Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage), 2013-08-07

JurisdictionBélgica
Judgment Date07 août 2013
ECLIECLI:BE:GHCC:2013:ARR.117
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2013:ARR.117
Docket Number117/2013
CourtVerfassungsgerichtshof (Schiedshof),Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage),Grondwettelijk Hof (Arbitragehof)

Numéro du rôle : 5424
Arrêt n° 117/2013
du 7 août 2013
ARRET
En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 8 janvier 2012 « portant modifications de la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et de la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations », introduit par la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz (CREG).
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, et, conformément à l’article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989
sur la Cour constitutionnelle, du président émérite R. Henneuse, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président émérite R. Henneuse,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
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I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 juin 2012 et parvenue au greffe le 18 juin 2012, la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz (CREG), dont le siège est établi à 1040 Bruxelles, rue de l’Industrie 26-38, a introduit un recours en annulation partielle de la loi du 8 janvier 2012 « portant modifications de la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et de la loi du 12 avril 1965
relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations » (publiée au Moniteur belge du 11 janvier 2012).
Des mémoires ont été introduits par :
- la SA « Marcinelle Energie », dont le siège social est établi à 6030 Marchienne-au-Pont, rue de la Providence 150;
- l’association chargée de mission « Intercommunale voor Energie » (IVEG), dont le siège est établi à 2660 Hoboken, Antwerpsesteenweg 260, et l’association chargée de mission « Infrax West », dont le siège est établi à 8820 Torhout, Noordlaan 9;
- le Conseil des ministres.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse, la SA « Marcinelle Energie », l’association chargée de mission « Intercommunale voor Energie » (IVEG), l’association chargée de mission « Infrax West » et le Conseil des ministres ont également introduit des mémoires en réplique.
A l’audience publique du 16 avril 2013 :
- ont comparu :
. Me P. de Bandt, Me D. Verhoeven et Me D. Vaxelaire, loco Me D. Lindemans, avocats au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante;
. Me L. Depré, avocat au barreau de Bruxelles, pour la SA « Marcinelle Energie »;
. Me T. Chellingsworth et Me D. Vanherck, avocats au barreau de Bruxelles, pour l’association chargée de mission « Intercommunale voor Energie » (IVEG) et pour l’association chargée de mission « Infrax West »;
. Me G. Block, Me L. Cozigou et Me L. Hage, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs J. Spreutels et L. Lavrysen ont fait rapport;
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- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant aux dispositions attaquées
A.1.1. La Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz (ci-après : la CREG) et le Conseil des ministres indiquent que la loi attaquée modifie la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité (ci-après : « la loi sur l’électricité ») et la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations (ci-après : « la loi sur le gaz ») afin de transposer et de donner exécution aux directives et règlements européens suivants :
- la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (ci-après : « la directive 2009/72/CE »);
- la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (ci-après : « la directive 2009/73/CE »);
- la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (ci-après : « la directive 2009/28/CE »);
- le règlement (CE) n° 713/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 instituant une agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ci-après : « le règlement (CE) n° 713/2009 »);
- le règlement (CE) n° 714/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) n° 1228/2003
(ci-après : « le règlement (CE) n° 714/2009 »);
- le règlement (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) n° 1775/2005 (ci-
après : « le règlement (CE) n° 715/2009 »).
A.1.2. Les deux premières directives et les règlements font partie de ce qui est communément appelé le « troisième paquet énergie » qui entend permettre la réalisation du marché intérieur.
