Décision judiciaire de Conseil d'État, 5 avril 2011

Date de Résolution 5 avril 2011
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 212.436 du 5 avril 2011

A. 196.140/XV-1247

En cause : 1. BENCI Antoine,

  1. CORNELIS Thierry, 3. FRISCIONI Raphaël, 4. GRISARD William, 5. PIRE Stéphane, ayant élu domicile chez Me O. BERTIN, avocat, place du Champ de Mars 2

    1050 Bruxelles,

    contre :

    l'État belge, représenté par le ministre des Finances.

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    LE CONSEIL D'ÉTAT, XV e CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 8 avril 2010 par Antoine BENCI, Thierry CORNELIS, Raphaël FRISCIONI, William GRISARD et Stéphane PIRE qui demandent l'annulation des «dispositions contenues aux n°s 55, 56, 57, 66, 83, 84 et 88 de la circulaire n° AAF/2008-0408 (AAF 17/2009) du 17 décembre 2009, portant "Instructions concernant l'application de l'Avenant, signé le 12 décembre 2008, à la Convention entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 et modifiée par les Avenants du 15 février 1971 et du 8 février 1999"»;

    Vu le dossier administratif;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le rapport de M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d'État;

    Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire des parties requérantes;

    XV- 1247 - 1/13

    Vu l'ordonnance du 23 février 2011, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 15 mars 2011;

    Entendu, en son rapport, M. Ph. QUERTAINMONT, conseiller d'État;

    Entendu, en leurs observations, Me O. BERTIN, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, le troisième requérant, M. R. FRISCIONI, et Mme F. ROLAND, premier attaché des Finances, comparaissant pour la partie adverse;

    Entendu, en son avis conforme, M. D. DELVAX, auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent ainsi qu'il suit:

  2. Le 10 mars 1964 a été signée entre la Belgique et la France une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus.

    Cette convention organise notamment, en son article 11, 2, c), un régime particulier dit des «travailleurs frontaliers», c'est-à-dire les travailleurs salariés qui ont leur résidence fiscale dans la zone frontalière d'un des deux États signataires et qui exercent leur activité dans la zone frontalière de l'autre État.

  3. La convention prévoit, dans ce cas, que la rémunération des intéressés est imposable dans l'État de leur résidence et non dans l'État sur le territoire duquel ils travaillent. La résidence fiscale de l'employeur est sans incidence. Il s'agit d'une dérogation à la règle générale prévue par l'article 11, 1, de la convention, en vertu de laquelle c'est l'État du territoire sur lequel l'activité est exercée qui a le pouvoir d'imposition.

    L'application du régime des frontaliers a donc pour effet que la rémunération d'un travailleur salarié résidant fiscalement dans la zone frontalière française mais exerçant ses activités dans la zone frontalière belge est imposable en France. Tel est le cas des requérants, employés d'une société de droit belge, exerçant leurs activités en Belgique, mais résidents fiscaux français. Par voie de conséquence, leur rémunération est imposable en France, et non en Belgique.

    XV- 1247 - 2/13

    3. Dans le cadre de ce régime des travailleurs frontaliers, la question de l'incidence des «sorties de zone» s'est posée. Il n'est en effet pas rare que le travailleur frontalier sorte, de manière le plus souvent occasionnelle, de la zone frontalière pour exercer son activité professionnelle.

    Dans une circulaire du 11 août 2006 (Ci. R.9 F/565.592 — AFER 35/2006) l'administration fiscale belge a précisé: «...ne sont pas considérées comme des "sorties de zones" entraînant la perte du régime frontalier pour un résident de la zone frontalière française: tout d'abord, l'activité exercée en France ou sur le territoire d'États tiers; ensuite, les "sorties de zone" en Belgique tout à fait exceptionnelles et en dehors du cadre de l'activité normale.»

    Sur la base de cette règle, un travailleur frontalier résidant en France et actif principalement dans la zone frontalière belge pouvait donc prester des activités à l'étranger (dans un pays tiers) sans perdre son statut de travailleur frontalier.

  4. Le 12 décembre 2008, les autorités belges et françaises concluent un avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la Belgique et la France. Cet avenant, qui ajoute à la convention un «protocole additionnel relatif aux travailleurs frontaliers», modifie sensiblement, en ce qui concerne le régime des travailleurs frontaliers, l'article 11 de la convention, en prévoyant ce qui suit:

    Article 1er. L'article 11, paragraphe 2 c), de la Convention est remplacé par les dispositions suivantes:

    " c) Les dispositions des paragraphes 1 et 2, a) et b) s'appliquent sous réserve des dispositions du Protocole additionnel relatif aux travailleurs frontaliers." Article 2. Il est ajouté à la Convention un "Protocole additionnel relatif aux travailleurs frontaliers", rédigé comme suit:

    " 1. Les traitements, salaires et autres rémunérations analogues reçues par un résident d'un État contractant qui exerce son activité dans la zone frontalière de l'autre État contractant et qui n'a un foyer permanent d'habitation que dans la zone frontalière du premier État ne sont imposables que dans cet État. 2. Aux fins d'application du présent Protocole, la zone frontalière de chaque État contractant comprend toutes les communes situées dans la zone délimitée par la frontière commune aux États contractants et une ligne tracée à une distance de vingt kilomètres de cette frontière, étant entendu que les communes traversées par cette ligne sont incorporées dans la zone frontalière. Toutes les autres communes qui, pour l'application de l'article 11, paragraphe 2, c) de la Convention en vigueur au 1er janvier 1999, étaient considérées comme incluses dans la zone frontalière de chaque État contractant, sont également considérées comme comprises dans la zone frontalière de la France ou de la Belgique selon le cas. 3. Par dérogation au paragraphe 1er, les rémunérations perçues à compter du 1er janvier 2007 au titre d'une activité salariée exercée dans la zone frontalière française par des personnes ayant leur foyer permanent d'habitation dans la zone frontalière belge sont imposables dans les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2, a) et b) de l'article 11 de la Convention.

    XV- 1247 - 3/13

    4. a) Le régime prévu au paragraphe 1er est applicable aux rémunérations perçues au cours des années 2003 à 2008 par les travailleurs ayant leur foyer permanent d'habitation dans la zone frontalière française qui n'exercent pas leur activité salariée plus de 45 jours par année civile hors de la zone frontalière belge.

    Une fraction de journée de sortie de zone sera comptée pour un jour entier. Ne sont pas comptabilisés dans le quantum de jours, les trajets hors zone frontalière effectués par le travailleur, dans le cadre d'une activité de transport, dans la mesure où la distance totale parcourue hors zone frontalière n'excède pas le quart de...

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