Décision judiciaire de Conseil d'État, 15 mai 2012

Date de Résolution15 mai 2012
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 219.353 du 15 mai 2012

G./A.201.630/VI-19.232

En cause : REMONT Jean,

ayant élu domicile chez

Me Benoît CAMBIER, avocat, avenue Winston Churchill, no 253/40, 1180 Bruxelles,

contre :

1. la commission d’appel des pensions de réparation, 2. l'Etat belge, représenté par le Vice-Premier Ministre et Ministre des Pensions, 3. le service des pensions du secteur public.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête introduite le 2 septembre 2011, Jean REMONT demande la cassation de la décision du 5 mai 2011 de la commission d'appel des pensions de réparation qui lui a été notifiée par un courrier recommandé à la poste du 3 août 2011.

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Le recours a été déclaré admissible par une ordonnance nº 7536 du 25 octobre 2011.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

Le dossier de l’affaire a été déposé par la juridiction administrative le 15 décembre 2011.

M. l'Auditeur au Conseil d'Etat, Denis DELVAX, a rédigé un rapport sur la base de l'article 16 de l'arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d'Etat.

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Une ordonnance du 29 mars 2012 fixe l'affaire à l'audience du 18 avril 2012.

Le rapport et l’ordonnance ont été notifiés aux parties.

Mme le Président de chambre, Odile DAURMONT, a exposé son rapport.

Me Pauline LAGASSE, loco Me Benoît CAMBIER, avocat, comparaissant pour la partie requérante, a présenté ses observations.

M. l'Auditeur, Denis DELVAX, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

III. 1. Le requérant, né le 10 novembre 1925, effectue son service militaire en qualité d’officier de réserve entre 1950 et 1952 et termine son service avec le grade de sous-lieutenant de réserve.

III. 2. De manière régulière et périodique, il fait des rappels, stages de formation et de perfection et est promu jusqu’au grade de major.

III. 3. Au début de l’année 1976, il satisfait aux tests d’entrée et à l’examen médical pour l’obtention du brevet B Para et Commando.

III. 4. Le 5 août 1976, alors qu’en sa qualité d’officier de réserve, il effectue un saut en parachute au centre d’entraînement de SCHAFFEN en vue d’obtenir le brevet B de para commando, il fait une mauvaise réception et subit un choc qui entraînera une luxation de l’épaule droite. Il est hospitalisé et devra ensuite poursuivre un traitement de physiothérapie pendant plusieurs semaines.

III. 5. Le 14 septembre 1976, il introduit une demande de pension de réparation pour la luxation de son épaule droite qu’il met en corrélation avec l’accident du 5 août 1976.

III. 6. Dans la nuit du 17 au 18 novembre 1976, alors qu’en sa qualité d’officier de réserve, il effectue un rappel au centre d’entraînement de Marche-les-Dames en

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vue d’obtenir le brevet B de commando, il fait deux lourdes chutes à la sortie du Fort de Dave et est pris de douleurs au dos au courant de la marche qui suit.

III. 7. Le matin du 18 novembre 1976, il se présente au médecin d’unité pour ses douleurs à la colonne vertébrale et pour une blessure à la jambe.

Le docteur PHILIPPET, médecin de réserve, examine le requérant, mais n’établit aucune déclaration d’accident, estimant qu’il n’y a pas lieu de le faire.

III. 8. Le même jour, il participe à l’entraînement. Une marche de nuit accélérée se déroule dans la nuit du 18 au 19 novembre 1976, au cours de laquelle les douleurs dorsales du requérant le conduisent à abandonner.

III. 9. Le 19 novembre 1976, il se présente à nouveau devant le médecin d’unité, le docteur PHILIPPET, qui l’envoie pour un examen radiologique à l’hôpital militaire de Bruxelles le 22 novembre 1976, où il doit également se rendre pour un autre traitement.

III. 10. Le lundi 22 novembre 1976, pris de fortes douleurs, le requérant se présente à l’hôpital militaire où il est hospitalisé, après l’examen radiographique, en raison des pathologies révélées (lithiase rénale et lésions vertébrales), dans l’attente de pouvoir être plâtré, ce qui ne peut être fait qu’après traitement de la lithiase rénale.

Il quitte l’hôpital le 13 janvier 1977 après enlèvement du plâtre thoracique.

III. 11. Le 23 novembre 1976, le docteur DE ROOVER (médecin de l’hôpital militaire qui avait enregistré l’entrée du requérant à l’hôpital) établit un rapport médical "relatif à un accident", dans lequel il est précisé qu’il s’agit d'"un accident peu grave, mais pouvant entraîner des complications".

Le document relève "pincement vertébral L5 S1" et précise, se fondant sur les déclarations de l’intéressé, que ceci provient de "faux pas répétés lors d’un entraînement intensif de rappel de nuit" Le rapport indique que le requérant devrait subir une incapacité de travail de "10 jours" et il termine en relevant "suspicion de crise de lithiase rénales concomitantes".

