Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-01-14
Jurisdiction | Bélgica |
Court | Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage) |
Judgment Date | 14 janvier 2021 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210114.8 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210114.8 |
Docket Number | 4/2021 |
Numéros du rôle : 7229, 7278, 7283,
7302, 7303 et 7308
Arrêt n° 4/2021
du 14 janvier 2021
ARRÊT
_________
En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l'article 115 de la loi du 5 mai
2019 « portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant
la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal social », introduits par
Luc Lamine, par Alphonsius Mariën et par Serge Artunoff et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moerman,
T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et
T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée
par le président émérite A. Alen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 juillet 2019 et
parvenue au greffe le 11 juillet 2019, Luc Lamine a introduit un recours en annulation totale ou
partielle de l'article 115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en matière
pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et le
Code pénal social » (publiée au Moniteur belge du 24 mai 2019).
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 novembre 2019 et
parvenue au greffe le 12 novembre 2019, Alphonsius Mariën a introduit un recours en
annulation de la même disposition légale.
c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 novembre 2019
et parvenue au greffe le 14 novembre 2019, Luc Lamine a introduit un recours en annulation
de la même disposition légale.
d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 novembre 2019
et parvenue au greffe le 22 novembre 2019, Luc Lamine a introduit un recours en annulation
totale ou partielle de la même disposition légale.
e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 novembre 2019
et parvenue au greffe le 22 novembre 2019, Luc Lamine a introduit un recours en annulation
totale ou partielle de la même disposition légale.
f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 novembre 2019
et parvenue au greffe le 26 novembre 2019, un recours en annulation de la même disposition
légale a été introduit par Serge Artunoff, Yalim Bogoz, Cengiz Demirci, Taniyel Dikranian,
Yahni Harutyun, Mariam Nersessian, Kirikur Okmen, Peter Petrossian, Serco Proudian,
Noebar Sipaan, Karen Tadevosyan, Roza Tadevosyan et Nicolas Tavitian, assistés et
représentés par Me E. Van Nuffel, avocat au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 et 7308 du rôle de la
Cour, ont été jointes.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les
discriminations (UNIA), assisté et représenté par Me M. Kaiser, Me M. Verdussen et
Me C. Jadot, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante dans l'affaire n° 7308);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me J. Vanpraet, Me B. Van den Berghe
et Me R. Veranneman, avocats au barreau de Flandre occidentale (dans toutes les affaires).
Les parties requérantes dans les affaires nos 7283, 7302, 7303 et 7308 ont introduit des
mémoires en réponse.
Des mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les
discriminations (UNIA);
- le Conseil des ministres (dans les affaires nos 7283, 7302, 7303 et 7308).
Par ordonnance du 15 juillet 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, a décidé que les affaires étaient en état, qu'aucune audience
ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la
réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, qu'en cas d'une telle demande,
les affaires seraient prises à l'audience du 24 septembre 2020, à l'heure ultérieurement fixée
par le président, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le
1er septembre 2020 et les affaires mises en délibéré.
À la suite de la demande des parties requérantes dans l'affaire n° 7308 à être entendues, le
président, par ordonnance du 31 août 2020, a fixé l'heure de l'audience du 24 septembre 2020 à
16.00 heures.
À l'audience publique du 24 septembre 2020 :
- ont comparu :
. Me E. Van Nuffel, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 7308;
. Me C. Jadot, qui comparaissait également loco Me M. Kaiser et Me M. Verdussen, pour
le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les
discriminations (UNIA);
. Me J. Vanpraet, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
En ce qui concerne les affaires nos 7229, 7283, 7302 et 7303
Quant à l'intérêt
A.1.1. À l'appui de son intérêt, la partie requérante dans les affaires nos 7229, 7283, 7302 et 7303 renvoie à
la jurisprudence de la Cour dont il ressort que les dispositions qui prévoient une peine privative de liberté touchent
à un aspect à ce point essentiel de la liberté du citoyen qu'elles n'intéressent pas que les seules personnes qui font
ou ont fait l'objet d'une procédure répressive. Dès lors que la disposition attaquée prévoit une peine privative de
liberté, elle disposerait de l'intérêt requis pour en demander l'annulation.
