Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2020-05-07

JurisdictionBélgica
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)
Judgment Date07 mai 2020
ECLIECLI:BE:GHCC:2020:ARR.20200507.10
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.20200507.10
Docket Number58/2020

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 mars 2018 et parvenue au greffe le 21 mars 2018, un recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance » (publiée au Moniteur belge du 4 octobre 2017) a été introduit par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers », l'ASBL « Point d'appui. Service d'aide aux personnes sans papiers », l'ASBL « Bureau d'Accueil et de Défense des Jeunes », l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », l'ASBL « Kinderrechtencoalitie Vlaanderen », l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers », l'ASBL « Défense des Enfants - International - Belgique - Branche francophone (D.E.I. Belgique) », l'ASBL « Medimmigrant », l'ASBL « Coordination des Organisations non gouvernementales pour les droits de l'enfant » et la fondation d'utilité publique « Comité belge pour l'UNICEF », assistés et représentés par Me C. de Bouyalski, Me M. Kaiser, Me C. Verbrouck et Me M. Verdussen, avocats au barreau de Bruxelles.

(...)

II. En droit

(...)

Quant à l'étendue du recours en annulation

B.1.1. La Cour est saisie d'un recours en annulation dirigé contre la loi du 19 septembre 2017 « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance » (ci-après : la loi du 19 septembre 2017).

B.1.2. La loi précitée permet à l'officier de l'état civil de surseoir à acter une reconnaissance, en vue d'une enquête complémentaire, et de refuser d'acter la reconnaissance lorsqu'il y a des indications qu'il s'agit d'une reconnaissance frauduleuse, conçue comme une reconnaissance par laquelle son auteur « vise manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, lié à l'établissement d'un lien de filiation » (article 330/1 du Code civil, inséré par la loi du 19 septembre 2017).

B.2.1. Les parties requérantes sollicitent l'annulation totale de la loi du 19 décembre 2017.

B.2.2. Selon le Conseil des ministres, il ressortirait toutefois de l'exposé des moyens que la critique formulée par les parties requérantes porte uniquement sur certaines dispositions de la loi attaquée.

B.2.3. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation sur la base du contenu de la requête.

La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.

B.2.4. Bien que les parties requérantes demandent l'annulation de l'ensemble de la loi du 19 septembre 2017, il ressort de l'exposé des moyens que leurs griefs sont uniquement dirigés contre la définition de la notion de reconnaissance frauduleuse et contre les pouvoirs de l'officier de l'état civil et du ministère public à l'égard des reconnaissances frauduleuses, instaurés par les articles 9 à 11 de la loi du 19 septembre 2017, qui insèrent les articles 330/1 à 330/3 dans le Code civil.

La Cour limite par conséquent son examen à ces dispositions.

B.3.1. Les articles 9 à 11 de la loi du 19 septembre 2017 disposent :

« Art. 9. Dans le livre Ier, titre VII, chapitre III, section 2 du même Code, il est inséré un article 330/1 rédigé comme suit :

' Art. 330/1. En cas de déclaration de reconnaissance, il n'y a pas de lien de filiation entre l'enfant et l'auteur de la reconnaissance lorsqu'il ressort d'une combinaison de circonstances que l'intention de l'auteur de la reconnaissance, vise manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, lié à l'établissement d'un lien de filiation, pour lui-même, pour l'enfant ou pour la personne qui doit donner son consentement préalable à la reconnaissance. '.

Art. 10. Dans le livre Ier, titre VII, chapitre III, section 2 du même Code, il est inséré un article 330/2 rédigé comme suit :

' Art. 330/2. L'officier de l'état civil refuse d'acter la reconnaissance lorsqu'il constate que la déclaration se rapporte à une situation telle que visée à l'article 330/1.

S'il existe une présomption sérieuse que la reconnaissance se rapporte à une situation telle que visée à l'article 330/1, l'officier de l'état civil peut surseoir à acter la reconnaissance, éventuellement après avoir recueilli l'avis du procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la personne qui veut reconnaître l'enfant a l'intention de reconnaître l'enfant, pendant un délai de deux mois au maximum à partir de l'établissement de l'acte de déclaration, afin de procéder à une enquête complémentaire. Le procureur du Roi peut prolonger ce délai de trois mois au maximum. Dans ce cas, il en informe l'officier de l'état civil qui en informe à son tour les parties intéressées.

