Décision judiciaire de Conseil d'État, 11 décembre 2012

Date de Résolution11 décembre 2012
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 221.691 du 11 décembre 2012

A. 206.122/VIII-8168

En cause : PENNE Mireille, ayant élu domicile chez Me Éric KOEUNE, avocat, avenue de Broqueville 116/13 1200 Bruxelles,

contre :

la commune d'Auderghem, représentée par le collège communal, ayant élu domicile chez Me Jérôme SOHIER, avocat, avenue Émile de Mot 19 1000 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête unique introduite le 3 août 2012 par Mireille PENNE tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de "la délibération du 31 mai 2012 par laquelle le Conseil communal d'Auderghem lui inflige la sanction disciplinaire de la démission d'office", et, d'autre part, à l'annulation de cette décision;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de Mme BOLLY, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État;

Vu l'ordonnance du 2 octobre 2012 fixant l'affaire à l'audience publique du 20 novembre 2012;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

VIIIr - 8168 - 1/10

Entendu, en son rapport, M. CAMBIER, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Éric KOEUNE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Jérôme SOHIER, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Mme BOLLY, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. La requérante a été recrutée en qualité d'ouvrière auxiliaire-nettoyeuse à l'école maternelle communale du Pré des agneaux (les Arums) depuis le 9 novembre 1999. Elle y a été nommée en cette qualité le 1er décembre 2010. Elle est mère de six enfants.

  2. Par une délibération du 11 octobre 2011, le collège des bourgmestre et échevins a décidé d'engager une procédure en suspension préventive de la requérante, suivant en cela la proposition du secrétaire communal, sur la base du rapport suivant : " À la fin du mois de septembre a eu lieu un accouchement traumatisant et inopiné à l'école maternelle des Arums.

    Le Parquet a été sur place car l'accouchement a eu lieu dans des conditions suspectes (...).

    Ce qui a d'abord été présenté par la mère comme une fausse couche s'avère aujourd'hui un accouchement dans de telles conditions de panique voire de désordres psychologiques de la mère et de deux collègues censées l'aider que l'issue a été fatale pour le nourrisson. Jusqu'à la parution d'articles dans la presse et de billets à la radio, nombre de personnes qui sont intervenues pour soutenir et encadrer l'école n'étaient même pas au courant de cette réalité ou étaient habitées par le doute compte tenu du caractère proprement incroyable de tels faits.

    Il y a, dans le chef de la mère, suspicion d'infanticide ou de coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort (…).

    On peut légitimement penser que la confiance minimale que les parents doivent avoir dans le personnel qui éduque et prend soin de leurs enfants est sérieusement ébranlée par la présence de personnes qui semblent ne pas avoir eu le réflexe élémentaire de sortir le bébé soit de son placenta soit même de la cuvette des W-C.

    Des doutes peuvent également être légitimement émis sur la possibilité d'éviter que les enfants en contact et en relation suivie avec les membres du personnel impliqués ne souffrent pas du contrecoup des réactions de ces personnes suite au traumatisme qu'elles ont subi comme aux actes qu'elles ont posés ou à l'inefficacité

    VIIIr - 8168 - 2/10

    dont elles paraissent avoir témoignés.

    La situation est aggravée par la publicité qui a été donnée, laquelle, du reste, dissipe les doutes que pouvait avoir l'autorité sur la réalité de la tragédie qui a eu lieu et sur la gravité des actes de la nettoyeuse (...)".

    Après une audition de la requérante, le collège échevinal a, en sa séance du 27 octobre 2011, décidé de la suspendre préventivement dès la fin de son congé de maternité (à savoir le 3 janvier 2012), pour une durée de quatre mois, sans privation de traitement. Cette décision a été confirmée par le conseil communal, en sa séance du 27 octobre 2011 et prolongée en sa séance du 31 mai 2012.

  3. Par un courrier du 23 janvier 2012, le procureur du Roi a indiqué au bourgmestre que la requérante était "inculpée du chef de privation de soins et d'aliments envers un mineur ayant entraîné sa mort sans intention de la donner".

  4. Compte tenu de ce nouvel élément, le conseil communal a décidé le 29 mars 2012 d'engager une procédure disciplinaire "pouvant conduire à la démission d'office de Madame Mireille PENNE". Cette décision énonce notamment que "par lettre du 23 janvier 2012 du cabinet Homicides du Parquet (...) et par note du juge d'instruction Olivier Leroux reçue le 30 janvier 2012, le Bourgmestre a eu confirmation de l'inculpation de Mme Mireille Penne du chef de privation volontaire de soins et d'aliments envers un mineur ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Attendu que la certitude acquise dès le 27 octobre 2011 quant à la nature des faits commis par Mme PENNE comme la confirmation par le Parquet et le juge d'instruction de l'inculpation de Mme Mireille PENNE justifient, de par leur gravité, qu'une procédure disciplinaire devant conduire à la sanction de démission d'office soit engagée par le Conseil communal".

  5. Par un courrier du 5 avril 2012, la requérante a été convoquée en vue d'être entendue par le conseil communal dans ce cadre.

  6. La requérante a été entendue, assistée de son conseil, en date du 26 avril 2012, tout en ayant pu déposer une note de défense à cet effet. Le procès-verbal de cette audition énonce, en substance, ce qui suit : " (...)

    Me KOEUNE souligne que la présomption d'innocence est essentielle et qu'on ne peut transiger à ce sujet. Il affirme que les termes de la délibération du conseil qui engage la procédure disciplinaire manquent d'impartialité et d'objectivité et signifient...

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