Le nouveau visage du contrôle des comptes annuels et des comptes consolidés

AuteurAndré Kilesse
Occupation de l'auteurProfesseur invité à l'Ecole de gestion HEC-ULg. Maître de conférences Ulg. Réviseur d'entreprises
Pages135-177

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I Introduction

1.- Au cours de ces dernières années, le contrôle des comptes annuels a connu des évolutions significatives.

Différents scandales financiers ont conduit le législateur américain, européen ou belge à prendre des initiatives parfois spectaculaires.

Ce souhait de transparence ne touche pas que les sociétés cotées en bourse. Il vise non seulement toutes les sociétés, moyennes ou grandes mais aussi le monde des associations.

Nous limitons notre contribution à trois axes majeurs à savoir (i) pour les sociétés, la loi corporate governance du 2 août 2002, (ii) pour les ASBL, la loi du 2 mai 2002 et (iii) pour une analyse des prochaines évolutions attendues, le projet de modification de la huitième directive européenne.

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I Le contrôle des comptes annuels de sociétés
A La loi corporate governance du 2 août 2002
1. Le contexte

2.- L'amélioration1 de la crédibilité de l'information financière est une préoccupation importante des milieux économiques depuis plusieurs années.

L'indépendance du commissaire n'est que l'un des éléments du débat2. Pour ne citer que quelques exemples d'autres facteurs pouvant contribuer à améliorer la crédibilité de l'information financière, on relèvera (i) l'uniformisation des normes comptables au niveau international, (ii) la présence d'administrateurs indépendants au sein des conseils d'administration3, (iii) le renforcement des comités d'audit, (iv) le développement des fonctions de compliance officer ou déontologue, (v) la limitation des stock options attribués aux dirigeants, (vi) le renforcement des règles éthiques au niveau des banques d'affaires, des analystes financiers ou des agences de notation, etc.

Nous nous limiterons ci-après à l'indépendance du commissaire4.

Traditionnellement, l'indépendance du commissaire s'apprécie de deux manières, à savoir d'une part l'indépendance d'esprit et d'autre part, l'indépendance d'apparence5. L'indépendance d'esprit ne peut être organisée par des dispositions légales ou réglementaires. L'état d'esprit d'une personne conduira à adopter une attitude objective et intègre en fonction de sa personnalité. Le livre vert de la Commission européenne définit6 l'indépendance d'apparence comme la nécessité d'éviter les situations et les faits matériels qui par leur nature, amèneraient un tiers qui en aurait connaissance à remettre en question l'objectivité de l'auditeur. DesPage 139 dispositions légales peuvent organiser ou tenter d'organiser un cadre dans lequel l'indépendance d'apparence semblera renforcée. C'est le but poursuivi par les récentes initiatives légales ou réglementaires.

Contrairement à une idée fréquemment véhiculée, les dispositions nouvelles contenues dans la loi du 2 août 2002 ne constituent pas les suites des affaires Lernout & Hauspie (octobre 2000) et Enron (décembre 2001)7. Les travaux sur le sujet étaient déjà en cours et des documents comme le nouveau règlement de la SEC du 21 novembre 2000, le «consultative paper» de la Commission européenne du 15 décembre 2000 ou encore en Belgique le rapport «Vers une meilleure gestion des sociétés belges» du 20 mars 20008 faisaient l'objet d'intenses débats.

2. Au niveau international

3.- L'IFAC (International Federation of Accountants) avait, en juin 2000, proposé un projet de modifications de son Code d'éthique. Le texte définitif fut approuvé en novembre 20019.

3. Aux États-Unis

4.- La SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur américain des marchés de valeurs mobilières a adopté le 21 novembre 2000 de nouvelles règles relatives à l'indépendance des auditeurs entrées en vigueur le 5 février 200110.

Le 24 juillet 2002, le sénat adopte à l'unanimité la loi SARBANES-OXLEY11, promulguée le 30 juillet et qui notamment confère à la SEC le pouvoir de mettre en place des mesures complémentaires. La loi contient quelques dispositions nouvelles par rapport à la recommandation de la SEC du 21 novembre 2000 relative à l'indépendance des auditeurs mais les principales dispositions nouvelles visent entre autres (i) l' «endossement» des comptes par les dirigeants, (ii) un renforcement des comités d'audit, (iii) davantage de transparence quant aux opérations avec des entités non consolidées, (iv) le remboursement des stock options en cas de fraude, (v) le renforcement du contrôle interne, etc.

A la suite du vote de la loi SARBANES-OXLEY, la SEC adapta en date du 26 janvier 2003 le texte de la recommandation du 21 novembre 2000 en renforçant notamment le rôle du comité d'audit, la rotation interne des associés d'un cabinet, la transparence des honoraires, etc.12

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4. En Europe

5.- Courant 2003, la Commission européenne décida de moderniser la huitième Directive (cf. infra chapitre IV)13.

6.- Au niveau des professions de la comptabilité et de l'audit, la FEE (Fédération Européenne des Experts-comptables) avait émis en juillet 1998, un corps de principes communs en matière d'indépendance14 et en février 2001, un document sur l'approche conceptuelle de l'indépendance15.

5. En Belgique

7.- Courant 1999, le Conseil supérieur des professions économiques16 émit d'initiative une recommandation relative à l'indépendance des réviseurs17. En 1999 également, à l'initiative du premier ministre, un groupe de travail présidé par le Professeur P. De Grauwe entama des réflexions sur la problématique du corporate governance dont entre autres sujets l'indépendance du commissaire. Le groupe de travail déposa son rapport le 20 mars 2000 et l'avant-projet de loi approuvé en conseil des ministres le 22 septembre 200018 s'inspirait très largement dudit rapport19.

L'avant-projet de loi fut soumis à l'avis du Conseil d'État20 et à celui du Conseil supérieur des professions économiques21.

8.- Le projet de loi fut déposé à la chambre le 23 avril 200122. La commission «chargée des problèmes de droit commercial et économique» de la chambre procéda à de nombreuses auditions23 dont celle de représentants de l'Institut des réviseurs d'entreprises24 et de l'Institut des experts-comptables25.

9.- Un avant-projet d'arrêté royal relatif aux services non-audit fut mis à la disposition des parlementaires en octobre 200126.

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D'importants débats eurent lieu tout d'abord à la chambre27 qui adopta le texte de la loi elle-même en commission le 5 avril 200228 et en séance plénière le 18 avril29. Le sénat évoqua le texte le 6 mai30 et la commission des finances et des affaires économiques adopta le texte amendé le 4 juillet31. Le projet amendé revint à la chambre le 8 juillet32 et fut adopté en séance plénière le 15 juillet33.

La loi du 2 août 2002 modifiant le Code des sociétés et la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes, dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition fut publiée au Moniteur belge du 22 août suivant34.

6. Une tradition déjà bien établie

10.- Notre pays connaît depuis bien longtemps d'importantes dispositions légales et réglementaires fixant les principes d'indépendance du commissaire35.

Tout d'abord, le Code des sociétés en son article 133, alinéa 1er (ex. art. 64bis des lois coordonnées sur les sociétés, introduit par la loi du 21 février 1985) prévoit expressément qu'un commissaire ne peut se trouver dans des conditions susceptibles de mettre en cause son indépendance36.

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Les articles 7bis, 4° et 8, § 1er, de la loi du 22 juillet 1953 créant un Institut des reviseurs d'entreprises rappellent le même principe et les articles 6 à 14 de l'arrêté royal du 10 janvier 1994 relatif aux obligations des réviseurs d'entreprises apportent diverses précisions sur le sujet.

11.- Quant à notre système de transparence des honoraires «non audit» visé à l'article 134 du Code des sociétés (ex. article 64ter des lois coordonnées sur les sociétés, introduit par la loi du 21 février 1985), il était et il est toujours à ce jour quasi unique en Europe37. Seule l'Angleterre dispose d'un système similaire. Par contre, nous ne connaissons pas d'obligation de transparence des honoraires audit.

B Les services non audit
1. La situation antérieure

12.- Que ce soit en 1953 à l'occasion de la création de l'Institut des Reviseurs d'Entreprises ou en 1985 lors de la réforme du revisorat, le législateur n'a pas prévu d'interdiction ou de limitation à la prestation de services non audit.

Le législateur a toujours préféré une approche conceptuelle (framework) à une approche basée sur une liste d'activités prohibées (cook book). Cette approche conceptuelle a...

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