S'il n'a pas pris de décision définitive dans le délai prévu à l'alinéa 2, l'officier de l'état civil est tenu d'acter sans délai la reconnaissance.

En cas de refus visé à l'alinéa 1er, l'officier de l'état civil notifie sans délai sa décision motivée aux parties intéressées. Une copie de celle-ci, accompagnée d'une copie de tous documents utiles, est, en même temps, transmise au procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la décision de refus a été prise et à l'Office des étrangers.

En cas de refus de l'officier de l'état civil d'acter la reconnaissance, la personne qui veut faire établir le lien de filiation, peut introduire une action en recherche de maternité, de paternité ou de comaternité auprès du tribunal de la famille du lieu de déclaration de la reconnaissance.

Dans le cas visé à l'alinéa 5, l'exploit de citation ou la requête contient, à peine de nullité, la décision de refus de l'officier de l'état civil.'.

Art. 11. Dans le livre Ier, titre VII, chapitre III, section 2 du même Code, il est inséré un article 330/3 rédigé comme suit :

' Art. 330/3. § 1er. Le procureur du Roi poursuit la nullité d'une reconnaissance dans l'hypothèse visée à l'article 330/1.

§ 2. Tout exploit de signification d'un jugement ou arrêt portant annulation d'une reconnaissance est immédiatement communiqué en copie par l'huissier de justice instrumentant au ministère public et au greffier de la juridiction qui a prononcé la décision.

Lorsque la nullité de la reconnaissance a été prononcée par un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée, un extrait reprenant le dispositif du jugement ou de l'arrêt et la mention du jour où celui-ci a acquis force de chose jugée, est adressé, sans délai, par le greffier à l'officier de l'état civil du lieu où l'acte de reconnaissance a été établi ou, lorsque l'acte de reconnaissance n'a pas été établi en Belgique, à l'officier de l'état civil de Bruxelles, et à l'Office des étrangers.

Le greffier en avertit les parties.

L'officier de l'état civil transcrit sans délai le dispositif sur ses registres; mention en est faite en marge de l'acte de reconnaissance et de l'acte de naissance de l'enfant, s'ils ont été dressés ou transcrits en Belgique. ' ».

B.3.2. La loi du 18 juin 2018 « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges » (ci-après : la loi du 18 juin 2018) modifie plusieurs des dispositions insérées par la loi du 19 septembre 2017.

L'article 38 de la loi du 18 juin 2018 remplace, dans l'article 330/2, alinéa 2, du Code civil, tel qu'il a été inséré par l'article 10 de la loi du 19 septembre 2017, les mots « l'établissement de l'acte de déclaration » par les mots « la signature de la déclaration ».

L'article 39 de la loi du 18 juin 2018 remplace, dans l'article 330/3, § 2, tel qu'il a été inséré par l'article 11 de la loi du 19 septembre 2017, les alinéas 2 à 4 par ce qui suit :

« Lorsque la nullité de la reconnaissance a été prononcée par une décision judiciaire coulée en force de chose jugée, le greffier transmet immédiatement les données de la décision judiciaire à la BAEC, en mentionnant le jour où elle a acquis force de chose jugée.

La BAEC établit une mention sur cette base et l'associe à l'acte de reconnaissance et à l'acte de naissance de l'enfant.

Le greffier en avertit immédiatement les parties.

Lorsqu'il s'agit de l'annulation d'une reconnaissance effectuée en violation de l'article 330/1, la BAEC notifie immédiatement la décision judiciaire, en mentionnant le jour où elle a acquis force de chose jugée, à l'Office des étrangers ».

B.3.3. Conformément à l'article 118 de la loi du 18 juin 2018, ces modifications sont entrées en vigueur le 31 mars 2019.

B.3.4. Lors de son examen du fond de l'affaire, la Cour tiendra compte de l'incidence de ces modifications.

B.3.5. La circulaire du 21 mars 2018 « relative à la loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour...

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