Jugement/arrêt, Cour du Travail de Bruxelles, 2023-04-24

Judgment Date24 avril 2023
ECLIECLI:BE:CTBRL:2023:ARR.20230424.1
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CTBRL:2023:ARR.20230424.1
CourtCour du Travail de Bruxelles
Docket Number2020/AB/158

Expédition Numéro du répertoire Délivrée à
2023 /
Date du prononcé le 24 avril 2023 € JGR
Numéro du rôle
2020/AB/158
Décision dont appel
18/3886/A
Cour du travail de Bruxelles
dixième chambre extraordinaire Cour du travail de Bruxelles – 2020/AB/158 – p. 2
SEC. SOC. DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS - discrimations relat. trav. rég. compl.
Arrêt contradictoire Définitif Notification – loi du 10 mai 2007
[CENTRE HOSPITALIER] ASBL, BCE , dont le siège est établi à , , , partie appelante au principal, intimée sur incident, représenté par Maître , avocat à .
contre
Monsieur GG, NRN , domicilié à , , partie intimée au principal, appelante sur incident, représenté par Maître , avocat à .
Vu l’arrêt interlocutoire du 10 décembre 2021 et les pièces de procédure qu’il vise ;
Vu les conclusions et les dossiers des parties ;
Entendu les parties à l'audience du 18 novembre 2022 à laquelle le ministère public était représenté par Mme , Substitut général ;
Vu l’avis déposé le 15 décembre 2022 (et la communication du 22 décembre 2022 concernant une erreur matérielle) par M. , Avocat général, concluant à la réformation du jugement ;
Vu les répliques des parties.
I. RAPPEL DES ANTECEDENTS
1. Le docteur GG, né le , est entré au service de [l’hôpital] en 1981 en qualité de médecin indépendant spécialisé en anesthésiologie- réanimation. En 2011, cette clinique a été intégrée au sein du [CENTRE HOSPITALIER], qui en assure aujourd’hui la gestion.
2. Suite à cette reprise, le [CENTRE HOSPITALIER] et les médecins occupés par [l’hôpital]
ont conclu un « contrat-type de praticien accrédité ». Suivant le contrat signé par M.
GG le 20 février 2012, celui-ci « s’engage à collaborer en tant que médecin spécialiste en Anesthésiologie – Réanimation dans le service d’Anesthésie du site de [l’hôpital] »
(article 1er ) ; il est stipulé que « le présent contrat est un contrat d’entreprise. Le statut social adopté est celui d’indépendant » (art. 2) ; le docteur GG déclare avoir pris connaissance de la réglementation générale et de diffé rents autres documents, joints au contrat et qui font partie intégrante du contrat (art. 16).
3. Le jour de la conclusion du contrat, un avenant a été établi par les parties, aux termes duquel tous les droits et obligations du docteur GG, résultant du contrat de base, sont transférés à « NN SPRL - ».
4. L’article 5 du contrat-type de praticien accrédité signé par M. GG dispose :
« Le présent contrat résultant de l’application de la Réglementation générale en vigueur depuis le 13 décembre 2011, entre en vigueur à la date du 1er novembre 2011. Il est conclu pour une durée indéterminée et prend fin de plein droit, sauf dérogations octroyées par le Conseil exécutif sur avis du Conseil médical, lorsque le Docteur atteint l’âge de 67 ans. »
5. Cette disposition renvoie à la « Réglementation générale régissant les rapports juridiques et financiers entre le gestionnaire et le corps médical », laquelle prévoit ce qui suit en son article 10 :
« Les contrats des médecins accrédités et non accrédités sont conclus pour une durée indéterminée (moyennant période probatoire, cf. article 9) jusqu’à la date anniversaire de soixante-sept ans. Avant cette date, le médecin pourra introduire annuellement une demande de prolongation d’activité par lettre motivée auprès du Conseil Exécutif, qui statuera après avis du Conseil Médical et déterminera les conditions de la poursuite d’activité, en privilégiant le transfert progressif, par le médecin concerné, de son activité au sein du [CENTRE HOSPITALIER] à des confrères accrédités ou en voie d’accréditation.
Le Conseil Exécutif en informera le Conseil d’Administration. En cas de désaccord entre les Conseils Exécutif et Médical, la décision sera prise par le Conseil d’administration.
Exceptionnellement et par dérogation à l’alinéa précédent, sur décision du Conseil Exécutif et après avis du Conseil Médical, un contrat à durée déterminée ou affecté d’une clause résolutoire peut être offert au médecin.
Le contrat prend fin de façon définitive et irrévocable à la date anniversaire de septante-cinq ans.
Pour la 1ère année d’application de cette mesure à savoir 2011, les médecins qui ont plus de septante-quatre ans ont un an, à la date de mise en application, pour arrêter leur activité. »
6. Suivant l’article 6 du contrat, chaque partie peut mettre fin au contrat moyennant un préavis de 6 mois. Si le [CENTRE HOSPITALIER] prend l’initiative de la rupture, il doit respecter la procédure d’avis renforcé du Conseil médical (sauf en cas de faute grave).
7. Le docteur GG, qui allait atteindre l’âge de 67 ans le 2016, a, le 9 mai 2015, adressé au directeur général du [CENTRE HOSPITALIER] une demande écrite en vue d’obtenir la prolongation de son activité d’anesthésiste à compter du 2016.
8. Ce courrier était libellé comme suit :
