Jugement/arrêt, Cour du Travail de Liège, 2022-12-08

CourtCour du Travail de Liège
Judgment Date08 décembre 2022
ECLIECLI:BE:CTLIE:2022:ARR.20221208.1
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CTLIE:2022:ARR.20221208.1
Docket Number2021/AL/624

N° d’ordre
Expédition Numéro du répertoire Délivrée à Pour la partie 2022 /
R.G. Trib. Trav.
le 20/2148/A & 20/2892/A € JGR
Date du prononcé
8 décembre 2022
Numéro du rôle
2021/AL/624
En cause de :
L’ASBL
C/ Monsieur V
Cour du travail de Liège Division Liège
CHAMBRE 3-D
DROIT DU TRAVAIL - contrats de travail-employé Arrêt contradictoire Interlocutoire Cour du travail de Liège, division Liège – 2021/AL/624 – p. 2 N° d’ordre
+ contrat de travail d’employé – enseignement libre subventionné – responsable technique et conseiller en prévention – écartement – procédure non respectée – indemnité de protection due – proportion de la durée de travail de conseiller en prévention – réouverture des débats sur l’application éventuelle de l’article 17, § 2, de l'arrêté royal du 27.03.1998 relatif au Service interne pour la Prévention et la Protection au Travail, en vigueur jusqu’au 12.6.2017 et de l’article II.1-16. § 2 du Code du bien-être au travail, entré en vigueur le 12.6.2017 (art 2, 3, 5, 10, 16 L 20.12.2002)
Applicabilité de la CCT n°109 - un conseiller en prévention dans l’enseignement libre subventionné n’est ni un membre « subsidié » ni un membre tout court du personnel administratif, il n’est de ce fait pas exclu de l’application de la CCT n°109.
(article 1er, § 2, 1°, du décret du 1.2.1993 de la Communauté française fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné ; l’article 2, §3, 3° la loi du 5.12.1968 sur les conventions collectives de travail)
La CCT 109 n’est pas applicable en cas de licenciement du conseiller en prévention mais bien en cas d’écartement de ce dernier (art 2, § 3 de la CCT 109)
Le cumul d’une indemnité de protection contre le licenciement d’un conseiller en prévention avec l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable prévue par la CCT 109 est prohibé mais pas le cumul d’une indemnité de protection contre l’écartement d’un conseiller en prévention avec l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable (art 9 CCT 109, art 10
loi 20.12.2002.)
Abus de droit – procédure d’écartement anticipée par rapport au licenciement dans le but d’éviter de devoir respecter la procédure plus lourde de licenciement – faute et dommage – art 1034 Cc
EN CAUSE :
L’ASBL, partie appelante au principal, intimée sur incident, Cour du travail de Liège, division Liège – 2021/AL/624 – p. 3 N° d’ordre
comparaissant par Maître Hervé DECKERS, avocat à 4460 GRACE-HOLLOGNE, Rue Saint-
Exupéry 17 bte 11
CONTRE :
Monsieur V, partie intimée au principal, appelante sur incident, comparaissant personnellement et assisté par Maître Bruno-Henri VINCENT, avocat à 1180
UCCLE, Rue Egide Van Ophem 40C
• • •
INDICATIONS DE PROCEDURE
Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 03
novembre 2022, et notamment :
- le jugement attaqué, rendu contradictoirement entre parties le 08 novembre 2021
par le tribunal du travail de Liège, division Liège, 2ème Chambre (R.G. 20/2148/A et 20/2892/A) ;
- la requête formant appel de ce jugement, remise au greffe de la Cour du travail de Liège, division Liège, le 15 décembre 2021 et notifiée à la partie intimée par pli judiciaire le même jour invitant les parties à comparaître à l’audience publique du 26
janvier 2022 ;
- le dossier de procédure du tribunal du travail de Liège, division Liège, reçu au greffe le 20 décembre 2021
- l’ordonnance rendue le 3 février 2022, sur pied de l’article 747 du Code judiciaire, fixant les plaidoiries à l’audience publique du 3 novembre 2022 ;
- les conclusions, les conclusions additionnelles et de synthèse, les conclusions additionnelles et de synthèse et le dossier de pièces de la partie intimée, remis au greffe de la cour respectivement les 14 mars 2022, 15 juillet 2022, 30 septembre 2022 et 2 novembre 2022 ;
- les conclusions, les conclusions de synthèse et le dossier de pièces de la partie appelante, remis au greffe de la cour respectivement les 13 mai 2022 et 31 août 2022
;
Cour du travail de Liège, division Liège – 2021/AL/624 – p. 4 N° d’ordre
- le dossier de pièces déposé par chacune des parties à l’audience du 03 novembre 2022.
Les conseils des parties ont plaidé lors de l’audience publique du 03 novembre 2022 et la cause a été prise en délibéré immédiatement.
I.- ANTÉCÉDENTS PERTINENTS
L’appelante, ci-après l’A.S.B.L., regroupe cinq sites d’établissement scolaire, elle compte 350 travailleurs pour près de 2.600 élèves.
L’intimé, ci-après Monsieur V, disposait d’une expérience de cinq ans en tant que conseiller en prévention Niveau III chez un autre employeur.
Par contrat de travail d’employé du 19.2.2015, l’A.S.B.L a engagé Monsieur V à durée indéterminée à partir du 16.3.2015 comme responsable technique pour un horaire de 38h/semaine sans autre précision. Sa fiche de paie et le document C4 qui seront établis à la fin de la relation de travail indiquent qu’il relève de la CP 225 (02) :
