Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 mai 2011

Date de Résolution13 mai 2011
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 213.248 du 13 mai 2011

A. 195.710/XV-1232

En cause : NGOY KAPENZU Didier, ayant élu domicile chez Me R. FONTEYN, avocat, rue de Florence 13

1000 Bruxelles,

contre :

l'État belge, représenté par le ministre de l'Intérieur. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

LE CONSEIL D'ÉTAT, XV e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 2 mars 2010 par Didier NGOY KAPENZU qui demande l'annulation de la décision prise le 13 janvier 2010 par le ministre de l'Intérieur lui refusant la délivrance d'une carte d'identification d'agent de gardiennage;

Vu le dossier administratif;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. E. THIBAUT, premier auditeur au Conseil d'État;

Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire du requérant;

Vu l'ordonnance du 12 avril 2011, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 10 mai 2011;

Entendu, en son rapport, M. Ph. QUERTAINMONT, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me R. FONTEYN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et M. Ph. JAQUEMYNS, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

XV- 1232 - 1/15

Entendu, en son avis conforme, M. L. JANS, auditeur au Conseil d'État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent ainsi qu'il suit:

  1. Le 4 mars 2008, l'entreprise de gardiennage «RUSSO SECURITY s.p.r.l.» demande au Service public fédéral Intérieur l'octroi d'une carte d'identification d'agent de gardiennage pour le requérant.

  2. Le 13 mars suivant, les services de la partie adverse demandent à la police fédérale l'exécution d'une enquête relative aux conditions de sécurité.

    Le 28 mars, une demande est également adressée au procureur du Roi de Tournai et au procureur du Roi de Mons afin d'obtenir des renseignements relatifs à des dossiers se rapportant au requérant.

  3. Le procureur du Roi de Mons transmet le 8 avril 2008 aux services de la partie adverse une copie d'un dossier classé sans suite pour raison d'opportunité et un extrait du casier judiciaire du requérant, extrait qui comporte quatre condamnations en matière de roulage.

    Le procureur du Roi de Liège communique le 16 avril une copie de quatre procèsverbaux établis à charge du requérant, une copie d'une fiche «antécédents» et une copie de l'extrait de son casier judiciaire.

  4. Le 6 mai 2009, un inspecteur de la police fédérale détaché auprès des services de la partie adverse établit un rapport d'enquête sur les conditions de sécurité relatives au requérant. Ce rapport met en exergue quatre procès-verbaux concernant le requérant établis pour vol domestique, coups et blessures volontaires lors d'un différend familial, coups et blessures volontaires envers son ex-épouse, coups et blessures volontaires et (tentative de) vol avec violences ou menaces, et séjour illégal (loi sur la carte d'identité). Tous ces procès-verbaux ont été classés sans suite par le parquet. Le même rapport fait également référence à quatre condamnations prononcées entre 2000 et 2008 par le tribunal de police de Liège pour conduite d'un véhicule sans permis de conduire, défaut de contrôle technique, coups et blessures involontaires, alcoolémie au volant et défaut d'assurance du véhicule.

    XV- 1232 - 2/15

    5. Le 8 mai, la commission d'enquête sur les conditions de sécurité, instituée au sein du SPF Intérieur, émet l'avis que le requérant ne satisfait pas aux conditions de sécurité et qu'une procédure de refus de carte d'identification doit être mise en œuvre.

    Le requérant est dès lors informé, le 16 juin suivant, que le ministre de l'Intérieur envisage de refuser de lui délivrer la carte d'identification sollicitée, et ce en raison de l'ensemble des faits repris au rapport d'enquête.

  5. Dans une lettre du 24 juillet 2009, le précédent avocat du requérant expose les moyens de défense de celui-ci. Il fait valoir que les faits reprochés sont anciens par rapport à la demande de carte d'identification, qu'en ce qui concerne les différends familiaux, le requérant a toujours contesté les faits et qu'une fois séparé de la mère de sa fille, il n'y a plus eu de problèmes, qu'il a toujours nié avoir porté des coups à l'encontre d'une accompagnatrice de train, qu'il n'a jamais volé de marchandises dans l'entrepôt du magasin LIDL, qu'il ne disposait même pas des clés de cet entrepôt, qu'il a depuis lors exercé sans problème ses fonctions dans différentes sociétés de gardiennage et que le refus de sa demande entraînerait pour lui une perte de toute possibilité de travail et dès lors, l'obligation de dépendre de l'aide sociale.

