Marques et autres signes distinctifs

AuteurDominique Kaesmacher; Théodora Stamos
Occupation de l'auteurPrésidente, AIPPI (Association Internationale de la Protection de la Propriété Intellectuelle)/Juriste d’entreprise, Belgacom
Pages27-71

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A Pourquoi protéger une marque ?
1. Un instrument pour distinguer ses produits ou services

La marque peut être définie comme un signe par lequel un fabricant ou un commerçant désigne ses produits ou ses services. Par exemple, «Proximus» pour un service de télécommunication mobile, «Galler» pour du chocolat.

Comme tous les droits intellectuels, les marques confèrent un droit exclusif à leur titulaire.

La marque est donc un signe distinctif de produits ou de services sur lequel le titulaire dispose d’un droit exclusif.

Ainsi donc, la marque permet à l’entreprise de désigner ses produits ou services afin de les distinguer de ceux de ses concurrents. C’est sa fonction première.

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2. Un outil pour attirer et garder la clientèle

Au-delà, la marque joue un rôle très important sur le plan économique.

Tout d’abord, du fait qu'il constate la présence d’une même marque sur deux produits ou en liaison avec deux services, le consommateur est amené à croire que lesdits produits ou services présentent les mêmes caractéristiques. Autrement dit, du simple fait qu'elle garantit une identité d'origine, la marque fait présumer une constance de qualité du produit ou du service désigné par une même marque.

Elle joue, ensuite, une fonction publicitaire. La marque permet en effet aux entreprises de faire de la publicité pour les produits ou les services qu’elle couvre. Elle en constitue un support idéal. Sans marque, comment faire de la publicité pour son produit ou service ?

En d’autres termes, elle est devenue un moyen de susciter et de sécuriser la demande, et donc aussi à terme de permettre à l’entreprise de pratiquer des marges supérieures.

3. Un actif important de l’entreprise

Au-delà, les marques acquièrent parfois, grâce aux investissements publicitaires effectués, une valeur à elles seules, indépendante des objets qu'elles désignent, une réputation, une image, un pouvoir attractif, ou encore un «goodwill» (par exemple, les marques «Dior», «Ferrarri», ou «Microsoft»).

Pour certaines entreprises, la marque joue un rôle prépondérant dans les résultats financiers et, in fine, dans la valorisation boursière. Les sociétés cotées en bourse et soumises aux normes comptables internationales (IFRS), inscrivent d’ailleurs leurs marques dans leur bilan comme un autre actif. Ces montants peuvent atteindre des sommets : ainsi, en 2006, la griffe «Louis Vuitton» était estimée à 15,63 milliards d’euros, «L’Oreal» à 5,33 milliards d’euros, «Orange» à 3,17 milliards d’euros.

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4. Marque ou nom commercial ?

Il ne faut pas confondre la marque avec le nom commercial qui est le signe sous lequel le commerçant, personne physique ou morale, exploite son entreprise. En d’autres termes, le nom commercial est le signe distinctif de l’entreprise (et non du produit ou du service).

Les finalités sont différentes, même si de facto, le nom commercial est souvent (mais pas obligatoirement) identique à la marque du commerçant (ex «Galler»). Il l’est plus souvent au nom patronymique du commerçant personne physique (ex «Patisserie Wittamer»), ou encore à la dénomination sociale de la société ou aux deux (par exemple «Donaldson», «Premaman»), mais pas nécessairement (ex «Proximus» est la marque et le nom commercial de la s.a. Belgacom Mobile, «Dash» et «Pampers» sont des marques de la société Procter & Gamble, société américaine peu connue du grand public, «Nutella» est une marque phare de la société Ferrero).

Les modalités d’obtention des droits sont également différentes. Le nom commercial est protégé en Belgique en vertu de l’article 8 de la Convention d’Union de Paris qui porte que «le nom commercial est protégé dans tous les pays de l’Union, sans obligation de dépôt ou d’inscription, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou commerciale». Le dit article impose ainsi aux Etats membres de l’Union l’obligation d’assurer la protection du nom commercial dans leur ordre juridique, et ce, sans enregistrement10. Comme on le voit, le nom commercial s’acquiert par l’usage tandis que la marque s’acquiert par un enregistrement auprès de l’autorité compétente. On peut donc «réserver» une marque pendant quelques années avant de commencer à l’utiliser dans le(s) territoire(s) cible(s) (cinq ans maximum sinon l’on risque la déchéance, voir infra), ce qui ne sera pas possible pour un nom commercial où le droit appartient ipso facto au premier usager (de bonne foi, voir infra).

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Les preuves du droit sont plus faciles à fournir en cas de marque puisque l’on dispose d’un titre officiel alors que pour prouver un nom commercial il faudra établir l’usage ce qui implique de produire factures, cartes de visites, papier à entête, extrait des Pages d’or, etc. depuis l’origine de l’activité, ce qui n’est pas toujours aisé.

L’étendue territoriale de la protection est également différente. Elle n’existe que dans la zone de rayonnement du nom commercial, c’est-à-dire là où il est connu. L’étendue de la protection est donc variable en cas de nom commercial et dépendra de la zone de rayonnement ou de renommée du nom (la Belgique, une région, une province voire une commune). L’étendue de la protection de la marque sera l’Union européenne ou le Benelux, selon le cas. En revanche, la protection du signe sera sensiblement la même sur le plan matériel : le titulaire d’une marque ou d’un nom commercial pourra s’opposer à l’usage de sa marque ou de son nom s’il y a un risque de confusion11 lequel sera apprécié «in concreto» c’est-à-dire en tenant compte des circonstances de l’espèce (produits et services, clientèle, etc.).

5. Marque ou dénomination sociale ?

Il ne faut pas non plus confondre la marque et le nom commercial avec la dénomination sociale ou statutaire qui est le nom de la société telle que figurant dans les statuts. Les finalités de même que les modalités d’obtention et la protection sont différentes.

La dénomination sociale est régie par le Code des sociétés qui porte en son article 65 : «Chaque société est distinguée par une dénomination sociale qui doit être différente de celle de toute autre société. Si elle est identique, ou si la ressemblance peut induire en erreur, tout intéressé peut la faire modifier et réclamer des dommages et intérêts s’il y a lieu.

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Les fondateurs, ou en cas de modification ultérieure de la dénomination sociale, les membres de l’organe de gestion, sont tenus solidairement envers les intéressés des dommages et intérêts visés à l’alinéa 2». Le droit sur la dénomination sociale naît donc l’indication de celle-ci dans l’acte constitutif de la société12.

L’article 65 est clair : la dénomination sociale utilisée par une société doit être différente de celle d’une autre société, quelle que soit l’activité respective des deux établissements, ou l’aire géographique de leurs activités. Une simple ressemblance entre deux dénominations sociales, si elle est susceptible d’induire des tiers en erreur, permet au premier...

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