« Par la présente, en accord avec le service au sein duquel je travaille, je me permets de solliciter la prolongation de mon activité d’anesthésiste à [l’hôpital] et ceci à partir du 2016, date à laquelle j’atteindrai l’âge de 67 ans. »
9. En séance du 19 mai 2015, le Conseil médical local de [l’hôpital] a rendu l’avis suivant :
« EXTRAIT :
Prolongation d’activité
Dr GG : anesthésiste. Le Dr PP rappelle que les avis de chefs de service, de pôle, de département de site sont consultatifs. La décision de la prolongation d’activité revient au CM et au CEX. Suite à différents éléments expliqués lors du précédent PV, le CML décide d’utiliser la grille d’évaluation. Celle-ci évalue l’intérêt pour le service de poursuivre la collaboration avec un médecin.
Notons que quelqu’un qui appartient au collège médico-technique n’apporte pas de patientèle à l’institution.
Le Dr GG possède-t-il une pratique particulière apportant un plus à l’institution ou à son service ? Tel ne semble pas être le cas. Il n’est également pas maître de stage.
À la suite de la discussion le CML décide de passer au vote. La question étant :
"accepte-t-on de prolonger l’activité du Dr GG ?", le vote montre 2 oui, 4 non et 1 blanc. »
10. Le 1er juin 2015, le Conseil médical du [CENTRE HOSPITALIER] a décidé de suivre l’avis défavorable du Conseil médical local.
11. Par courrier du 12 juin 2015, la direction du [CENTRE HOSPITALIER] a communiqué au docteur GG sa décision de ne pas réserver une suite favorable à cette demande : « Nous avons le regret de vous informer que les instances du [CENTRE HOSPITALIER] ne peuvent donner suite à votre demande de prolongation d’activités en tant que médecin spécialiste en anesthésiologie sur le site de [l’hôpital]. »
12. M. GG a contesté la décision du [CENTRE HOSPITALIER] par deux courriers de ses conseils des 7 juillet 2015 et 6 août 2015, invoquant l’absence d’avis du Conseil médical et une discrimination sur base de l’âge, prohibée par la loi du 10 mai 2007 ;
une action en cessation était annoncée dans l’hypothèse où l’institution ne rapporterait pas sa décision de ne pas prolonger la collaboration.
13. Par courrier de son conseil du 1er septembre 2015, le [CENTRE HOSPITALIER] a maintenu sa décision, faisant notamment valoir :
- que le Conseil médical a bien rendu un avis sur la demande de prolongation, - que la décision de ne pas prolonger la collaboration au-delà de 67 ans constitue l’application de la convention de praticien accrédité conclue de commun accord par les parties au contrat, renvoyant spécialement à son article 5, - que cet article 5 est conforme à la réglementation générale, - que la demande de prolongation du docteur GG n’était pas motivée alors qu’elle aurait dû l’être comme le prévoit l’article 10 de la réglementation générale, - que « notamment pour des raisons de considérations d’ordre public et de sécurité, l’asbl [CENTRE HOSPITALIER] pense que la pratique médicale du Dr GG, en l’espèce l’anesthésiologie et la réanimation est, de manière générale, peu compatible avec un âge plus avancé ; d’autant que cette spécialité entraîne très souvent à devoir traiter de nombreux cas d’urgences ».
14. Le courrier mentionnait ensuite :
« Aussi et dans le cadre d’une politique plus générale, l’asbl [CENTRE
HOSPITALIER] souhaite garantir la continuité de ses soins et assurer à ce titre un renouvellement des praticiens en tentant de transférer de manière progressive les activités des médecins en fin de carrière (…) ;
De manière plus personnelle, l’asbl [CENTRE HOSPITALIER] me confie ne pas avoir de reproche professionnel à formuler à l’égard du Dr GG, qui a en effet toujours assuré des prestations de qualité. Par ailleurs, quant au caractère peu prolixe du courrier qui a été adressé au Dr GG en date du 12 juin 2015, il se justifie par l’absence de motivation qui caractérise la demande de prolongation introduite par votre mandant (… ). »
15. Le 25 novembre 2015, le docteur GG a introduit une action en cessation devant la Présidente du Tribunal du travail francophone de Bruxelles. Dans le cadre de cette procédure, les parties ont convenu, à titre conservatoire, de prolonger l’activité du docteur GG jusqu’au prononcé de l’ordonnance à intervenir. Cette action a été déclarée non fondée par ordonnance du 1er février 2016.
16. Suite à cette ordonnance, le [CENTRE HOSPITALIER] a définitivement mis fin aux activités du docteur GG à partir du 2 février 2016.
17. M. GG a interjeté appel de cette ordonnance le 11 mai 2016. Il a par ailleurs introduit, le 1er juillet 2016, une nouvelle demande de prolongation, laquelle n’a pas été acceptée.
18. Par arrêt du 5 janvier 2017, la Cour a réformé l’ordonnance mais a cependant estimé qu’elle ne pouvait plus se prononcer sur la question de la discrimination dans le cadre d’une action en cessation, le contrat ayant pris fin.
II. LA PROCEDURE EN PREMIERE INSTANCE ET LE JUGEMENT ENTREPRIS
19. M. GG a introduit la présente action au fond par une requête déposée le 21 février 2018 au Tribunal du travail du Brabant Wallon (division Nivelles), lequel a, par jugement du 21 août 2018, renvoyé la cause au Tribunal du travail francophone de Bruxelles après...

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