Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 août 2013

Date de Résolution30 août 2013
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 224.534 du 30 août 2013

A. 209.822/VIII-8818

En cause : CHOLEWA Christophe, ayant élu domicile chez Me M. UYTTENDAELE, avocat, rue de la Source 68 1060 Bruxelles,

contre :

la zone de police de Herstal (ZP 5279), ayant élu domicile chez Me E. LEMMENS, avocat, Place Verte 13 4000 Liège.

----------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT DE LA VI e CHAMBRE DES VACATIONS, SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la demande introduite selon la procédure d’extrême urgence le 21 août 2013 par Christophe Cholewa, qui tend à la suspension de l’exécution de la décision du 9 août 2013 par laquelle la zone de police de Herstal lui inflige la sanction disciplinaire de la démission d’office, notifiée au requérant le 13 août;

Vu l'ordonnance du 21 août 2013, notifiée aux parties, convoquant celles-ci à comparaître le 28 août;

Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me B. HEYMANS, loco Me M. UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me E. KIEHL, loco Me E. LEMMENS, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. P. HERBIGNAT, premier auditeur chef de section au Conseil d'État;

VIvac - 8818 - 1/14

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen du recours se présentent comme suit:

Le requérant est inspecteur de police au sein de la zone de police de Herstal. Le 12 mars 2010, il a volontairement mis le feu à son véhicule personnel, qui a subi un sinistre total. Le même jour il s’est présenté à l’hôtel de police de la zone de police de Liège et a déclaré que son véhicule avait disparu. Il a ensuite pris contact avec sa compagnie d’assurance afin d’également lui signaler la prétendue disparition frauduleuse de son véhicule. Par deux déclarations écrites du 18 mars et du 2 avril, il a confirmé à cette compagnie cette disparition prétendument frauduleuse.

Le 16 septembre, une attestation a été délivrée par l’inspection générale de la police fédérale et de la police locale qui mentionnait que le requérant était suspecté dans le cadre du dossier répressif ouvert concernant ces faits.

Le même jour, la partie adverse a adressé une demande d’information au procureur du Roi de Liège afin de déterminer l’état d’avancement de cette procédure. Le 29 septembre, le procureur a confirmé l’ouverture d’un dossier d’instruction à l’encontre du requérant et a refusé à l’autorité disciplinaire la possibilité de consulter ou d’utiliser les pièces du dossier répressif dans le cadre d’une procédure administrative. Le 7 octobre, la partie adverse a fait savoir au requérant qu’elle faisait application de l’article 56, al. 2, de la loi du 13 mai 1999 portant le statut disciplinaire des membres du personnel des services de police et qu’elle suspendait les poursuites disciplinaires dans l’attente d’une décision judiciaire définitive.

Devant les autorités judiciaires, le requérant contestait la matérialité des faits. Par jugement du 30 décembre 2011, le tribunal correctionnel de Liège a condamné le requérant à une peine d’emprisonnement avec sursis d’un an et à une amende de 550 €. Le requérant a interjeté appel. Par arrêt du 12 juin 2012 la cour d’appel de Liège a confirmé ce jugement sauf qu’elle a réduit la peine à huit mois. Le procureur du Roi en a informé la partie adverse, précisant que cet arrêt n’était pas définitif.

Le 7 septembre, la partie adverse a demandé au procureur général de Liège si l’arrêt était définitif. Le 8 octobre, le procureur général a fait savoir que l’arrêt était coulé en force de chose jugée, et il a accordé à la partie adverse l’autorisation de prendre connaissance et copie du dossier répressif, ainsi que d’utiliser ces pièces

VIvac - 8818 - 2/14

dans une procédure disciplinaire. Le 19 octobre, la partie adverse a commandé une copie de l’arrêt du 12 juin, qu’elle a obtenue par un courrier daté du 19 octobre.