« Employés des institutions de l’enseignement libre subventionné de la Communauté française et de la Communauté germanophone. » Il n’est pas contesté que selon la CCT et le règlement de travail, la durée de travail tant pour le responsable technique que pour le personnel administratif est de 36h/semaine. Monsieur V fut rémunéré par l’A.S.B.L pour 36h/semaine.
Le règlement de travail décrit l’activité d’un responsable technique comme suit :
« En soutien aux directions des établissements scolaires, il a la responsabilité des équipements et de l'entretien de tous les bâtiments liés à (l’A.S.B.L. ). Il aura la gestion du personnel ouvrier qui veillera à garantir la qualité de l'enseignement et de l'accueil par la qualité des infrastructures et de la logistique. »
Monsieur V fut recruté en remplacement d’un sieur L, décédé sur son lieu de travail.
Monsieur V devenait responsable d’une équipe de 22 travailleurs.
Monsieur V expose qu’en tant que responsable technique, il était constamment sollicité, le plus souvent par téléphone, et devait courir de sites en sites pour régler les incidents sur place. Les sollicitations avaient même lieu le WE, à l’aube ou après le soleil couchant, notamment :
Cour du travail de Liège, division Liège – 2021/AL/624 – p. 5 N° d’ordre
− par les différents clubs sportifs qui occupaient les infrastructures le WE ;
− par les alarmes intempestives déclenchées par des intrusions, une fenêtre laissée ouverte, des codes erronés, les professeurs venant faire des photocopies le WE... ;
− par les pannes de courant de la ville, très récurrentes;
− par les professeurs qui venaient faires des photocopies le week-end ;
− par les évènements extra-scolaires (repas organisés afin de récolter des fonds, soirée des Réthos, remise des bulletins, théâtre, fancy-fair, ...)
L’A.S.B.L. estime qu’il s’agissait de sollicitations occasionnelles.
Monsieur V expose encore qu’en conséquence de la rupture de collaboration avec la société A, il avait repris la gestion des cuisines des différentes écoles, du personnel des cuisines froides, des stocks et commandes, du suivi avec le nouveau fournisseur repas chaud TCO2, du respect des normes HACCP et du contrôle AFSCA, ce que l’A.S.B.L. ne conteste pas.
Monsieur V affirme encore qu’il avait repris une partie des charges travail de la responsable Marchés Publics. Selon l’A.S.B.L., il s’agissait d’interventions ponctuelles.
Le 24.3.2017, Monsieur V fut désigné conseiller en prévention de niveau II (fonction pour laquelle il remplissait les conditions entretemps) au sein du C.P.P.T. pour « 18h/36h (mi-temps) » « de l’accord du comité » (pièce 5 du dossier de pièces de chaque partie). Monsieur V dépose des documents selon lesquels il exerçait activement cette fonction et qu’il suivait encore des formations.
Faisait encore partie du Service Interne, le sieur L, conseiller en prévention niveau III et secrétaire C.P.P.T. Ce sieur L attestera en cours de procédure judiciaire que :
« M. V a été engagé comme conseiller en prévention afin de se mettre en règle par rapport à la législation. Il fallait un CP de niveau. Cependant, étant moi-même CP
de niveau de base, j’ai continué à m’occuper de la réalisation et de la rédaction de bon nombre de documents, parfois contresignés par M. V.
- Les documents à échéance régulière: rapports mensuels/rapports annuels/plan de prévention annuels et quinquennaux/convocations C.P.P.T./ rapports des séances du C.P.P.T.
- Les documents plus volumineux : (contresignés par la suite par M. V)
analyses de risques générales, analyses de risques spécifiques/enquêtes approfondies pour les accidents de travail grave/déclarations A.T.
- Organisation des exercices d’alertes incendie Cour du travail de Liège, division Liège – 2021/AL/624 – p. 6 N° d’ordre
- Etablissement des plans généraux des implantations - Placement de la signalisation interne (évacuation – issues de secours, localisation des extincteurs...)
- En outre, je suis toujours à cette date secrétaire du C.P.P.T..
- Enfin, je suis security manager auprès du CESI »
Il n’est pas contesté que Monsieur V n’assistera pas à toutes les réunions du C.P.P.T (cfr infra)
L’A.S.B.L. produit dans son dossier de pièces des extraits des PV de son Conseil d’administration :
• « 26 09 17 (2) Mise en cause de M. V.
Nous savons que l'équipe de maintenance a effectué un gros travail au Lycée pour remédier à de nombreux défauts de ce chantier et que, de ce fait, d'autres travaux ont pris un certain retard.
Étonnement de M. D face au courriel de M. D : "réparations" de chaises (photos), problèmes électriques de l'école maternelle rue Z qui auraient dû être résolus par une firme extérieure, panne de téléphone pendant 15 jours à la rentrée, clôture dangereuse...
De ses contacts avec M. V, M. Dubois n'avait pas obtenu la même version des faits! »
• « 21 10 17 (4). Suite du C.P.P.T..
Différentes remarques s'imposent : L'équipe de maintenance est incapable de faire face à tous les besoins.
Les demandes à propos du même endroit peuvent varier selon les personnes qui s'adressent à M. V.
M. V n'a...

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