Décision judiciaire de Conseil d'État, 7 novembre 2012

Date de Résolution 7 novembre 2012
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 221.281 du 7 novembre 2012

G./A.206.710/VI-19.743

En cause : la société anonyme ZENOBE,

ayant élu domicile chez

Me Véronique BERTRAND, avocat, place Verte, nº 13, 4000 Liège,

contre :

la société coopérative à responsabilité limitée association intercommunale pour la protection et la valorisation de l'environnement, en abrégé AIVE,

ayant élu domicile chez

Mes François MOÏSES et Aurélien VANDEBURIE, avocats, place des Nations-Unies, nº 7, 4020 Liège.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA VIe CHAMBRE DU CONSEIL D'ETAT, SIEGEANT EN REFERE,

  1. OBJET DE LA REQUETE

    Par une requête introduite le 19 octobre 2012, la société anonyme ZENOBE sollicite, selon la procédure d'extrême urgence, la suspension de l'exécution de :

    " - la décision prise par le Conseil de Secteur Valorisation et Propreté de l’AIVE le

    18 septembre 2012 d’écarter l’offre de la société ZENOBE et d’attribuer à la SPRL ASM le marché relatif à la réparation de conteneurs pour les Parcs à conteneurs, régi par le cahier spécial des charges «ID/Valorisation et Propreté/Réparations conteneurs PAC 2013»;

    - la décision par laquelle le Conseil d’administration de l’AIVE a, le 19 septembre 2012, «pris acte et pour autant que de besoin approuvé les avis et propositions de décision adoptés par le Conseil de Secteur le 18 septembre 2012»".

  2. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

    Une ordonnance du 22 octobre 2012, notifiée aux parties, convoque celles-ci à comparaître le 31 octobre 2012 à 10 heures 30.

    VIr – 19.743 - 1/21

    La partie adverse a fait parvenir une note d'observations et le dossier administratif.

    M. le Conseiller d'Etat, Président f.f., Yves HOUYET, a exposé son rapport.

    Me Véronique BERTRAND, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Aurélien VANDEBURIE, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

    M. le Premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat, Bernard DEROUAUX, a été entendu en son avis conforme.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

  3. EXPOSE DES FAITS

    Les faits utiles à l’examen du recours sont les suivants :

  4. 1. Le 4 juin 2012, la partie adverse publie dans le Bulletin des adjudications un avis relatif à la passation, par appel d’offres général, d’un marché de services portant sur la réparation de conteneurs pour les parcs à conteneurs situés dans la zone AIVE reprise au plan wallon des déchets ainsi que sur toutes fournitures et frais généralement quelconques qui, par leur nature en dépendent ou en sont solidaires.

  5. 2. Le 3 août 2012, quatre offres sont déposées.

  6. 3. Le 18 septembre 2012, le conseil de secteur valorisation et propreté de l’AIVE se prononce pour l’attribution du marché à la société A.S.M..

    Il s’agit du premier acte attaqué.

  7. 4. Le 19 septembre 2012, le conseil d’administration de la partie adverse "[a pris] acte et pour autant que de besoin [a approuvé] les avis et propositions de décisions adoptés par le Conseil de Secteur du 18 septembre 2012".

    Il s’agit du second acte attaqué.

    VIr – 19.743 - 2/21

    IV. PREMIER MOYEN

  8. 1. Arguments des parties

    La requérante soulève un premier moyen pris de "la violation de l’article 16 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, des articles 68 à 74, 110, § 1, 115 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics et de la distinction entre les critères de sélection et d’attribution".

    Elle soutient que :

    " 5. Ce moyen concerne la décision du Conseil de Secteur Valorisation et Propreté de l’AIVE du 18 septembre 2012 et la décision du Conseil d’administration de l’AIVE du 19 septembre 2012 dans la mesure où elle «prend acte et pour autant que de besoin approuve les avis et propositions de décision adoptés par le Conseil de Secteur le 18 septembre 2012».

    1. Selon une jurisprudence constante (voir, par exemple, arrêt n° 159.136 du 23 mai 2006), une procédure d’attribution de marchés publics comporte trois étapes distinctes : - la sélection qualitative des soumissionnaires, - l’examen de la régularité des offres; - la comparaison des offres au regard des critères d’attribution.

      La sélection qualitative des soumissionnaires et l’attribution du marché sont deux opérations distinctes soumises à des règles différentes (CJCE, 20 septembre 1988, Bentjes, 31/87).

      En conséquence, les critères de sélection qui interviennent dans le cadre de la première étape et les critères d’attribution qui interviennent dans le cadre de la troisième doivent être clairement distingués : alors que les critères de sélection se rapportent à la personne des soumissionnaires, les critères d’attribution se rapportent à l’offre proprement dite.

