Le statut social des travailleurs salariés

AuteurJean Pierre Renard
Occupation de l'auteurAvocat Juge suppléant au tribunal de commerce de Nivelles
Pages278-288

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Section 1 : La notion du contrat de travail

Quels sont les éléments constitutifs d'un contrat de travail ?

643. Il résulte de la définition susmentionnée du contrat de travail (voir n° 621) que ce contrat contient trois éléments : l'exercice d'un travail, une rémunération et l'autorité de l'employeur. Les deux parties doivent être d'accord sur ces trois éléments pour conclure un contrat de travail.

Ces trois éléments sont indissociables et cumulatifs. Si l'un d'eux n'est pas présent, il ne s'agit pas d'un contrat de travail mais d'une autre relation contractuelle qui n'est pas régie par les dispositions de la Loi du 3 juillet 1978.

Si l'autorité est généralement considérée comme étant l'élément essentiel du contrat de travail, il n'en demeure pas moins que la seule existence d'une autorité dans le chef d'une des deux parties contractantes n'est pas suffisante pour déterminer si ces parties sont liées ou non par un contrat de travail.

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D'autres contrats créent un rapport d'autorité tel que le contrat d'apprentissage ou le contrat de stage.

Cependant, il est vrai qu'il n'y a pas de contrat de travail sans lien de subordination et par conséquent l'exercice d'une autorité de la part de l'employeur. Cette caractéristique constitue la plupart du temps le critère de distinction entre un contrat de travail et toutes autres relations contractuelles possibles qui ont pour objet de prester un travail contre une rémunération mais qui ne sont pas régies par la Loi du 3 juillet 1978.

Comment définir l'autorité ?

644. L'autorité est le pouvoir dont dispose l'employeur pour donner des ordres à son travailleur, pour déterminer les prestations de travail à accomplir ou pour en déterminer les modalités d'exécution451. I1 s'agit d'une autorité juridique452.

L'autorité implique deux pouvoirs : d'une part, le pouvoir de direction, c'est-à-dire diriger l'exécution des ordres, et, d'autre part, le pouvoir de surveillance, c'est-à-dire vérifier la manière dont les ordres ont été exécutés453.

Le «lien de subordination», terme souvent utilisé pour remplacer la notion d'autorité, est en réalité la conséquence de l'autorité de l'employeur. L'autorité est constitutive du lien de subordination sous lequel se trouve le travailleur. Le lien de subordination est un fait juridique454.

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Quelles sont les caractéristiques de l'autorité ?

645. En vertu de la doctrine et la jurisprudence, l'autorité exercée dans le cadre d'un contrat de travail a trois caractéristiques455 :

  1. l'autorité doit être possible. Lorsque la Cour de cassation affirme que l'autorité doit être possible, cela signifie que cette autorité ne doit pas être effectivement exercée456;

  2. l'autorité peut être occasionnelle, c'est-à-dire que l'autorité ne doit pas être ininterrompue, permanente et constante pour exister457. Il suffit qu'elle soit susceptible de s'exercer;

  3. l'autorité peut être directe ou indirecte. Elle peut émaner directement de l'employeur sans qu'il n'y ait d'intermédiaire ou elle peut être exercée par un tiers et donc indirectement.

    Compte tenu de ces caractéristiques, il n'est pas rare dans la pratique de constater que, même en étant un travailleur salarié, celui-ci peut jouir d'une certaine indépendance dans ses activités de tous les jours. Le lien de subordination n'est pas inconciliable avec une certaine indépendance ou autonomie dont jouirait le travailleur dans son travail458. La frontière entre un travailleur salarié et un travailleur indépendant n'est dès lors pas toujours facile à identifier ce qui a pour conséquence le phénomène d'actualité dit des faux-indépendants et des faux-salariés459.

    Comment prouver l'existence d'un contrat de travail et plus précisément l'existence d'une autorité patronale ?

    646. Si l'existence d'un contrat de travail et plus précisément du lien de subordination est mise en doute, il faudra prouver la réalité de celui-ci.

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    Pour se faire, la méthode la plus utilisée par les cours et tribunaux est la méthode dite «indiciaire», c'est-à-dire que le juge va prendre en considération différents indices issus de l'ensemble de la relation contractuelle entre les parties, tant dans sa qualification que dans son exécution460.

    Selon les règles de droit commun concernant la preuve461, la charge de la preuve incombe à celui qui réclame la requalification du contrat en contrat de travail462.

    Si aucun lien de subordination n'existe, le contrat conclu entre deux parties n'est pas un contrat de travail.

    Qu'est-ce que la méthode «indiciaire» ?

    647. Cette méthode se traduit en trois étapes :

  4. La première étape consiste à prendre en compte la qualification du contrat donnée par les parties. C'est l'application du principe de l'autonomie de la volonté des parties ou de la convention-loi, énoncé à l'alinéa premier de l'article 1134 du Code civil: «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites».

    En d'autres termes, les tiers, et donc le juge, sont tenus par la qualification conventionnelle donnée par les parties. Ce principe a été réaffirmé récemment par la Cour de cassation. Toutefois, la jurisprudence oppose trois exceptions à ce principe: en cas de fraude, d'erreur ou de clause inconciliable avec la qualification du contrat, celle-ci ne primera plus463.

  5. Dans un second temps, le juge va s'attarder sur la volonté réelle des parties conformément à l'article 1156 du Code civil464 qui veut que la volonté réelle des parties prime sur la volonté déclarée au contrat.

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    Or, pour déterminer la volonté réelle des parties, il faut recourir à l'interprétation du contrat en examinant ses clauses et les termes utilisés.

    Le juge pourra écarter la qualification donnée par les parties au contrat si cette qualification ne correspond pas avec les clauses et les termes de la convention465.

  6. Si la qualification du contrat reste contestée, le juge devra vérifier si les modalités d'exécution de celui-ci sont compatibles avec la qualification du contrat. Les modalités d'exécution priment sur le contrat et ses clauses.

    Le juge va ainsi pouvoir déduire de ces modalités d'exécution certains indices qui seront considérés comme révélateurs d'un lien de subordination et donc de l'existence d'un contrat de travail466. A l'inverse, d'autres indices ne permettront pas de prouver l'existence d'un quelconque lien de subordination467. Enfin, certaines modalités d'exécution seront considérées comme étant des indices neutres, c'est-à-dire que la jurisprudence considère que ces indices ne permettent pas de déterminer à eux seuls l'existence ou non d'un lien de subordination et sont considérés comme n'ayant aucune incidence dans la recherche du lien de subordination468.

    Conseil

    Mieux vaut prendre le temps de rédiger correctement le contrat de travail en peaufinant ses clauses et ce afin d'éviter une quelconque requalification et les conséquences de celle-ci. D'autre part, il faut toujours garder à l'esprit que le contrat de travail doit refléter la réalité de l'exécution de ce contrat.

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Section 2 : Statut en droit du travail

648. Depuis l'avènement de l'industrialisation dans notre pays, le législateur n'a eu de cesse d'adopter des dispositions légales qui n'avait d'autre but que de protéger le travailleur face à son employeur tant lors de leurs relations contractuelles qu'à la fin de celles-ci.

Le travailleur a de tout temps été perçu comme la partie faible dans cette relation et partant de ce constat, le législateur a voulu le protéger en tentant de rééquilibrer le rapport de force entre les parties.

Cette philosophie sous-tend toute la législation sociale belge et s'est traduite dans l'adoption de nombreuses législations.

Parmi toutes les règles protectrices adoptées en faveur du travailleur, il y en a deux qui nous semble important de souligner dans le cadre de...

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