'il n'est pas tenu compte de l'absence de répercussions sur le fonctionnement du service et de l'absence d'antécédents disciplinaires; qu'il fait observer que seuls deux griefs ont été pris en considération pour infliger la peine disciplinaire attaquée alors qu'au départ, il y en avait quatre; qu'il considère qu'au regard de ces deux griefs, la sanction disciplinaire est disproportionnée; que pour le premier grief, il souligne qu'on ne lui reproche pas de ne pas avoir veillé à l'affichage des arrêtés et règlements communaux mais de ne pas avoir tenu le registre des publications dans le respect de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 précité alors que, selon lui, il est possible de prouver cet affichage par d'autres modes de preuve; qu'il ajoute qu'il s'agissait d'une situation ancienne, née du passé; que, quant au second grief, il affirme que l'impact de celui-ci est très limité et qu'il n'existe aucune législation ou réglementation relative à l'usage de la griffe; qu'il insiste sur la circonstance qu'il n'y a pas eu d'enrichissement personnel et qu'il a exercé ses missions avec dévouement mais dans un contexte qui n'était pas facile; que, dans une seconde branche, il soutient que l'acte attaqué ne rencontre nullement ses arguments et ne justifie pas en quoi une autre peine n'aurait pas permis d'atteindre le but poursuivi par l'action disciplinaire; qu'il fait observer que la première partie adverse a motivé sa décision en affirmant que les manquements qui lui étaient reprochés étaient de nature à rompre la confiance qu'elle devait placer dans le fonctionnaire le plus important de son administration mais qu'elle n'a pas davantage développé ce motif en indiquant en quoi la confiance était ici définitivement rompue; qu'il s'en réfère aux considérations émises par le secrétaire

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communal f.f. à propos de la procédure de retrait d'emploi qui avait été intentée contre le requérant dans un premier temps et que celui-ci n'a pas souhaité cautionner, émettant de sérieux doutes tant sur le plan juridique que sur le plan de l'opportunité;

Considérant que le requérant prend un douzième moyen, dirigé contre le second acte attaqué, de la violation du principe de proportionnalité, de la violation des articles 1er à 3 de la loi du 29 juillet 1991 précitée, de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'excès de pouvoir et de la violation de l'article L3133-3 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation; qu'il critique le fait que le second acte attaqué déclare son recours recevable mais non fondé alors que cet acte considère que le premier grief justifie à lui seul la sanction de la démission d'office et que l'absence de répercussions sur le fonctionnement du service et l'absence d'antécédents disciplinaires ne sont pas de nature à empêcher la prononciation de la peine disciplinaire maximale; qu'il s'en réfère, pour le surplus, au développement de son cinquième moyen;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, le requérant soutient, sur les deux moyens, que la seule question qui se pose est de savoir si le premier grief, relatif à la tenue des registres de publication des actes des autorités communales, justifie que soit prononcée la sanction de la démission d'office, dès lors que selon la première partie adverse, ce grief justifie à lui seul la hauteur de la sanction prononcée; qu'il fait à cet égard valoir que la négligence dans la tenue des registres de publication n'est pas un phénomène exclusif dans son chef, mais qu'il s'agit d'un manquement récurrent, partagé par de nombreuses communes de la Région wallonne; que, dans son "mémoire complémentaire après réouverture des débats", le requérant confirme qu'à la suite de ses instructions et "après collecte des informations empiriques recueillies par les responsables de service auprès de l'Autorité de tutelle et de l'Union des Villes et Communes, une liste a été établie par la cellule Collège laquelle indiquait que la griffe du requérant pouvait être apposée sur les extraits conformes des délibérations des assemblées, les lettres de consultation des fournisseurs (entrepreneurs et prestataires dans le cadre des marchés publics) et de tou[s] les documents qui n'engageaient pas financièrement la première partie adverse"; qu'il précise que "les notifications originales de marchés publics, les contrats de travail, les rôles, comptes et budgets ainsi que les actes soumis à l'autorité de Tutelle devaient être soumis à [sa] signature manuscrite originale"; que le requérant joint, à ce sujet, le témoignage écrit de Sonia THIRY du 4 août 2012, dans lequel elle déclare : " (…)

Monsieur LECOMTE a adressé une note de service aux responsables administratifs des services pour les informer de cette irrégularité et les sommer de restituer sans délai toutes les griffes de signature de Monsieur DEHONT

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[secrétaire communal sortant], qui ont été immédiatement détruites pour éviter toute utilisation ultérieure.

Dans la même note de service, le Secrétaire a demandé à chaque responsable de définir une liste des documents à soumettre à sa signature et de déterminer, avec l'aide de la Tutelle et/ou de l'Union des Villes et Communes, quels documents devaient absolument être signés par la main du Secrétaire.

Sur base des éléments de réponse, nous avons pu constituer une liste des documents sur lesquels la griffe...

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