      Dès lors, comme l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne (voir arrêt du 24 janvier 2008, Lianakis, C-532/06), «sont exclus à titre de "critères d’attribution" des critères qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais qui sont liés essentiellement à l’appréciation de la capacité des soumissionnaires à exécuter le marché en question».

      Selon une jurisprudence également bien établie, si un pouvoir adjudicateur opère une confusion entre les deux types de critères, la procédure d’attribution est viciée dans son ensemble (voir, par exemple, arrêt n° 193.924 du 8 juin 2009) de sorte que la décision d’attribution doit être annulée.

      Selon la Cour de justice (arrêt du 12 novembre 2009, C-199/07, point 56), la règle est maintenue même lorsque les critères d’attribution litigieux visent spécifiquement à vérifier la capacité du soumissionnaire à exécuter le marché concerné.

    2. En l’espèce, le point 9 des clauses administratives du cahier spécial des charges, p. 7, prévoyait un critère d’attribution intitulé «qualité et fiabilité du service», qui valait 200 points.

      VIr – 19.743 - 3/21

      Le cahier spécial des charges précisait que la qualité et la fiabilité du service seraient «estimées en fonction des performances annoncées par les soumissionnaires et résultant de la qualité et de l’adaptabilité tant du matériel (100 points) que du personnel (100 points) qui seront affectés par le soumissionnaire à l’exécution du marché».

      Dans sa décision, le Conseil de Secteur Valorisation et Propreté de l’AIVE accorde, pour «la qualité et l’adaptabilité du matériel» 100 points à la société ZENOBE et 50 points à la société ASM au terme de la motivation suivante :

      La SA ZENOBE fournit un descriptif complet et détaillé de son atelier et présente du matériel performant, elle reçoit donc 100 points.

      Les SPRL ASM et … mentionnent au travers de leur autorisation administratives transmises le descriptif du matériel utilisé, elles reçoivent dont chacune 50 points

      De même, pour «la qualité et l’adaptabilité du matériel», le Conseil attribue 100 points à la société ZENOBE et 0 points à la société ASM au terme de la motivation suivante :

      La SA ZENOBE fournit un descriptif complet et détaillé de son personnel et présente par le nombre de personnes affectées au marché, une meilleure adaptabilité que les autres soumissionnaires, elle reçoit donc 100 points.

      Les SPRL ASM et … ne donnent aucune information sur le personnel dont elle dispose pour mener à bien le marché, elles reçoivent 0 points

    3. Il ressort clairement du libellé de ce critère et de la motivation figurant dans la décision du Conseil de Secteur Valorisation et Propreté que, par ce critère, l’AIVE entendait en réalité apprécier l’importance et la qualité tant du personnel que du matériel qui seraient affectés à l’exécution du marché.

      Les critères visant à apprécier l’importance et la qualité du personnel et du matériel se rapportent à la personne du soumissionnaire et servent à vérifier sa capacité à exécuter le marché; ils constituent dès lors des critères de sélection.

      Ils sont d’ailleurs repris aux points 3, 4 et 5 de l’article 71 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, qui concernent les critères de sélection pouvant servir à la vérification de la capacité technique et professionnelle des soumissionnaires dans les marchés de services.

      L’AIVE a donc confondu critères de sélection et critères d’attribution.

      Si besoin en était, cette confusion serait confirmée par le fait que, dans sa décision du 18 septembre, le Conseil de Secteur Valorisation et Propreté de l’AIVE a écarté l’offre de la société GUEBEL au stade de la sélection qualitative au motif que:

      la SPRL GUEBEL ne peut apporter suffisamment de garanties et de références permettant d’assurer la qualité du service

      .

      La qualité du service a donc été appréciée tant au titre de la sélection qualitative qu’au titre du troisième critère d’attribution.

    4. En érigeant en un critère d’attribution des éléments - moyens humains et matériels - qui auraient dû faire l’objet d’un ou de plusieurs critères de sélection, le Conseil de Secteur Valorisation et Propreté de l’AIVE a violé l’article 16 de la loi du 24 décembre 1993, les articles 68 à 74, 110, § 1, 115 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 et la distinction entre les critères de sélection et d’attribution.

      VIr – 19.743 - 4/21

      La décision du Conseil de Secteur Valorisation et Propreté de l’AIVE du 18 septembre 2012 doit donc être suspendue. Il en va de même pour la décision du Conseil d’administration de l’AIVE du 19 septembre 2012 qui, approuvant cette décision, repose sur les mêmes motifs.".

      La partie adverse répond que :

      " a. Irrecevabilité du moyen pour défaut d’intérêt

    5. La requérante n’a pas intérêt au moyen qu’elle soulève.

      En effet, celle-ci a obtenu le maximum de points sur ce critère. Elle est même la seule à avoir obtenu une note positive pour ce critère, les autres offres ayant obtenue une note de 0 point.

      Il s’ensuit qu’elle ne peut se...

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