Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-06-17

JurisdictionBélgica
Judgment Date17 juin 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210617.3
Docket Number91/2021
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210617.3
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)

Numéro du rôle : 7418

Arrêt n° 91/2021

du 17 juin 2021

ARRÊT

________

En cause : la question préjudicielle relative à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003

« relative au mandat d'arrêt européen », posée par la chambre des mises en accusation de la

Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Giet, R. Leysen,

M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le

président L. Lavrysen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par arrêt du 11 juin 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 juillet

2020, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question

préjudicielle suivante :

« L'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, lu en

combinaison avec les articles 12, 6°, et 38 de la loi du 15 mai 2012 et avec l'article 92 du Code

pénal, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, après cinq ans à partir de l'arrêt

ou du jugement définitif par lequel un Belge ou une personne résidant en Belgique a été

condamné à un emprisonnement de trois ans au maximum et pour lequel la remise aux fins de

l'exécution d'une peine est demandée, la juridiction d'instruction ne peut plus refuser, aux fins

de l'exécution d'une peine en Belgique, la remise de cette personne parce que cette peine est

prescrite selon le droit belge, ce qui a des conséquences sur sa réinsertion sociale et ses liens

familiaux et économiques, alors que, dans les mêmes circonstances, la juridiction d'instruction

peut refuser, aux fins de l'exécution d'une peine en Belgique, la remise du Belge ou de la

personne résidant en Belgique qui a été puni d'un emprisonnement de plus de trois ans, parce

que cette peine ne se prescrit, selon le droit belge, qu'après dix ans à partir de l'arrêt ou du

jugement définitif ? ».

Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me J. Vanpraet, avocat au barreau de

Flandre occidentale, a introduit un mémoire.

Par ordonnance du 21 avril 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs

Y. Kherbache et M. Pâques, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait

tenue, à moins que le Conseil des ministres n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant

la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendu, et qu'en l'absence d'une telle

demande, les débats seraient clos le 5 mai 2021 et l'affaire mise en délibéré.

Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le 5 mai

2021.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives

à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

II. Les faits et la procédure antérieure

Le 9 janvier 2020, le Tribunal régional de Włocławek (Pologne) émet un mandat d'arrêt européen contre

W.S. Ce mandat d'arrêt est basé sur un jugement définitif du même Tribunal du 27 février 2014 par lequel W.S.

est condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans - dont 1 an, 4 mois et 8 jours sont encore à purger -, pour

culture et trafic de stupéfiants dans le cadre d'une association. La peine infligée n'est pas encore prescrite en vertu

du droit polonais. D'après le mandat d'arrêt européen, la prescription sera acquise le 19 mars 2029.

Par ordonnance du 8 mai 2020, la chambre du conseil du Tribunal de première instance néerlandophone de

Bruxelles ordonne l'exécution du mandat d'arrêt européen. W.S. interjette appel de cette décision.

W.S. demande à la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles de refuser l'exécution

du mandat d'arrêt européen sur la base de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 « relative au mandat d'arrêt

européen » (ci-après : la loi du 19 décembre 2003). Il renvoie aux liens étroits qu'il a avec la Belgique, où il habite

de manière durable depuis plusieurs années avec sa femme et ses enfants et où il travaille en tant qu'indépendant,

ainsi qu'au suivi médical nécessaire depuis la transplantation cardiaque qu'il a subie. Il estime que l'exécution du

mandat d'arrêt violerait gravement son droit au respect de la vie privée et familiale. Le ministère public ne conteste

pas que W.S. a des liens étroits avec la Belgique, mais il estime que la peine est prescrite en vertu du droit belge,

de sorte qu'elle ne peut plus être exécutée en Belgique. Les conditions d'application du motif de refus facultatif

inscrit à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 ne seraient par conséquent pas remplies.

La chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles, qui est la juridiction a quo, constate

que les faits qui sont reprochés dans le mandat d'arrêt européen sont punissables tant en Pologne qu'en Belgique.

Il est donc satisfait aux prescrits des articles 3 et 5 de la loi du 19 décembre 2003. La chambre des mises en

accusation constate par ailleurs que la peine d'emprisonnement qui a été infligée à W.S. par jugement définitif du

27 février 2014 est inférieure à trois ans et qu'elle est donc prescrite en vertu de l'article 92, alinéa 1er, du Code

pénal, dès lors que plus de cinq années se sont écoulées depuis la décision définitive par laquelle cette peine a été

infligée. Puisque les autorités belges ne peuvent donc plus s'engager à exécuter conformément à la législation

belge la peine infligée dans un autre État, les juridictions d'instruction ne peuvent refuser la remise de la personne

concernée sur la base de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003.

La chambre des mises en accusation ajoute que tant la loi du 19 décembre 2003 que la loi du 15 mai 2012

« relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté

prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne » (ci-après : la loi du 15 mai 2012) ont égard à la

réinsertion et au reclassement de la personne condamnée. Il découle toutefois de la lecture combinée de l'article 6,

4°, de la loi du 19 décembre 2003, des articles 2, § 1er, 12, 6°, et 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 et de l'article 92

du Code pénal que le Belge ou le résident belge qui a été condamné à un emprisonnement de trois ans ou moins et

dont la remise est demandée aux fins de l'exécution d'une peine, est traité différemment de celui qui a été

condamné à un emprisonnement de plus de trois ans. Ce dernier aura en effet la possibilité d'exécuter sa peine en

Belgique pendant dix ans, en application du motif de refus facultatif inscrit à l'article 6, 4°, de la loi du

19 décembre 2003, alors que le premier n'a cette possibilité que pendant une période de cinq ans.

Une telle situation a pour conséquence que celui qui a des liens étroits avec la Belgique et qui est condamné

dans l'État d'exécution de la peine à un emprisonnement de plus de trois ans se trouve dans une situation plus

favorable, pour pouvoir exécuter sa peine en Belgique et donc pour maintenir ses liens familiaux et sociaux, que

celui qui est condamné à une peine inférieure. La chambre des mises en accusation se demande si cette différence

est raisonnablement justifiée, qui plus est à la lumière de la réinsertion dans la société qui est visée et de l'impact

que l'exécution de la peine à l'étranger aura sur la vie familiale. C'est cette circonstance qui conduit la juridiction

a quo à poser la question préjudicielle reproduite plus haut.

III. En droit

-A-

A.1.1. Le Conseil des ministres estime que la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Le Conseil des ministres souligne que le mandat d'arrêt européen vise à assouplir et à accélérer la procédure

...

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