Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 mars 2009

Date de Résolution13 mars 2009
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T n° 191.410 du 13 mars 2009

G./A.190.827/VI-18.052

En cause :

NAJI Said, ayant élu domicile chez Mes Marie ALEXANDRE et Sarah BEN MESSAOUD, avocats, avenue Tedesco, no 7,

1160 Bruxelles, contre : l'Etat belge, représenté par le Ministre de l'Intérieur.

LE PRESIDENT F.F. DE LA VIe CHAMBRE DU CONSEIL D'ETAT,

SIEGEANT EN REFERE,

Vu la requête unique introduite le 22 décembre 2008 par Said NAJI qui demande l'annulation et la suspension de l'exécution de la décision du 21 octobre 2008 du Ministre de l'Intérieur lui retirant deux cartes d'identification d'agent de gardiennage;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de M. THIBAUT, Premier auditeur au Conseil d'Etat, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'Etat;

Vu l'ordonnance du 19 février 2009 fixant l'affaire à l'audience du 9 mars 2009 à 14.30 heures;

Vu la notification du rapport et de l'ordonnance de fixation aux parties;

Entendu, en son rapport, M. NIHOUL, Conseiller d'Etat, Président f.f.;Entendu, en leurs observations, Me Marie ALEXANDRE, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Mme Anne-Laure DE CREM, attaché, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. THIBAUT, Premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause sont les suivants :

  1. Le 22 août 2005, le requérant consent à l'enquête de sécurité visée à l'article 7 de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière.

    A des dates que le dossier administratif ne permet pas d'apercevoir, les entreprises de gardiennage SECURITAS NV et GENERAL SECURITY

    MANAGEMENT SPRL ont demandé une carte d'identification nécessaire à l'exercice des activités du requérant en leur sein. Il se déduit de l'acte attaqué que ces autorisations administratives ont été délivrées par la partie adverse et étaient valables jusqu'aux 15 février et 23 août 2010.

  2. Le 14 juin 2007, les services de la partie adverse demandent qu'une enquête relative aux conditions de sécurité soit effectuée par les services de police à propos du requérant.

  3. Le 10 juillet 2007, la commissaire de police détachée auprès des services de la partie adverse demande au procureur du Roi de Bruxelles l'autorisation d'obtenir une copie du procès-verbal établi dans le cadre du dossier BR.43.L6.04854806 relatif à des coups et blessures volontaires dans lequel le requérant est impliqué ainsi que de lui indiquer si le requérant est connu de ses services pour d'autres faits.

    Le même jour, une même demande est adressée au procureur du Roi de Bruges à propos d'un procès-verbal BG.36.L6.00732407 établi du chef d'armes et munitions.

  4. Le même 10 juillet 2007, le procureur du Roi de Bruges indique que le dossier concernant le requérant a été transmis pour disposition au procureur du Roi de Bruxelles.5. Le 17 juillet 2007, le procureur du Roi de Bruxelles envoie la fiche "casier" du requérant aux services de la partie adverse et annonce la transmission future des procès-verbaux y mentionnés, soit quatre procès-verbaux.

  5. Le 27 août 2007, le procureur du Roi de Bruxelles envoie la copie d'un des dossiers (BR.43.L6.26783-05) aux services de la partie adverse et indique que deux autres dossiers, joints, sont toujours à l'information et qu'une demande ultérieure est souhaitable.

  6. Le 31 janvier 2008, la commissaire de police détachée auprès des services de la partie adverse demande au procureur du Roi de Bruxelles la suite apportée au dossier BR.36.98.5531-07.

  7. Le 4 février 2008, le procureur du Roi de Bruxelles envoie la copie du dossier BR.43.L6.48548-06 aux services de la partie adverse.

  8. Le 12 février 2008, le procureur du Roi de Bruxelles envoie la copie du dossier BR.36.98.5531-07 aux services de la partie adverse. Il s'agit, en fait, du dossier du parquet de Bruges relatif aux armes et munitions.

  9. Le 13 mars 2008, la commissaire de police, détachée auprès des services de la partie adverse, les informe que le requérant est connu des services de police pour quatre séries de faits : la première ressortant du procès-verbal BG.36.L6.007324/2007, devenu BR.36.98.5531/2007, du 19 mai 2007 relatif à des faits de port illégal d'armes prohibées à Ostende (un TASER, appareil destiné à donner des décharges électriques, a été retrouvé dans la veste du requérant laissée dans le coffre d'un "ami", agent de gardiennage), affaire classée sans suite; les trois dernières ressortant de trois procès-verbaux relatifs à des coups et blessures volontaires en milieu familial, affaires classées sans suite ("conséquences disproportionnées des poursuites pénales" ou "infraction à caractère relationnel").