Le 25 août 1992, le docteur DEROOVER établira, toutefois, une attestation pour préciser que son document est d’ordre médical et non administratif et que :

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" les faux pas en service m’ont paru être la notion minimale suffisante à indiquer sans préjuger en rien du résultat de l’enquête, dont la mission est précisément de déterminer l’importance des chutes et traumatismes résultant des faux pas signalés.

Il me paraît dès lors abusif et inexact de se baser sur mon rapport médical pour déduire quoi que ce soit concernant les faits matériels invoqués comme cause de l’accident".

III. 12. Le 3 décembre 1976, à la demande de l’office médico-légal du ministère de la Santé publique et de la Famille (ci-après désigné par l’O.M.L.), le docteur GOBEAUX, expert radiologue indépendant, procède à une première expertise en examinant le requérant pour les suites de son premier accident (épaule droite) et procède à quatre clichés radiographiques.

A cette occasion, il constate une fracture de l’épaule qui n’avait pas été décelée et qui n’est pas encore consolidée.

III. 13. Le 24 décembre 1976, le requérant adresse une demande de pension de réparation pour ce qu’il intitule "lésion colonne vertébrale" et dont il précise qu’elle a été engendrée par : "Marche les Dames Marche de nuit avec charge – piste d’obstacle – (cdo)".

Il y joint un certificat médical établi le 15 décembre 1976 par le docteur WART de l’hôpital militaire, qualifiant la causalité entre les faits et les douleurs dorsales de certaine.

III. 14. Le 6 janvier 1977, le major RAES du centre d’entraînement de commandos de Marche les Dames répond à une demande de renseignements pour indiquer qu’il n’y a pas lieu d’établir une déclaration d’accident (modèle 150) car "Il n’y a pas eu d’accident de quelque sorte que ce soit NI de plaintes au sujet d’un mal quelconque de la part de l’intéressé" (voir déclaration du Lt. CLAES et du 1Sgt MARCHAND en annexe)." .

III. 15. Le 13 janvier 1977, le docteur DE SCHUTTER de l’hôpital militaire établit un document attestant que le requérant est en traitement à l’hôpital militaire pour "lithiase rénale droite et pour "discopathie L5-S1 (lombalgies survenues brusquement en parcourant la piste d’obstacles)" et que la relation de causalité entre les faits invoqués et l’affection est possible.

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III. 16. Le 14 janvier 1977, le docteur VANDECAN de l’O.M.L., propose une invalidité de cinq pour cent pour l’épaule droite et estime qu’elle est imputable au premier accident.

III. 17. Le 5 mai 1977, le docteur CASSART de l’O.M.L. procède à une expertise pour les séquelles du deuxième accident.

Il conclut à une discopathie L5-S1 "post-traumatique", indique que "cette affection est imputable. Elle s’est produite pendant des services à l’armée et a donné lieu à des soins à l’H.M. de Bruxelles" et propose de fixer à dix pour cent le taux d’invalidité lié à cette discopathie.

Cet avis repose sur un protocole radiographique établi par le docteur PEETRONS le 15 avril 1977.

III. 18. Le 9 décembre 1977, la direction du contentieux du Ministère de la Défense nationale écrit au secrétaire de la commission des pensions de réparation (ci-après désignée par la C.P.R.) "qu’aucun accident avec traumatisme" n’aurait été constaté le 17 ou 18 novembre 1976.

III. 19. Le 26 mai 1978, le commissaire rapporteur de la C.P.R. demande à l’O.M.L. de revoir son protocole du 5 mai 1977 pour le motif qu’alors que l’expert affirme que la discopathie L5-S1 constitue des séquelles de traumatisme, il n’existe aucune dossier d’accident et se demande si les séquelles de discopathie ne pourraient pas être rattachées à l’accident survenu le 5 août 1976 qui a donné lieu à l’octroi d’une invalidité de cinq pour cent pour la luxation de l’épaule droite.

III. 20. Le 28 juin 1978, le docteur CASSART établit un deuxième protocole, dans lequel il indique que "les chutes et la marche forcée en service les 17 et 18 ne peuvent avoir donné une altération discale qui se soit manifestée à la radiographie 5 jours après" et que les faits dommageables ont certes pu aggraver la discopathie, mais qu’elle était bien antérieure à ceux-ci, et fixe l’invalidité définitive à cinq pour cent moins cinq pour cent de facteurs étrangers antérieurs, soit un total de zéro pour cent.

III. 21. Le 13 novembre 1978, à la demande du docteur THOMAS, médecin-conseil du requérant, le docteur GOBEAUX procède à des radiographies et établit un protocole concluant à une "Discopathie L3-L4 et L5-S1 (cette dernière plus discrète)".

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III. 22. Le 20 novembre 1978, le même docteur THOMAS établit un rapport médical dont les conclusions sont les suivantes :

" L’absence d’antécédents, l’anamnèse telle que décrite ainsi que les éléments relevés dans le dossier de l’hôpital et les diagnostics qui ont été posés, permettent d’établir une relation quasi...

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