Le 17 décembre, le chef de corps de la zone de police de Herstal – qui est l’autorité disciplinaire ordinaire – a saisi l’autorité disciplinaire supérieure du dossier, estimant qu’une sanction disciplinaire lourde devait être prononcée. Cette décision a été notifiée au requérant le 19 décembre. Le 30 janvier 2013, le bourgmestre de Herstal, en sa qualité de président de la zone de police unicommunale, a établi un rapport introductif à l’encontre du requérant, proposant la peine de la démission d’office. Ce rapport a été notifié au requérant par un courrier daté du 11 février. Le 7 mars, le requérant a déposé un mémoire en réponse, qui a été notifié à l’autorité disciplinaire supérieure par l’intermédiaire du chef de zone de la zone de police de Herstal. Le 19 mars, le bourgmestre a proposé la sanction disciplinaire de la démission d’office; cette proposition a été notifiée au requérant par un courrier daté du 21 mars. Le même jour le requérant a introduit une requête en reconsidération de cette proposition auprès du conseil de discipline. Le 27 juin, le conseil de discipline a émis un avis motivé dont le dispositif porte ce qui suit:

– le délai raisonnable dans lequel la sanction disciplinaire eut dû être proposée étant dépassé, aucune sanction ne peut frapper le requérant;

– la transgression disciplinaire doit être qualifiée comme suit: avoir à Liège, entre le 11 mars 2010 et le 3 avril 2010, en sa qualité d’inspecteur de la police locale, dans le cadre de sa vie privée, commis les infractions pénales de faux et d’usage de faux, d’incendie volontaire de son véhicule automobile avec une intention frauduleuse, et de tentative d’escroquerie auprès d’une compagnie d’assurances;

– cette transgression disciplinaire est imputable au requérant, et elle n’est pas justifiée;

– ladite transgression aurait été de nature à valoir au requérant le prononcé d’une rétrogradation dans l’échelle de traitement, au sens des articles 5 et 13 de la loi du 13 mai 1999.

Le 19 juillet, le bourgmestre a notifié au requérant son intention de s’écarter de l’avis donné par le conseil de discipline. Le 26 juillet, le requérant a transmis à la partie adverse un mémoire en défense. Le 9 août, la partie adverse a infligé au requérant la sanction disciplinaire lourde de la démission d’office. Il s’agit de l’acte attaqué. Il porte notamment la motivation suivante:

1. Attendu que la matérialité des faits qui vous sont reprochés est établie par l’arrêt prononcé le 12 juin 2012 par la quatrième chambre de la Cour d’appel de Liège en cette affaire;

Que l’autorité absolue de chose jugée de cet arrêt s’impose à vous en ce qui concerne la matérialité des faits (C.E., n° 88.336 du 28 juin 2000, GLIBERT; C.E., n° 210.952 du 2 février 2011, VULLO).

Que les arguments avancés par vos soins ne sont d’ailleurs pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui vous sont reprochés dans la mesure où d’une part, vous confirmez dans votre mémoire prendre acte de la vérité judiciaire, et d’autre part, vous

VIvac - 8818 - 3/14

exprimez vos regrets en rappelant notamment que vous avez bénéficié d’une mesure de sursis, 2. Attendu que les faits qui vous sont reprochés constituent une transgression disciplinaire dans la mesure où, en votre qualité de fonctionnaire de police, vous avez pour obligation de respecter la Loi, de faire preuve d’intégrité et de respecter la dignité de votre fonction;

Que les actes que vous avez commis sont érigés en infraction, de sorte qu’il est établi que vous n’avez pas respecté la loi;

Que ces faits sont d’autant moins admissibles qu’ils ont été commis alors que vous aviez la qualité de fonctionnaire de police, qualité connue des personnes ayant reçu vos déclarations frauduleuses.

Qu’ils sont contraires à vos missions / fonctions fondamentales de respect de la loi et à votre devoir d’intégrité.

Que les faits et l’absence de respect des obligations qui vous incombaient en qualité de fonctionnaire de police mettent gravement à mal la confiance qui vous unissait à vos collègues et à votre direction.

Que tout collaboration avec vos collègues, votre hiérarchie ainsi que les institutions, partenaires, autorités externes est devenue impossible.

Que les faits qui vous sont reprochés mettent également à mal la confiance des membres du personnel des autres zones, dont notamment celle de Liège, des autres zones de police et de la compagnie d’assurance habituelle de la zone envers la zone de police de Herstal – alors que celle-ci doit entretenir avec chacune de ces personnes des relations professionnelles basées sur la confiance et l’estime mutuelle.

Que vos agissements remettent donc en cause l’intégrité et la dignité de la police de Herstal ainsi que la confiance qui pouvait lui être accordée.

Que vous avez porté atteinte à l’image de la zone, à l’image de son personnel et à celle de votre métier de police en jetant le discrédit sur le corps de police et la fonction de police proprement dite.

Que vos actes témoignent de surcroît d’un manque de respect flagrant de vos collègues, des autres institutions policières et des partenaires extérieurs de la zone. 3. Attendu que la confiance minimale à l’exercice normal et...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT