Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-06-17
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 17 juin 2021 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210617.5 |
Docket Number | 92/2021 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210617.5 |
Court | Grondwettelijk Hof (Arbitragehof) |
Numéro du rôle : 7419
Arrêt n° 92/2021
du 17 juin 2021
ARRÊT
_________
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code
flamand de l'aménagement du territoire, avant sa modification à partir du 21 février 2017, posée
par le Conseil d'État.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey,
P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée
du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par arrêt n° 247.564 du 18 mai 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour
le 14 juillet 2020, le Conseil d'État a posé la question préjudicielle suivante :
« L'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire
viole-t-il les articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6
et 9 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du
public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement et avec le
droit d'accès au juge, garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,
en ce que les inconvénients commerciaux ne peuvent pas être considérés comme des
désagréments ou des inconvénients directs ou indirects à l'appui d'un recours devant le Conseil
pour les contestations des autorisations, sauf s'ils présentent un ‘ aspect urbanistique ', même
si le recours dirigé contre le projet autorisé repose quant au fond sur des griefs d'illégalité de
nature urbanistique (par exemple, l'incompatibilité entre la construction concurrente et le plan
de secteur) ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- la SPRL « Horeca Totaal Brugge », assistée et représentée par Me G. Verhelst et
Me I. De Cleen, avocats au barreau d'Anvers;
- la députation du conseil provincial d'Anvers, assistée et représentée par Me R. Tijs et
Me J. Maes, avocats au barreau d'Anvers;
- la SA « Sligro-ISPC Belgium », assistée et représentée par Me E. Empereur, avocat au
barreau d'Anvers;
- la SA « Straatsburgdok », assistée et représentée par Me Y. Loix et Me N. Ansoms,
avocats au barreau d'Anvers;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me J. Vanpraet, avocat au barreau de
Flandre occidentale.
Par ordonnance du 31 mars 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne
serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception
de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande,
les débats seraient clos le 21 avril 2021 et l'affaire mise en délibéré.
Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le
21 avril 2021.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 19 janvier 2017, la députation du conseil provincial d'Anvers (ci-après : la députation) délivre un permis
d'urbanisme à la SA « Straatsburgdok » pour la transformation d'entrepôts existants en un centre de distribution.
Ce centre de distribution sera exploité par la SA « Sligro-ISPC Belgium ».
Douze parties requérantes, dont la SPRL « Horeca Totaal Brugge », introduisent un recours en annulation de
cette décision devant le Conseil pour les contestations des autorisations. Par l'arrêt n° RvVb-A-1819-0265 du
6 novembre 2018, le recours de la première partie requérante, la SPRL « Drankenhandel Gagelmans », est déclaré
fondé et les autres recours sont rejetés. En ce qui concerne le recours de la SPRL « Horeca Totaal Brugge », le
Conseil pour les contestations des autorisations estime en substance que celle-ci ne démontre pas qu'elle pourrait
subir des désagréments ou des inconvénients directs ou indirects du fait du permis d'urbanisme, au sens de
l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, en vigueur à l'époque. En
effet, la SPRL « Horeca Totaal Brugge » invoque un inconvénient purement commercial, alors que les
désagréments ou les inconvénients visés à l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de
l'aménagement du territoire doivent être de nature urbanistique selon le Conseil pour les contestations des
autorisations. Il en résulte que la SPRL « Horeca Totaal Brugge » ne justifie pas de l'intérêt requis.
Le 21 décembre 2018, la SPRL « Horeca Totaal Brugge » forme un recours en cassation devant le Conseil
d'État contre l'arrêt du 6 novembre 2018. Le moyen de cassation unique est pris de la violation des articles 4.7.21,
§ 2, 2°, et 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, de l'article 6,
paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 6 et 9 de la Convention d'Aarhus
du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice
en matière d'environnement (ci-après : la Convention d'Aarhus).
Par l'arrêt n° 245.879 du 24 octobre 2019, le Conseil d'État déclare le recours en cassation recevable et rouvre
les débats. L'auditorat, qui avait conseillé de déclarer le recours en cassation irrecevable, est chargé à cet égard de
réaliser un examen complémentaire de l'affaire.
Par l'arrêt n° 246.194 du 27 novembre 2019, le Conseil d'État corrige deux erreurs matérielles dans l'arrêt
n° 245.879.
Par l'arrêt n° 247.564 du 18 mai 2020, le Conseil d'État juge que l'arrêt du Conseil pour les contestations
des autorisations du 6 novembre 2018, « en ce qu'il juge qu'un intérêt commercial invoqué par un requérant ne
peut être admis comme un intérêt suffisant qu'à la condition qu'il soit directement ou indirectement causé par des
désagréments ou des inconvénients de nature urbanistique [...], n'ajoute pas de condition à la condition de l'intérêt
prévue aux articles 4.7.21, § 2, 2°, et 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, précités, du Code flamand de l'aménagement du
territoire, mais contrôle, au regard de l'intérêt requis par cette dernière disposition décrétale, l'inconvénient
concurrentiel invoqué ». Le Conseil d'État poursuit en ajoutant que l'arrêt du 6 novembre 2018 « ne limite pas le
droit d'accès au Conseil pour les contestations des autorisations, conféré par le législateur décrétal en vertu de
l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire » et « ne viole donc pas
l'article 13 de la Constitution, l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ni les
articles 6 et 9, paragraphe 3, de la Convention d'Aarhus ». Enfin, renvoyant à l'article 26, § 2, de la loi spéciale
du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le Conseil d'État juge qu'il y a lieu de poser la question
préjudicielle suggérée par les parties requérantes au sujet de l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand
de l'aménagement du territoire.
III. En droit
-A-
Quant à la recevabilité de la question préjudicielle
A.1.1. Le Gouvernement flamand estime que la question préjudicielle est irrecevable, parce que le Conseil
d'État aurait déjà lui-même jugé dans la décision de renvoi que la version applicable de l'article 4.8.11, § 1er,
alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne viole pas l'article 13 de la Constitution,
l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 6 et 9, paragraphe 3,
de la Convention d'Aarhus. La décision de renvoi aurait autorité de la chose jugée sur ce point et ne saurait plus
être remise en question, de sorte que la réponse de la Cour à la question préjudicielle ne saurait contribuer à la
solution du litige a quo. En outre, le fait que le Conseil d'État a quand même posé la question préjudicielle
reposerait sur une mauvaise compréhension des motifs d'exception prévus par l'article 26 de la loi spéciale du
6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. En faisant exclusivement référence à l'article 26, § 2, de la loi
spéciale, le Conseil d'État aurait négligé le fait qu'en cas de concours de droits fondamentaux, il n'y a pas
d'obligation de poser une question préjudicielle « lorsque la juridiction estime que la disposition du titre II de la
Constitution n'est manifestement pas violée », conformément à l'article 26, § 4, alinéa 2, 2°. Pour cette raison, le
Conseil d'État aurait dû refuser de poser la question préjudicielle.
La députation et la SA « Straatsburgdok » adhèrent à l'exception d'irrecevabilité soulevée par le
Gouvernement flamand.
A.1.2. Selon la SPRL « Horeca Totaal Brugge », l'exception doit être rejetée. Elle estime qu'il appartient au
juge a quo de juger de l'opportunité de poser une question préjudicielle. Le fait que le Conseil d'État aurait constaté
qu'il n'y a aucune violation manifeste des normes de contrôle citées n'exclurait pas la possibilité de poser malgré
tout une question préjudicielle. En outre, la décision de renvoi devrait être lue comme un ensemble logique, dans
lequel le Conseil d'État reprend sa jurisprudence constante au sujet de l'intérêt commercial et souhaite ensuite la
soumettre au contrôle de la Cour constitutionnelle.
A.2. La députation, la SA « Straatsburgdok » et la SA « Sligro-ISPC Belgium » estiment que la question
préjudicielle manque de clarté, et qu'elle doit être déclarée irrecevable pour ce motif également. Plus précisément
en ce qui concerne les articles 10 et 11 de la Constitution, la question préjudicielle et les motifs de la décision de
renvoi ne permettraient pas de déduire les catégories de personnes qu'il y a lieu de comparer...
Pour continuer la lecture
SOLLICITEZ VOTRE ESSAI