  6. Le 13 janvier 2010, le ministre de l'Intérieur prend néanmoins une décision de refus de délivrance de la carte d'identification d'agent de gardiennage. Il s'agit de l'acte dont l'annulation est demandée; il repose sur la motivation suivante:

    L'entreprise de gardiennage RUSSO SECURITY SPRL a introduit pour vous en date du 4 mars 2008 une demande de carte d'identification d'agent de gardiennage.

    Je vous rappelle que l'article 6, alinéa 1er, 8°, de la loi précitée stipule que les personnes qui exercent une fonction d'exécution au sein d'une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l'exercice d'une fonction d'exécution et ne pas avoir commis des faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, portent atteinte à la confiance en l'intéressé, parce qu'ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité, tel que visé à l'article 7, § 1erbis.

    La vérification des conditions de sécurité est faite sur base d'une enquête relative aux conditions de sécurité.

    Vous avez consenti à la réalisation d'une telle enquête en date du 18 février 2008.

    Une enquête a dès lors été effectuée par les services de police et a révélé, dans votre chef, un certain nombre de renseignements de nature judiciaire et administrative et/ou des données professionnelles qui sont importants dans le cadre de l'appréciation des conditions de sécurité visées à l'article 6, alinéa 1, 8°, de la loi précitée. Ces renseignements font l'objet du rapport de l'officier de police en charge de cette enquête.

    Le rapport d'enquête fait notamment état des dossiers suivants:

    XV- 1232 - 3/15

    • procès-verbal LI.43.L3.103450/2006 concernant des faits de vol domestique; • procès-verbal TN.43.FQ.180968/2005 concernant des faits de coups et blessures volontaires et (tentative) de vol avec violences ou menaces, sans circonstance aggravante.

    Sur la base de ce rapport, la Commission "enquête sur les conditions de sécurité" a émis son avis le 8 mai 2009. Elle a estimé que vous ne satisfaisiez pas aux conditions de sécurité et qu'une procédure visant au refus de la délivrance de votre carte d'identification devait être initiée.

    Vous avez été mis au courant de ces faits et de l'éventualité d'un refus d'octroi de votre carte d'identification d'agent de gardiennage par un courrier recommandé du 16 juin 2009. Vous avez été informé que vous pouviez, durant toutes les phases de la procédure, vous faire assister par un conseil de votre choix. Il a également été porté à votre connaissance que vous disposiez, d'une part, d'un délai de 15 jours ouvrables à compter de la date de réception de cette lettre pour prendre connaissance de votre dossier et en recevoir une copie et, d'autre part, d'un délai (de) 40 jours ouvrables pour faire valoir vos moyens de défense par courrier recommandé à la poste.

    Vous avez consulté et obtenu une copie de votre dossier le 24 juin 2009.

    Par l'intermédiaire de votre conseil vous avez introduit vos moyens de défense en date du 29 juillet 2009.

    Les interventions des entreprises de gardiennage et de leur personnel ont un rapport étroit avec l'ordre public et sont, dés lors, particulièrement délicates.

    Le législateur a tenu à s'assurer que les personnes qui exercent des activités de gardiennage - activités qui sont traditionnellement du ressort d'autorités publiques - soient des individus dignes de confiance.

    Le législateur, a, dès lors, dans l'article 6, alinéa 1er, 8°, posé la condition d'exercice suivante pour le personnel d'exécution des entreprises de gardiennage: "satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l'exercice d'une fonction d'exécution et ne pas avoir commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, portent atteinte à la confiance en l'intéressé, parce qu'ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité tel que visé à l'article 7, § 1erbis".

    Sont donc également visés les faits qui, pour un citoyen, ne sont peut-être pas si graves et n'ont dès lors pas été sanctionnés par un juge pénal, mais qui revêtent de l'importance pour une personne active dans le secteur du gardiennage.

    Ledit profil défini à l'article 7, § 1erbis de la loi est caractérisé par: 1° le respect pour les droits fondamentaux des concitoyens; 2° intégrité; 3° une capacité à faire face à un comportement agressif de la part de tiers et à se maîtriser dans de telles situations; 4° absence des liens suspects avec le milieu criminel.

    Il doit donc être vérifié, pour chaque agent de gardiennage, qu'il présente le profil requis pour travailler dans ce secteur.

    Premièrement

    Le procès-verbal LI.14.L3.103450/2006 a été rédigé à votre...

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