Quelques aspects juridiques de la gestion des débiteurs

AuteurOlivier Vincent
Occupation de l'auteurCoach pour PME et indépendants
Pages113-132

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Même si le recouvrement de créances a pour mission principale de faire valoir les droits d'un créancier en récupérant son dû auprès de ses débiteurs, il ne peut se faire n'importe comment.

Si nous étudierons les différents moyens de recouvrement dans les chapitres 7 et 8, il convient de s'attarder dès à présent sur divers aspects légaux entourant la relation entre un créancier et son débiteur.

A La loi du 2 août 2002 relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales
1. La directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000

Le suivi des débiteurs trouve son cadre de fonctionnement actuel dans une directive émise par le Conseil de l'Europe. Même si celle-ci fut abordée brièvement dans le chapitre 1, il est intéressant de s'y arrêter quelques instants.

Cette directive est née d'une volonté des autorités européennes de rompre le schéma classique selon lequel le débiteur est systématiquement la partie faible à protéger.

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En effet, l'Europe a, cette fois-ci, voulu protéger le créancier contre les pratiques abusives de certains débiteurs puissants.

De plus, les différentes règles et pratiques de paiement en matière de transactions commerciales varient selon les différents États membres de l'Union.

Pour combattre les retards de paiement et harmoniser les législations des États membres, la directive impose aux États la mise en ceuvre de moyens qui concernent les intérêts moratoires, les frais de recouvrement, la réserve de propriété et la durée de la procédure de recouvrement des créances non contestées59.

C'est aussi et surtout dans un contexte d'européanisation du droit des obligations que s'inscrivent cette directive et sa transposition dans le droit belge, à savoir la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

2. Champ d d’application rationae personae

La loi60 du 2 août 2002 « s'applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales » (article 3).

La notion de transaction commerciale est définie à l'article 2.1 de la loi comme étant « toute transaction entre entreprises ou entre des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices qui conduit à la fourniture de biens ou à la prestation de services contre rémunération ».

La loi précise, dans ses articles 2.2 et 2.3, ce qu'il faut entendre par « entreprise » et par « pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice ».

L'entreprise est « toute organisation agissant dans l'exercice d'une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n'est exercée que par une seule personne » (article 2.2 L. 2.08.2002). Cette définition est fortement influencée par la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes61.

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Le législateur entend la notion d'entreprise dans un sens très large, puisqu'elle désigne tous les professionnels indépendants et non pas exclusivement les commerçants.

La forme de l'organisation qui agit « dans l'exercice d'une activité économique ou professionnelle indépendante » est sans importance62.

Les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas aux « transactions » qu'une personne conclurait en dehors de ses activités professionnelles, que ce soit en qualité de créancière ou de débitrice. Précisons que les contrats qu'une entreprise conclut avec des consommateurs sont en dehors du champ d'application de la loi63.

Par pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice adjudicatrice, la loi entend « tout pouvoir ou toute entité visé par la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services » (article 2.3 L 2.08.2002).

Si la loi de 2002 vise les pouvoirs adjudicateurs, c'est parce que les entreprises sont assez souvent confrontées, en pratique, à des retards de paiement qui sont le fait des pouvoirs publics. Aussi les « transactions commerciales » conclues entre les entreprises et les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices sont-elles visées par la loi du 2 août 200264.

L'article 3 précise que la présente loi « ne porte pas non plus préjudice aux dispositions de l'arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics. »

3. Champ d’application rationae materiae

La loi du 2 août 2002 vise les retards de paiement dans les transactions commerciales.

La notion de transactions commerciales transactions commerciales englobe les conventions au sens où le droit belge des obligations l'entend (contrats de vente, d'entreprise, de mandat, de dépôt, de location, contrat de distribution, etc.).

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Mais, cette « transaction », au sens de la loi, n'est pas un type d'acte juridique particulier. C'est un concept générique, qui renvoie à l'idée de commerce juridique, quelle que soit la forme qu'il prend. Pour savoir si la loi est, ou non, applicable, on ne s'intéressera qu'aux effets de ce commerce. C'est ainsi que les relations entre pouvoirs publics et entreprises constituent aussi des transactions au sens de la loi nouvelle65.

La loi ne s'applique qu'aux paiements qui sont la rémunération, la contrepartie de la livraison de biens ou de la prestation de services.

B Qu'en est-il du délai légal de paiement ?
1. Point de départ du délai de paiement

La loi relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales prévoit en son article 4 que « [...] tout paiement en rémunération d'une transaction commerciale doit être effectué dans un délai de 30 jours à partir du jour qui suit celui celui :

  1. de la réception, par le débiteur, de la facture ou d'une demande de paiement équivalente, ou

  2. de la réception des marchandises ou de la prestation de services, si la date de réception de la facture ou de la demande de paiement équivalente est incertaine ou si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente avant les marchandises ou les services, ou

  3. de l'acceptation ou de la vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, si la loi ou le contrat prévoit une procédure d'acceptation ou de vérification, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l'acceptation ou de la vérification ».

Et ce, sauf disposition contraire dans les conditions générales.

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2. La facture

Compte66 tenu des situations auxquelles on peut être confronté, il est intéressant de s'arrêter quelques instants sur la facture.

La facture est la description d'une dette spécifique et une invitation à régler ce qui est dû. Elle est obligatoire :

  1. dès l'achat d'un bien ou d'un service à des fins professionnelles;

  2. sur base de la législation sur la TVA, en cas d'achat de biens et services à usage privé, notamment :

· la vente, l'entretien et les réparations d'une voiture ou d'une moto (à partir de 62 euros, TVA incluse);

· les travaux d'entreprise dans le secteur de la construction;

· les achats effectués dans les magasins de gros;

· les ventes à tempérament.

Lorsqu'il s'agit d'une facture obligatoire selon le code de la TVA, tous les renseignements concernant le vendeur ou le prestataire de services doivent y figurer.

Pour rappel : que faut-il mentionner sur ce document67 ?

- le mot « facture »;

- le numéro d'ordre;

- la date;

- la dénomination exacte de l'entreprise et sa raison sociale;

- le siège de l'entreprise;

- le numéro B.C.E. de l'entreprise;

- le numéro d'identification à la TVA;

- l'identité complète du client;

- l'adresse du client;

- le numéro d'identification à la TVA du client;

- la date de la livraison ou de la prestation;

- l'identification du produit ou du service;

- le prix HTVA;

- le taux et le montant de la TVA;

- le prix TVAC;

- le numéro de compte de l'entreprise et le nom de la banque.

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Il est donc important de préciser clairement l'identité complète du client. Cela permet d'éviter les confusions. S'il s'agit d'une société, il faut nécessairement mentionner sa raison sociale et son siège social. On retrouve donc ici plusieurs éléments essentiels de la fiche signalétique étudiée dans le chapitre précédent.

Il est essentiel pour le créancier de respecter les règles en matière de facturation car si la facture a été mal rédigée, le créancier rencontrera de grandes difficultés à récupérer son dû.

C Les conditions générales de vente du créancier
1. Connaissance et adhésion effective du débiteur

Afin68 de se prémunir contre les risques de retards ou de défauts de paiement, le créancier doit disposer de conditions générales de vente et de contrats de vente parfaitement adaptés à son activité. A défaut de conditions générales de vente, ce sont, en principe, les dispositions de droit commun qui s'appliquent.

Pour s'assurer de l'application de ces conditions générales, le créancier devra prouver que le débiteur en a eu connaissance et qu'il les a acceptées avant de conclure la vente, ou au plus tard au moment de la conclusion de celle-ci.

Une jurisprudence abondante témoigne...

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