Ordonnance, Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 2016-06-09
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 09 juin 2016 |
ECLI | ECLI:BE:TTBRL:2016:ORD.20160609.20 |
Court | Tribunal du travail francophone de Bruxelles |
Docket Number | 15/7170/A |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:TTBRL:2016:ORD.20160609.20 |
Numéro de répertoire
2016 /
Date du prononcé
09/06/2016
Numéro de rôle
15 / 7170 / A
Numéro auditorat :
15/7/17/25
Matière :
Discrimination
Type de jugement :
ordonnance interlocutoire
Expédition
Tribunal du travail francophone de Bruxelles
Chambre siégeant comme en Référé
Ordonnance
EN CAUSE :
Madame Th. G.,
domiciliée ,
Madame N. A.,
domiciliée ,
parties demanderesses, comparaissant par Me Inès WOUTERS, avocate ;
CONTRE :
L'A.S.B.L. P.
partie défenderesse, comparaissant par Me Marie MICHAUD-NERARD, avocate ;
* * *
Vu la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire ;
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;
Vu la requête déposée au greffe de ce tribunal en date du 6 juillet 2015 et notifiée aux parties le 8 juillet 2015 ;
Vu le calendrier de dépôt de conclusions sur lequel les parties se sont mises d'accord à l'audience du 16 juillet 2015 ;
Vu la remise de la cause lors de l'audience du 14 décembre 2015, à la demande de l'asbl PSE en raison du dépôt à l'audience par mesdames G. et A. d'une jurisprudence récente ;
Vu les différentes conclusions déposées par l'asbl PSE ;
Vu les différentes conclusions déposées par mesdames G. et A. ;
Entendu les parties à l'audience publique du 18 avril 2016 ;
La tentative de conciliation a été faite au préalable, mais est demeurée sans résultat.
Vu l'avis écrit déposé le 2 mai 2016 au greffe de ce tribunal par monsieur Julien Ameeuw, Substitut de l'Auditeur du travail et notifié aux parties le 03 mai 2016 ;
Vu les répliques déposées le 13 mai 2016 au greffe de ce tribunal par l'asbl PSE (dénommée PSE par la suite) ;
I. OBJET DE LA DEMANDE
La demande a pour objet de :
- entendre constater la violation des normes précitées, à savoir la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et le décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination et des autres moyens invoqués ;
- faire cesser la discrimination dont mesdames G. et A. font l'objet ;
- condamner PSE au paiement de l'indemnité équivalente à six mois de rémunération en vertu de l'article 18,§2,2° de la loi du 10 mai 2007 et 46 du décret du 12 décembre 2008 ;
- faire interdiction à PSE de procéder à une mesure de licenciement à leur encontre ;
- ordonner à PSE de procéder au paiement de la rémunération de madame G. à compter du 16 juin 2015 ainsi que celle de madame A. lorsque la période de maladie aura pris fin dans le courant du mois de septembre.
- condamner PSE aux frais et dépens en ce compris l'indemnité de procédure envers mesdames G. et A..
II. LES FAITS
PSE est une asbl qui selon ses statuts, a pour but la promotion de la santé des jeunes en âge scolaire (enseignement fondamental, secondaire et supérieur) et organise la création et la gestion d'un service de promotion de la santé :
a) à l'école de régime linguistique francophone, conformément aux missions prévues par le décret du 20 décembre 2001 en son article 2, au bénéfice des élèves d'âge scolaire fréquentant les établissements scolaires subventionnés par la Communauté française (P.S.E. (Promotion de la santé à l'école) ;
b) dans l'enseignement supérieur non universitaire, conformément aux missions définies à l'article 2 du décret du 16 mai 2002, au bénéfice des étudiants fréquentant un établissement d'enseignement supérieur subventionné par la Communauté française (P.S.E.S. (Promotion de la santé dans l'enseignement supérieur).
Elle occupe à cette fin des infirmières dont la mission est d'assurer le suivi médical des élèves, d'assurer le dépistage et la gestion des maladies transmissibles en milieu scolaire, de mettre en place des programmes de promotion de la santé et de promotion d'un environnement scolaire favorable à la santé, d'établir le recueil standardisé de données sanitaires. Elle dispose de trois antennes (antenne de Bruxelles, antenne de Boitsfort et antenne d'Uccle). L'antenne de Bruxelles occupe neuf infirmières se répartissant 50 écoles dont la liste est déposée par PSE. Les infirmières de PSE accueillent les élèves au sein des locaux de PSE quatre jours par semaine et se rendent dans les établissements scolaires deux demi-journées par semaine.
PSE est également composée de médecins, ainsi qu'il ressort des précisions données à l'audience (ce qui est expressément prévu par l'article 17 du décret du 20 décembre 2001 relatif à la promotion de la santé).
PSE a conclu une convention avec de nombreux établissements scolaires relevant majoritairement de l'enseignement libre mais elle collabore également avec des établissements relevant de l'enseignement officiel subventionné. Plusieurs de ces écoles interdisent à leur personnel de porter des signes convictionnels philosophiques et religieux, comme le voile par exemple.
En date du 29 mars 2007, elle a conclu un contrat de travail d'employé à durée indéterminée et à temps plein avec madame Nadia A. pour travailler comme infirmière à partir du 11 avril 2007 essentiellement à l'antenne de Bruxelles-Molenbeek (devenue l'antenne de Bruxelles). Un contrat à durée déterminée et à temps partiel entre les mêmes parties a précédé ce contrat (avec une date d'engagement au 11 avril 2005) selon les précisions données par les dernières conclusions de mesdames G. et A.. Madame A. est chargée des écoles que voici : Christ-Roi, Saint-Louis, La Famille, Saint Roch, Maria Assumpta.
De même, en date du 1er décembre 2008, elle a conclu un contrat de travail d'employé à durée indéterminée et à temps partiel avec madame Thawara G. pour travailler comme infirmière à partir du 1er décembre 2008 principalement à l'antenne de Bruxelles. Madame G. s'occupe des écoles suivantes : Saint-Louis I, Pie X, Magelan, Chanterelle et Saint Thomas.
Lors de leur engagement, la directrice de PSE les a informées qu'il était interdit de porter le voile au travail.
Elles ont toutes deux travaillé sans porter le voile pendant respectivement neuf ans et six ans.
Dans le courant de l'été 2014, elles ont sollicité une modification de leurs fonctions au sein de PSE, afin de se voir confier des tâches de nature uniquement administrative et non plus médicale. L'idée sous-jacente était de pouvoir porter le voile au travail. Une réunion d'équipe tenue le 4 septembre 2014 qui a abordé ces questions, a généré des tensions entre les différents membres de l'équipe. PSE a refusé qu'elles n'effectuent que des tâches administratives et portent le voile.
Elles sont toutes deux tombées en incapacité de travail dès le 22 septembre 2014.
Par lettre du 20 novembre 2014 adressée à madame Chantal Janssens (membre du pouvoir organisateur de PSE), elles ont précisé qu'elles vivaient mal de devoir retirer le voile dès leur arrivée au centre et lors de leurs déplacements dans les écoles et qu'elles se sentaient discriminées dès lors qu'on les empêchait d'exercer le droit de culte. Elles ont demandé à pouvoir la rencontrer afin d'être autorisées à porter le voile lors de leur travail au centre et dans les écoles.
En date du 4 décembre 2014, l'ensemble des infirmières de l'antenne de Bruxelles de PSE (hormis les demanderesses), soit sept personnes, ont adressé une note aux membres du pouvoir organisateur pour se plaindre du manque d'effectif et des plaintes des directions d'établissements en découlant. Elles ont par ailleurs fait part de l'anxiété que suscite le retour hypothétique de leurs collègues mesdames A. et G. : « Nous sommes extrêmement anxieuses de ce retour, qui nous mettrait dans une difficulté émotionnelle importante et nous questionne quant à la possibilité de reprendre une collaboration professionnelle. D'autant que la situation datant du mois de septembre, nous a toutes beaucoup bouleversées ». Cette difficulté a nécessité l'intervention d'un psychologue pour suivre les membres de cette équipe, dont l'intervention a été prolongée jusqu'en décembre 2016 selon les précisions données par PSE.
Par lettres du 4 décembre 2014, madame Barbieux, directrice de PSE a invité mesdames A. et G. à remettre leurs clés des locaux pour permettre aux personnes les remplaçant d'accéder aux locaux pendant leur période d'incapacité.
Par lettres du 9 décembre 2014, elles ont toutes deux renvoyé leurs clés et demandé à PSE de faire connaître ses intentions quant à leur emploi.
En date du 9 décembre 2014, le syndicat de mesdames G. et A. a interpellé le centre interfédéral pour l'égalité des chances qui a fait état de sa position par mail du 16 décembre 2014, en signalant notamment qu'il avait proposé aux intéressées d'adresser un courrier à PSE afin d'organiser une rencontre. Par courrier du 17 décembre 2014, ledit syndicat a adressé une copie de sa réponse à madame G.. Il a été confirmé à l'audience que la position du centre interfédéral pour l'égalité des chances n'avait pas été communiquée à PSE.
Par lettre du 24 décembre 2014 adressées à mesdames G. et A., madame Durdu, présidente du pouvoir organisateur, a répondu ce qui suit :
« (...) Comme vous l'avez indiqué dans votre courrier du 19 novembre dernier, l'interdiction du port du voile dans le cadre de l'exécution de missions au sein de l'asbl PSE Libre de Bruxelles Capitale vous a été formellement communiquée lors de votre engagement, sans objection de votre part.
Cette règle obéit à notre obligation d'exercer notre mission de santé publique en toute neutralité.
Cette interdiction vaut tant au sein des bureaux de l'association que lors de missions menées à l'extérieur auprès des établissements scolaires.
L'obligation de neutralité à laquelle notre association doit se soumettre en raison de son objet social justifie pleinement cette interdiction.
Nous nous référons en cette matière à l'article 21 §1 du Règlement de travail en notre asbl, qui stipule que « le travailleur a l'obligation d'exécuter son travail avec soin, probité, et conscience, au temps, au lieu et dans les conditions convenues ».
Nous sommes dès lors tenus...
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