A.1.2. Dans les requêtes introduites dans les affaires nos 7229 et 7302, la partie requérante ajoute qu'elle a
sa propre opinion sur le génocide rwandais et qu'elle veut avoir l'opportunité « d'exprimer cette opinion nuancée,
s'il y avait lieu dans un cas très particulier, sans être passible de sanctions sur la base de la disposition attaquée ».
Elle se réfère en l'espèce à des commentaires qu'elle a postés sur sa page Facebook ainsi que sur différents sites
Internet lors de certaines publications.
A.2.1. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt de la partie requérante.
A.2.2. La seule circonstance que la disposition attaquée prévoit une peine privative de liberté ne serait pas
suffisante pour justifier de l'intérêt requis. La partie requérante doit prouver concrètement qu'elle est visée ou
qu'elle risque d'être visée par l'incrimination, ce qui n'est pas démontré en l'espèce. En outre, elle ne serait pas
du tout crédible lorsqu'elle fait valoir, à l'appui de son intérêt, que la disposition attaquée, en prévoyant une peine
privative de liberté, touche à un aspect essentiel de sa liberté de citoyen, alors qu'il ressort des moyens qu'elle a
développés qu'elle tente de démontrer qu'il faut étendre le champ d'application de l'incrimination et de la peine
privative de liberté.
A.2.3. En ce qui concerne le recours introduit dans l'affaire n° 7303, le Conseil des ministres observe que le
moyen unique dans cette affaire ne porte pas sur la peine privative de liberté prévue par la disposition attaquée. La
partie requérante critique seulement le fait que l'amende susceptible d'être infligée à la suite d'une violation de la
disposition attaquée n'est pas liée à la capacité économique de la personne à l'égard de laquelle elle sera
éventuellement prononcée. La partie requérante ne démontrerait pas en quoi cela l'affecterait personnellement,
directement et défavorablement.
A.3. La partie requérante répond que la Cour nierait sa mission si elle déclarait les recours irrecevables en
ce que la partie requérante entend voir le champ d'application de la disposition attaquée élargi.
En ce qui concerne l'affaire n° 7303, la partie requérante souligne que l'amende visée est indissociablement
liée à la peine privative de liberté, de sorte que - en raison de l'inconstitutionnalité de l'amende - la disposition
attaquée doit être annulée dans son intégralité. Eu égard aux commentaires que la partie requérante a postés sur sa
page Facebook ainsi que sur différents sites Internet lors de certaines publications, elle est susceptible d'être
affectée directement et défavorablement par la disposition attaquée. Le seul fait que des plaintes doivent encore
être déposées ou que des poursuites doivent encore être engagées n'empêche pas que la norme attaquée puisse
affecter directement et défavorablement sa situation depuis sa publication.
En ce qui concerne l'affaire n° 7308
Quant à l'intérêt des parties requérantes
A.4. À l'appui de leur intérêt, les parties requérantes affirment qu'elles sont toutes d'origine arménienne et
qu'elles descendent de victimes du génocide que la population arménienne a subi sous l'Empire ottoman lors de
la Première Guerre mondiale. L'acte de nier ou de minimiser les crimes dont le peuple arménien a été victime
constitue une atteinte à l'identité de la communauté arménienne et affecte chacun des membres de cette
communauté. Un crime contre l'humanité, et en particulier un crime de génocide, procède toujours du rejet de
l'autre. La négation ou la minimisation de ce crime perpétue cet objectif. Les parties requérantes ont donc un
intérêt moral à ce que la loi permette que ceux qui nient ou minimisent le génocide arménien soient poursuivis,
afin qu'elles-mêmes soient protégées de tels discours haineux. Dans la mesure où la disposition attaquée ne le
permet pas, les parties requérantes justifient d'un intérêt à en demander l'annulation.
Les parties requérantes se prévalent par ailleurs de leur participation aux actions et aux décisions...
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