Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, de 20 décembre 2006

PARTIE I.

Article 1. 1. Nul ne sera soumis à une disparition forcée.

  1. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée.

    Art. 2. Aux fins de la présente Convention, on entend par " disparition forcée " l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'Etat ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi.

    Art. 3. Tout Etat partie prend les mesures appropriées pour enquêter sur les agissements définis à l'article 2, qui sont l'oeuvre de personnes ou de groupes de personnes agissant sans l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat, et pour traduire les responsables en justice.

    Art. 4. Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour que la disparition forcée constitue une infraction au regard de son droit pénal.

    Art. 5. La pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée constitue un crime contre l'humanité, tel qu'il est défini dans le droit international applicable, et entraîne les conséquences prévues par ce droit.

    Art. 6. 1. Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour tenir pénalement responsable au moins :

    1. Toute personne qui commet une disparition forcée, l'ordonne ou la commandite, tente de la commettre, en est complice ou y participe;

    2. Le supérieur qui :

    3. Savait que des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée, ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations qui l'indiquaient clairement;

      ii) Exerçait sa responsabilité et son contrôle effectifs sur les activités auxquelles le crime de disparition forcée était lié; et

      iii) N'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission d'une disparition forcée ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites;

    4. L'alinéa b ci-dessus est sans préjudice des normes pertinentes plus élevées de responsabilité applicables en droit international à un chef militaire ou à une personne faisant effectivement fonction de chef militaire.

  2. Aucun ordre ou instruction émanant d'une autorité publique, civile, militaire ou autre, ne peut être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée.

    Art. 7. 1. Tout Etat partie rend le crime de disparition forcée passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité.

  3. Tout Etat partie peut prévoir :

    1. Des circonstances atténuantes, notamment en faveur de ceux qui, impliqués dans la commission d'une disparition forcée, auront contribué efficacement à la récupération en vie de la personne disparue ou auront permis d'élucider des cas de disparition forcée ou d'identifier les auteurs d'une disparition forcée;

    2. Sans préjudice d'autres procédures pénales, des circonstances aggravantes, notamment en cas de décès de la personne disparue, ou pour ceux qui se sont rendus coupables de la disparition forcée de femmes enceintes, de mineurs, de personnes handicapées ou d'autres personnes particulièrement vulnérables.

    Art. 8. Sans préjudice de l'article 5,

  4. Tout Etat partie qui applique un régime de prescription à la disparition forcée prend les mesures nécessaires pour que le délai de prescription de l'action pénale :

    1. Soit de longue durée et proportionné à l'extrême gravité de ce crime;

    2. Commence à courir lorsque cesse le crime de disparition forcée, compte tenu de son caractère continu.

  5. Tout Etat partie garantit le droit des victimes de disparition forcée à un recours effectif pendant le délai de prescription.

    Art. 9. 1. Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître d'un crime de disparition forcée :

    1. Quand l'infraction a été commise sur tout territoire sous sa juridiction ou à bord d'aéronefs ou de navires immatriculés dans cet Etat;

    2. Quand l'auteur présumé de l'infraction est l'un de ses ressortissants;

    3. Quand la personne disparue est l'un de ses ressortissants et que cet Etat partie le juge approprié.

  6. Tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître d'un crime de disparition forcée quand l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur tout territoire sous sa juridiction, sauf si ledit Etat l'extrade, ou le remet à un autre Etat conformément à ses obligations internationales ou à une juridiction pénale internationale dont il a reconnu la compétence.

  7. La présente Convention n'écarte aucune compétence pénale supplémentaire exercée conformément aux lois nationales.

    Art. 10. 1. S'il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d'avoir commis un crime de disparition forcée assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour s'assurer de sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la législation dudit Etat partie; elles ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire pour s'assurer de sa présence lors des procédures pénales, de remise ou d'extradition.

  8. L'Etat partie qui a pris les mesures visées au paragraphe 1er du présent article procède immédiatement à une enquête préliminaire ou à des investigations en vue d'établir les faits. Il informe les Etats parties visés au paragraphe 1 de l'article 9 des mesures qu'il a prises en application du paragraphe 1 du présent article, notamment la détention et les circonstances qui la justifient, et des conclusions de son enquête préliminaire ou de ses investigations, en leur indiquant s'il entend exercer sa compétence.

  9. Toute personne détenue en application du paragraphe 1er du présent article peut communiquer immédiatement avec le plus proche représentant qualifié de l'Etat dont elle a la nationalité ou, s'il s'agit d'une personne apatride, avec le représentant de l'Etat où elle réside habituellement.

    Art. 11. 1. L'Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l'auteur présumé d'un crime de disparition forcée est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, ou ne le remet pas à un autre Etat conformément à ses obligations internationales ou à une juridiction pénale internationale dont il a reconnu la compétence, soumet l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.

  10. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave en vertu du droit de cet Etat partie. Dans les cas visés au paragraphe 2 de l'article 9, les règles de preuve qui s'appliquent aux poursuites et à la condamnation ne sont en aucune façon moins rigoureuse que celles qui s'appliquent dans les cas visés au paragraphe 1 dudit article.

  11. Toute personne poursuivie en relation avec un crime de disparition forcée bénéficie de la garantie d'un traitement équitable à tous les stades de la procédure. Toute personne jugée pour un crime de disparition forcée bénéficie d'un procès équitable devant une cour ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi.

    Art. 12. 1. Tout Etat partie assure à quiconque alléguant qu'une personne a été victime d'une disparition forcée le droit de dénoncer les faits devant les autorités compétentes, lesquelles examinent rapidement et impartialement l'allégation et, le cas échéant, procèdent sans délai à une enquête approfondie et impartiale. Des mesures appropriées sont prises, le cas échéant, pour assurer la protection du plaignant, des témoins, des proches de la personne disparue et de leurs défenseurs ainsi que de ceux qui participent à l'enquête contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite.

  12. Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne a été victime d'une disparition forcée, les autorités visées au paragraphe 1 du présent article ouvrent une enquête, même si aucune plainte n'a été officiellement déposée.

  13. Tout Etat partie veille à ce que les autorités visées au paragraphe 1 du présent article :

    1. Disposent des pouvoirs et des ressources nécessaires pour mener l'enquête à bien, y compris l'accès à la documentation et à d'autres informations pertinentes pour leur enquête;

    2. Aient accès, si nécessaire avec l'autorisation préalable d'une juridiction qui statue le plus rapidement possible, à tout lieu de détention et à tout autre lieu où il y a des motifs raisonnables de croire que la personne disparue est présente.

  14. Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner les actes qui entravent le déroulement de l'enquête. Il s'assure notamment que les personnes soupçonnées d'avoir commis un crime de disparition forcée ne sont pas en mesure d'influer sur le cours de l'enquête par des pressions ou des actes d'intimidation ou de représailles exercés sur le plaignant, les témoins, les proches de la personne disparue et leurs défenseurs ainsi que sur ceux qui participent à l'enquête.

    Art. 13. 1. Pour les besoins de l'extradition entre Etats parties, le crime de disparition forcée n'est pas considéré comme une infraction politique, une infraction connexe à une infraction politique ou une infraction inspirée par des mobiles politiques. En conséquence, une demande d'extradition fondée sur une telle infraction ne peut être refusée pour ce seul motif.

  15. Le crime de disparition forcée est de plein droit compris au nombre des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT