De quelques responsabilités particulières
Auteur | André-Pierre André Dumont; Jean Pierre Renard |
Occupation de l'auteur | Avocat et assistant , UCL; Avocat juge suppléant , Tribunal de Commerce de Nivelles |
Pages | 362-307 |
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718. La question de savoir quand il y a conflit d'intérêts au sens de la loi et quelle procédure doit alors être appliquée a déjà été examinée (nº277).352
Rappelons que la loi du 2 août 2002 étendu les règles en la matière au comité de direction. (art. 524 ter CDS)
Attachons-nous maintenant aux responsabilités encourues par les administrateurs353 lorsqu'un conflit d'intérêts apparaît. Deux hypothèses doivent être envisagées.
719. Il y a clairement violation du Code des sociétés et en conséquence, en vertu de l'article 528 alinéa 1er CDS, tous les administrateurs seront solidairement responsables du dommage causé par la violation de cette procédure.
Le plus difficile pour la victime sera de prouver le lien de causalité entre son dommage et la violation de la procédure.
Il faut attirer l'attention sur la possibilité pour l'administrateur de se prémunir d'une telle responsabilité en prouvant qu'il n'a commis aucune faute et qu'il a prévenu l'assemblée générale de cette violation légale dès qu'il en a eu connaissance (voir nº 714).
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En effet, la plupart du temps, le conseil d'administration ne respectera pas les formalités prescrites parce que tous ou certains administrateurs n'auront pas connaissance du conflit d'intérêts existant dans le chef d'un de leurs collègues. Cette ignorance ne suffira pas à les disculper. Dès qu'ils apprendront le conflit qui leur a été celé - et rappelons le devoir d'investigation qui leur incombe - , ils devront le dénoncer à la prochaine assemblée générale, sous peine d'être condamnés pour une faute qui leur était au départ totalement étrangère.
720. L'article 529 du Code des sociétés répond à cette dernière hypothèse.
Si la décision, prise en conformité avec la procédure prévue, procure à un ou plusieurs des administrateurs «un avantage financier abusif au détriment de la société», la société ainsi que tout tiers peuvent demander la condamnation solidaire des administrateurs pour le dommage subi «à la suite» de la décision prise.
La doctrine considère que cette disposition est une application de la responsabilité quasi-délictuelle. Il faut cependant noter que cette disposition spéciale va plus loin que l'article 1382 du Code civil dans la mesure où, d'une part, elle prévoit d'office la responsabilité solidaire des administrateurs et, d'autre part, ces derniers sont condamnés pour les dommages subis «à la suite» de la décision, ce qui suppose que le lien de causalité sera examiné de façon plus extensive.
Comme l'ont relevé certains auteurs354, il est paradoxal de constater que les conséquences d'une décision prise dans le cadre d'un conflit d'intérêts risque d'être plus onéreuse pour les administrateurs dans l'hypothèse où les formalités ont été suivies que dans le cas contraire.
Pour rassurer quelque peu les administrateurs, signalons que certains soutiennent que, s'ils dénoncent à la prochaine assemblée générale l'avantage financier abusif retiré par un de leurs collègues à la suite d'une décision ou opération à laquelle il n'aurait pas pris part, ils pourront échapper à cette responsabilité particulièrement lourde.
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721. Dans la vie d'une société, il y a évidemment d'autres hypothèses où l'intérêt d'un administrateur se trouve confronté à l'intérêt social. Le Code des sociétés y est attentif et a ainsi réglé la question du quasi-apport effectué par un administrateur. L'article 445 CDS règle de manière précise cette opération en vue de sauvegarder l'intérêt de la société.
722. Les administrateurs sont tenus de déposer, dans les 30 jours de leur approbation, les comptes annuels de la société auprès de la Banque nationale de Belgique (art. 98 CDS).
S'ils ne le font pas, ils violent une disposition légale du présent Code355 des sociétés et seront donc solidairement tenus des dommages ainsi causés à des tiers qui auraient contracté avec une société dans l'ignorance de sa mauvaise situation financière.
Comme déjà évoqué, le problème sera essentiellement de prouver le lien de causalité entre le dommage vanté (par exemple, le paiement des factures) et le non dépôt des comptes annuels. Les administrateurs attaqués auront beau jeu d'indiquer que, même s'ils avaient été déposés dans les délais, ce commerçant n'aurait sans doute pas pris connaissance de ceux-ci et à supposer qu'il l'ait fait, que rien ne prouve qu'il n'aurait quand même pas conclu affaire avec la société. L'action de ce créancier a donc beaucoup de chance d'être reconnue fondée en son principe, mais sans résultat réel, par manque de preuve de la relation causale directe entre son dommage et l'absence du dépôt des comptes annuels.
C'est pour pallier cette situation que la loi du 13 avril 1995 a introduit dans les lois coordonnées sur les sociétés commerciales une présomption légale en vertu de laquelle «le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette omission356».
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Il y a donc renversement de la charge de la preuve au profit, dans notre exemple, du créancier dont les factures sont restées impayées357. Ce sera dorénavant aux administrateurs de prouver que le non-paiement des factures n'a pas de lien causal nécessaire avec le non dépôt des factures. Dans bien des cas, cette preuve sera difficile, voire impossible à rapporter.
Depuis le 1er juillet 1996358, l'absence de dépôt des comptes annuels dans les délais impartis fait donc courir aux administrateurs des risques financiers extrêmement importants.
723. En vertu de l'article 610 CDS, les administrateurs encourent, en cas d'augmentation de capital, un certain nombre de...
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