TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGE DE POURSUIVRE LES PERSONNES PRESUMEES RESPONSABLES DE VIOLATIONS DU DROIT HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L'EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991. Règlement de procédure et de preuve., de 11 février 1994

CHAPITRE I. - Dispositions générales.

Article 1. Entrée en vigueur.

Le présent Règlement de procédure et de preuve, adopté conformément aux dispositions de l'article 15 du Statut du Tribunal, entre en vigueur le 14 mars 1994.

Art. 2. Définitions. (A) Sauf incompatibilité tenant au contexte, les expressions suivantes signifient :

Règlement : le Règlement visé à l'article 1 ci-dessus;

Statut : le Statut du Tribunal adopté par le Conseil de sécurité dans sa résolution 827 du 25 mai 1993;

Tribunal : le Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, créé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 827 du 25 mai 1993;

Accusé : toute personne physique faisant l'objet d'un acte d'accusation conformément à l'article 47 ci-après;

Arrestation : l'acte par lequel une autorité nationale appréhende et place en garde à vue un suspect ou un accusé;

Bureau : organe constitué du Président, du Vice-Président et des Présidents des Chambres de première instance;

Enquête : tous les actes accomplis par le Procureur conformément au Statut et au Règlement afin de rassembler des informations et des éléments de preuve;

Etat : Un Etat membre ou non membre des Nations Unies ou une entité autoproclamée exercant de facto des fonctions gouvernementales, qu'elle soit ou non reconnue en tant qu'Etat;

Opération : un certain nombre d'actions ou d'omissions survenant à l'occasion d'un seul événement ou de plusieurs, en un seul endroit ou en plusieurs, et faisant partie d'un plan, d'une stratégie ou d'un dessein commun;

Partie : le Procureur ou l'accusé;

Président : le Président du Tribunal;

Procureur : le Procureur nommé conformément à l'article 16 du Statut;

Règlements internes: toute réglementation adoptée par le Procureur en application du paragraphe (A) de l'article 37 dans le but d'organiser les activités du Bureau du Procureur;

Suspect : toute personne physique au sujet de laquelle le Procureur possède des informations fiables qui tendent à montrer qu'elle aurait commis une infraction relevant de la compétence du Tribunal;

Victime : toute personne physique à l'égard de laquelle aurait été commise une infraction relevant de la compétence du Tribunal.

(B) Aux fins du présent Règlement, l'emploi du masculin et du singulier comprend le féminin et le pluriel et inversement.

Art. 3. Emploi des langues. (A) Les langues de travail du Tribunal sont le francais et l'anglais.

(B) L'accusé a le droit de parler sa propre langue.

(C) Toute autre personne, à l'exception du conseil de l'accusé, comparaissant devant le Tribunal peut, sous réserve du paragraphe (D) du présent article, employer sa propre langue si elle n'a pas une connaissance suffisante de l'une ou l'autre des deux langues de travail.

(D) Le conseil de l'accusé peut demander au Président d'une Chambre l'autorisation d'employer une langue autre que les deux langues de travail ou celle de l'accusé. Si une telle autorisation est accordée, les frais d'interprétation et de traduction sont pris en charge par le Tribunal dans les limites éventuellement fixées par le Président compte tenu des droits de la défense et de l'intérêt de la justice.

(E) Le Greffier prend les dispositions voulues pour assurer la traduction des pièces et l'interprétation des débats dans les langues de travail.

Art. 4. Réunions hors le siège du Tribunal. Une Chambre peut, avec l'autorisation du Président, exercer ses fonctions hors le siège du Tribunal si l'intérêt de la justice le commande.

Art. 5. Effet d'une violation du Règlement. Toute exception soulevée par une partie à l'égard d'un acte d'une autre partie et fondée sur une violation du Règlement ou des règlements internes, doit l'être dès que possible; elle n'est accueillie et l'acte déclaré nul que si ce dernier est incompatible avec les principes fondamentaux de l'équité et a entraîné effectivement un mauvais fonctionnement de la justice.

Art. 6. Modification du Règlement. (A) Tout article du Règlement peut être modifié à la demande d'un juge, du Procureur ou du Greffier. Une réunion plénière est convoquée à cet effet. Chaque juge recoit communication de la proposition de modification. Celle-ci est adoptée par un vote favorable de sept juges au moins.

(B) S'il n'est pas procédé comme prévu au paragraphe (A) ci-dessus, les modifications du Règlement ne peuvent être adoptées qu'a l'unanimité.

(C) Les modifications entrent en vigueur immédiatement, sans préjudice du respect des droits de l'accusé dans les affaires en instance.

Art. 7. Textes authentiques. Les textes en francais et en anglais du Règlement font également foi.

