Le plan de secteur

AuteurMichel Delnoy
Occupation de l'auteurAvocat, Assistant à l'Université de Liège
Pages57-111

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1. La force juridique du plan de secteur et les dérogations

On a indiqué ci-dessus qu'un plan d'aménagement, tel le plan de secteur, a force obligatoire et valeur réglementaire dans toutes ses dispositions66. Cela signifie notamment67 que le plan de secteur :

- doit être respecté par les autorités administratives lors de l'octroi d'un permis;

- doit être respecté par l'autorité communale lors de l'adoption d'un instrument (schéma, plan ou règlement) communal;

- s'applique en toute circonstance de manière inéluctable, sauf à supposer que le CWATUP prévoit la possibilité d'y déroger ou que le plan lui-même contienne des possibilités de dérogation68.

Les dérogations prévues par le Code sont désormais les suivantes. En dehors de ces hypothèses, il n'est en principe pas possible de passer outre au contenu du plan de secteur. La solution idéale consiste alors à le réviser69.

a L'adoption d'un PCA dérogatoire

L'art.48, al.2, du CWATUP permet à un PCA de déroger au contenu du plan de secteur. La dérogation a pour effet que les dispositions du plan de secteur cessent de produire leurs effets (v. également l'art.19, §3, al.2, du CWATUP).

Des conditions sont naturellement posées. Elles sont au nombre de trois (v. l'art.48 ,al.2, du CWATUP - pour le surplus , v. ég. p. 141).

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1) La dérogation ne peut porter atteinte à l'économie générale du plan de secteur

On ne peut que difficilement donner une définition de cette condition: à quoi correspond l'économie générale du plan de secteur? On peut en tout état de cause dire, d'une part, que la question relève du pouvoir d'appréciation de l'autorité et que le contrôle du juge ne pourra s'effectuer que sur base du concept d'erreur manifeste d'appréciation (v. p. 199) et, d'autre part, qu'il s'agit bien de porter une appréciation au regard du contenu de l'ensemble du plan de secteur et non de la zone considérée à laquelle on envisage de déroger. Les travaux préparatoires du décret du 27 novembre 1997 indiquent, ce qui est cependant contestable au regard de l'art.54, 3° du CWATUP, que la dérogation peut éventuellement être admise lorsqu'elle porte sur l'inscription d'une zone destinée à l'urbanisation là où le plan de secteur prévoit déjà une zone destinée à l'urbanisation mais qu'elle ne peut l'être si le plan de secteur prévoit une zone non destinée à l'urbanisation (sur ce concept, v. l'art.25 du CWATUP). Ils précisent également qu'il faut avoir égard à l'empiétement sur la zone et à sa localisation, et que la dérogation ne peut porter sur l'ensemble du territoire communal.

2) La dérogation doit être justifiée par des besoins sociaux, économiques, patrimoniaux ou environnementaux qui n'existaient pas au moment de l'adoption définitive du plan de secteur

A nouveau, la définition de ce critère pose problème. On peut dire que la dérogation ne peut en principe pas servir à corriger les prises de position de l'autorité régionale basées sur les circonstances qui avaient justifié l'adoption du plan de secteur. On pourrait imaginer, à titre d'exemple, qu'une dérogation soit justifiée par le besoin nouveau de la population en salles de cinéma de haute technologie, qui n'existait pas 10 ou 20 ans auparavant. Le besoin de développement d'une politique de relance économique et touristique de la commune, suffisamment étayé, pourrait également éventuellement constituer une justification adéquate.

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3) L'affectation qui résulte du plan communal d'aménagement dérogatoire doit répondre aux possibilités d'aménagement existantes de fait

Cette condition est sans doute la plus aisée à comprendre. Pour reprendre l'exemple ci-dessus, on ne pourrait imaginer que la dérogation permette l'implantation d'un complexe cinématographique là où les équipements annexes indispensables à ce type d'installation (notamment parkings et voiries) ne pourraient être érigés (relief trop inégal, superficie disponible insuffisante, qualité médiocre du réseau des principales voies de communications, voisinage à caractère résidentiel trop marqué, ...).

b La dérogation au zonage des plans de secteur dans le cadre de l'octroi d'un permis
1) Les cinq cas de dérogations prévues (art 110 et suivants)

Les art.110 et suivants du CWATUP prévoient cinq hypothèses dans lesquelles l'autorité qui souhaite accorder le permis sollicité peut déroger au zonage du plan de secteur :

- les constructions et équipements de services publics ou communautaires;

- l'extraction ou la valorisation de roches ornementales;

- les bâtiments existants non conformes à la destination de la zone;

- la règle du comblement ou du remplissage;

- la poursuite d'activités autorisées avant le plan.

Ces dérogations valent pour toutes les zones du plan de secteur, sauf lorsque l'une d'entre elles est expressément exclue. Les travaux préparatoires du décret du 15 juillet 1998 modifiant le décret du 27 novembre 1997 et ceux du décret du 18 juillet 2002 confirment d'ailleurs clairement qu'elles peuvent également être mises en oeuvre en zone d'aménagement différé70. Par ailleurs, ces dérogations ne jouent pas uniquement pour les permis d'urbanisme et de lotir. L'art.132bis, al.1er, du CWATUP indique en effetPage 60que les art.110 et suivants sont applicables «aux actes relevant d'autres législations qui sont relatifs au même projet». Cela signifie certainement, notamment, que lorsqu'un projet soumis à permis d'urbanisme nécessite également un autre permis (par exemple, un permis d'environnement ou un permis socio-économique), cet autre permis peut, si nécessaire, comme le permis d'urbanisme, être accordé en dérogation au zonage du plan de secteur.

Attention

Le texte de l'art.132bis vise un «autre permis» qui est relatif au «même projet». Les travaux préparatoires du décret du 18 juillet 2002 précisent clairement, d'une part, que, lorsque l'autre permis est délivré indépendamment d'un permis d'urbanisme ou de lotir et que le projet requiert un permis d'urbanisme ou de lotir, le demandeur qui veut bénéficier d'une dérogation doit d'abord demander le permis d'urbanisme ou de lotir et la dérogation accordée pour ce permis vaut pour l'autre permis. Ils précisent, d'autre part, que, lorsqu'aucun permis d'urbanisme ou de lotir n'est requis pour le projet, «les prescriptions des plans s'appliquent sans dérogation». En d'autres termes, les dérogations des art.110 et suivants ne peuvent s'appliquer aux autres permis que si le projet à réaliser requiert par ailleurs un permis d'urbanisme ou de lotir.

* Constructions et équipements de services publics ou communautaires

(1 er dérogation au plan de secteur)

En vertu de l'art.110, les constructions et équipements de services publics ou communautaires peuvent être admis dans toute autre zone que celles dans lesquelles leur admission est directement prévue71.

Exemple

Une construction de services publics ou communautaires72 pourrait être admise en zone agricole, pourtant en principe réservée aux exploitationsPage 61agricoles et aux habitations des agriculteurs. Elle pourrait également être admise en zone d'aménagement différé sans devoir rencontrer la condition du PCP (sur ce concept, v. p. 85).

Pour que l'art.110 puisse trouver à s'appliquer, il convient avant tout que la demande de permis porte sur une construction ou sur un équipement de services publics ou communautaires73. La définition de ce concept découle de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Il doit avant tout s'agir d'une construction ou d'un équipement qui satisfait un besoin social. Cela étant, la demande ne doit pas nécessairement résulter d'une initiative publique et l'équipement peut être exploité par une personne privée. Le critère essentiel est celui de l'absence de but principal de lucre dans le chef de l'exploitant et de...

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