La directive 2009/72/CE vise à instaurer des règles communes en matière de production, de transport, de distribution et de fourniture d’électricité. Elle définit également les obligations de service universel et les droits des consommateurs. Enfin, elle clarifie les obligations de concurrence, tandis que la directive 2009/73/CE vise à instaurer des règles communes en matière de transport, de distribution, de fourniture et de stockage de gaz.
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A.1.3. Le Conseil des ministres ajoute que ces mesures, qui avaient été précédées en 2003 de directives relatives à la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz, visent à accroître l’indépendance des autorités nationales de régulation (la loi attaquée investit ainsi la CREG de la compétence de fixer les méthodologies tarifaires qui ne seront plus fixées par arrêté royal – conformément à l’arrêt n° 97/2011 – et prévoit qu’elle ne devra plus rendre compte que devant la Chambre des représentants), à renforcer la protection des consommateurs (la loi attaquée renforce à cette fin les compétences de la CREG) et à dissocier les gestionnaires de réseaux de transport d’électricité et de gaz naturel, à savoir l’« unbundling » (ce qui était déjà réalisé en Belgique, de sorte que la loi attaquée se limite à cet égard à des modifications de forme et à prévoir des procédures de certification).
A.1.4. Le Conseil des ministres indique aussi que la loi attaquée est issue d’un processus de consultation intense au cours duquel la CREG a proposé, sous le couvert d’une étude que les lois sur le gaz et sur l’électricité l’habilitent à réaliser, des modifications devant être apportées à la législation, alors que ce pouvoir relève du seul législateur. Certaines de ces propositions ont été adoptées, d’autres non, ce qui explique sans doute le présent recours, alors pourtant que la loi attaquée a pleinement mis en œuvre les mesures prévues par les normes européennes.
A.1.5. Dans son mémoire en réponse, la CREG indique que l’étude en question visait uniquement à contribuer, par des analyses fouillées, à la qualité du travail législatif. Les erreurs de transposition sont en effet fréquentes et le nombre de « fautes de frappe » du législateur admises par le Conseil des ministres montre que ces analyses étaient pertinentes.
A.1.6. Dans son mémoire en réplique, le Conseil des ministres se réfère aux questions préjudicielles qu’il a, dans son mémoire, proposé de poser à la Cour de justice de l’Union européenne et dont la réponse serait déterminante pour statuer sur la validité de la transposition des directives en droit belge. Il s’étonne que l’autorité de régulation nationale, partie requérante, ne soutienne pas la proposition d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne, à défaut de l’avoir proposé elle-même, et demande que ces questions préjudicielles soient posées.
Il indique par ailleurs que les erreurs matérielles contenues dans le texte seront corrigées.
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne l’intérêt à agir de la partie requérante
A.2.1. La CREG expose qu’en tant qu’institution fédérale pour la régulation des marchés du gaz naturel et de l’électricité, chargée de missions de conseil, de surveillance et de contrôle et habilitée à prendre toutes les mesures pour atteindre les objectifs fixés à l’article 23, § 1er, de la loi sur l’électricité et à l’article 15/14, § 1er, de la loi sur le gaz, elle a intérêt à demander l’annulation de dispositions qui contreviennent aux normes européennes dont elles prétendent assurer la transposition et l’exécution, qui portent atteinte aux pouvoirs que le législateur est censé lui attribuer lors de cette transposition et qui ne transposent pas correctement des directives lui permettant d’assurer l’application correcte du cadre régulatoire européen. Elle ajoute que compte tenu de la jurisprudence de l’arrêt « Fratelli Costanzo » de la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C-103/88), elle est tenue, comme tous les organes de l’administration, d’écarter les dispositions de droit national qui sont contraires à des dispositions suffisamment inconditionnelles et précises des directives concernées; l’insécurité juridique qui en résulte lui permet de justifier de l’intérêt à demander l’annulation de ces dispositions par un arrêt ayant un effet erga omnes et ex tunc.
En ce qui concerne l’intérêt à agir des parties intervenantes
A.2.2.1. La SA « Marcinelle Energie » justifie son intérêt à l’intervention par la circonstance qu’elle estime pouvoir bénéficier du mécanisme instauré par l’article 4, 6°, de la loi attaquée dont l’annulation est demandée par la partie requérante.
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Elle indique avoir construit et...

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