En cas de divergence, le texte qui reflète le plus fidèlement l'esprit du Statut et du Règlement prévaut.

CHAPITRE II. - Primauté du Tribunal

Art. 8. Demande d'information. Lorsqu'il apparaît au Procureur qu'une infraction relevant de la compétence du Tribunal fait ou a fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites pénales devant une juridiction interne, il peut demander à l'Etat dont relève cette juridiction de lui transmettre toutes les informations pertinentes. L'Etat transmet sans délai au Procureur ces inforrnations, en application de l'article 29 du Statut.

Art. 9. Requête du Procureur aux fins de dessaisissement. S'il apparaît au Procureur, au vu des enquêtes ou poursuites pénales engagées devant une juridiction interne comme cela est prévu à l'article 8 ci-dessus, que :

(i) l'infraction a recu une qualification de droit commun; ou (ii) la procédure engagée ne serait ni impartiale ni indépendante, viserait à soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale internationale ou n'aurait pas été exercée avec diligence; ou (iii) l'objet de la procédure porte sur des faits ou des points de droit qui ont une incidence sur des enquêtes ou des poursuites en cours devant le Tribunal, le Procureur peut saisir la Chambre de Première instance désignée à cet effet par le Président d'une requête aux fins de demander officiellement le dessaisissement de cette juridiction en faveur du Tribunal.

Art. 10. Demande officielle de dessaisissement. (A) S'il apparaît à la Chambre de première instance saisie d'une telle requête de la part du Procureur, qu'elle est fondée conformément à l'article 9 ci-dessus, la Chambre de première instance peut demander officiellement à l'Etat dont relève la juridiction, que celle-ci se dessaisisse en faveur du Tribunal.

(B) La demande de dessaisissement porte également sur la transmission des éléments d'enquêtes, des copies du dossier d'audience et le cas échéant, d'une expédition du jugement.

(C) Lorsque le dessaisissement a été demandé par une Chambre de première instance, tout procès ultérieure est portée devant l'autre Chambre de première instance.

Art. 11. Non-respect d'une demande officielle de dessaisissement. Si, dans un délai de soixante jours à compter de la date à laquelle le Greffier a notifié la demande de dessaisissement à l'Etat dont relève l'institution judiciaire ayant connu de l'affaire dont il s'agit, l'Etat ne fournit pas à la Chambre de première instance l'assurance qu'il a pris ou entend prendre les mesures voulues pour se conformer à cette demande, la Chambre peut prier le Président de soumettre la question au Conseil de sécurité.

Art. 12. Décisions des juridictions internes. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10 du Statut, les décisions des juridictions internes ne lient pas le Tribunal.

Art. 13. Non bis in idem. Si le Président est valablement informé de poursuites pénales engagées contre une personne devant une juridiction interne pour une infraction pour laquelle l'intéressé a déjà été jugé par le Tribunal, une Chambre de première instance rend conformément à la procédure visée à l'article 10, mutatis mutandis, une ordonnance motivée, invitant cette juridiction à mettre fin définitivement aux poursuites. Si cette juridiction s'y refuse, le Président peut soumettre la question au Conseil de sécurité.

CHAPITRE III. - Organisation du Tribunal.

Section 1. - Les juges.

Art. 14. Déclaration solennelle. (A) Avant de prendre ses fonctions, chaque juge fait la déclaration solennelle suivante :

"Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes attributions de juge du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience. " (B) Le texte de cette déclaration, signé par le juge en présence du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies ou de son représentant, est versé aux archives du Tribunal.

Art. 15. Récusation et empêchement de juges. (A) Un juge ne peut connaître en première instance ou en appel d'une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité.

En ce cas, il doit se récuser dans cette affaire et le Président désigne un autre juge pour siéger à sa place.

(B) Toute partie peut solliciter du Président de la Chambre qu'un juge de cette Chambre soit dessaisi d'une affaire en première instance ou en appel pour les raisons ci-dessus énoncées. Après que le Président de la Chambre en ait conféré avec le juge concerné, le Bureau statue si nécessaire. Si le Bureau donne suite à la demande, le Président désigne un autre juge pour remplacer le juge dessaisi.

(C) Le juge d'une Chambre de première instance qui examine un acte d'accusation conformément à l'article 19 du Statut aux articles 47 ou 61 du Règlement ne peut siéger à la Chambre appelée à juger ultérieurement l'accusé.

(D) Aucun membre de la Chambre d'appel ne peut connaître en cette qualité d'une affaire dont il a eu à connaître en première instance.

(E) Si, pour une raison quelconque, un membre d'une Chambre est empêché de siéger à...

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