  10. Le 31 mars 2008, la commission "enquêtes sur les conditions de sécurité" émet l'avis selon lequel le requérant "ne satisfait plus aux conditions de sécurité fixées par la loi et qu'une procédure de rétention ou de retrait de sa carte d'identification doit être initiée".

  11. Le 25 avril 2008, les services de la partie adverse indiquent au requérant qu'ils envisagent de lui retirer ses deux cartes d'identification précédemment délivréesen raison des quatre procès-verbaux précités et lui octroient un délai de quinze jours ouvrables pour prendre connaissance du dossier administratif et de quarante jours ouvrables pour exposer ses moyens de défense.

  12. Le 14 mai 2008, un conseil du requérant prend connaissance du dossier administratif de la partie adverse.

  13. Le 4 juin 2008, un conseil du requérant expose aux services de la partie adverse que le requérant considère que les faits ne sont pas suffisamment graves pour compromettre l'exercice de ses activités qu'il exerce à l'entière satisfaction de ses employeurs, que le classement sans suite par le procureur du Roi empêche la tenue de tout débat contradictoire, qu'une telle décision ne favorise pas forcément le suspect, qu'il en est spécialement ainsi pour les infractions à caractère relationnel, que, le 18 octobre 2006, son épouse a demandé au procureur du Roi de classer sans suite les plaintes, que la soeur de l'intéressée atteste que les relations sont bonnes depuis trois ans, qu'on n'aperçoit pas en quoi ces querelles ménagères entraveraient les conditions de sécurité nécessaires à l'exercice des activités de gardiennage, que le requérant ignorait le caractère d'arme prohibée du TASER, que cet engin est en vente libre en FRANCE, qu'ayant été victime d'une agression au couteau, il en a conservé un traumatisme et a cru judicieux de s'en munir sans jamais en faire usage et qu'on ne peut lui faire grief d'avoir abusé d'une quelconque façon de son statut pour commettre, dans l'exercice de ses fonctions, un acte illégal.

  14. Le 9 octobre 2008, le requérant est entendu par les services de la partie adverse. Il expose, à propos des faits relatifs au TASER, qu'il a été traumatisé à la suite d'une agression au City 2 de la rue Neuve où il travaillait, qu'il a été suivi par un psychiatre pendant plus de deux ans, qu'il évitait les grandes surfaces et avait peur d'accompagner sa famille à l'extérieur de peur des représailles, qu'un ami de France lui a donné cette arme qu'il n'a jamais utilisée et qui reste dans sa veste et dans le coffre de sa voiture, qu'il voulait éviter une agression devant son fils en se rendant au parc avec lui, que son fils a été traumatisé pour avoir vu son père agressé devant lui, qu'il n'a pas travaillé pendant longtemps à la suite de l'agression, qu'il n'a pas pris cette arme dans un contexte professionnel mais uniquement privé, qu'il travaille maintenant pour la Commission européenne après trois ans à la rue Neuve, et qu'au cours de sa formation, on ne l'a jamais entretenu des armes prohibées. Pour ce qui concerne les procès-verbaux relatifs aux relations familiales, il énonce que sa belle-famille a joué un rôle néfaste mais que la situation est maintenant apaisée et qu'un second enfant naîtra en mai.17. Le 21 octobre 2008, le Ministre de l'Intérieur prend la décision suivante, qui constitue l'acte attaqué : " [...]

    Vous êtes actuellement détenteur de la carte d'identification n° 00051934 qui a été délivrée pour vous à l'entreprise de gardiennage SECURITAS NV. Cette carte est valable jusqu'au 23 août 2010 et porte sur l'exercice d'activités de surveillance et de protection des biens mobiliers ou immobiliers, des activités de surveillance et contrôle de personnes dans le cadre du maintien de la sécurité dans des lieux accessibles ou non au public ainsi que des activités de gestion de centraux d'alarme.

    Vous êtes également détenteur de la carte d'identification no 00018997 qui a été délivrée pour vous à l'entreprise de gardiennage GENERAL SECURITY

    MANAGEMENT SPRL. Cette carte est valable jusqu'au 15 février 2010 et porte sur l'exercice d'activités de surveillance et de protection des biens mobiliers ou immobiliers ainsi que des activités de surveillance et contrôle de personnes dans le cadre du maintien de la sécurité dans des lieux accessibles ou non au public.

    Afin de pouvoir exercer des activités de gardiennage, vous devez satisfaire aux conditions fixées à l'article 6 de la loi du 10 avril 1990.

    Une de ces conditions est fixée par l'article 6, alinéa 1, 8o de la loi précitée. Cet article stipule que les personnes qui exercent une fonction d'exécution au sein d'une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l'exercice de celle-ci et ne pas avoir commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle et de ce fait portent atteinte au crédit de l'intéressé.

    L'article 17, alinéa 1er, 2o, de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière stipule que je peux retirer aux personnes visées à l'article 8, § 3, pour...

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