Jugement/arrêt, Cour du travail de Liège, 2022-08-30
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 30 août 2022 |
ECLI | ECLI:BE:CTLIE:2022:ARR.20220830.2 |
Docket Number | 2020/AL/334 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:CTLIE:2022:ARR.20220830.2 |
Court | Cour du travail de Liège |
N° d’ordre
Expédition Numéro du répertoire Délivrée à Pour la partie 2022 /
R.G. Trib. Trav.
le 19/1094/A € JGR
Date du prononcé
30 août 2022
Numéro du rôle
2020/AL/334
En cause de : Cour du travail de Liège LN
C/ Division Liège 1. LB SA
2. ETAT BELGE
Chambre 3 E siégeant en vacation Contradictoire
* Contrat de travail – travailleur protégé – motif grave – emploi des langues en matière judiciaire – traduction française non jointe à la notification en région de langue française d’un jugement prononcé en néerlandais – nullité absolue de la notification – non prise de cours du délai d’appel – licenciement subséquent irrégulier malgré l’admission du motif grave par le tribunal + (dans la perspective d’une éventuelle mise en cause ultérieure de la responsabilité de l’EB) date de prise d’effet de la notification – premier jour qui suit la présentation du pli judiciaire au domicile de son destinataire – sans incidence en l’espèce sur le respect du délai de licenciement car jugement déjà coulé en force de chose jugée (si sa notification avait été valable) – loi du 19 mars 1991 (articles 11, 12, 14, 16 et 17) – loi du 15 juin 1935 (art. 38 et 40, dans sa version applicable après l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 septembre 2019) – Code judiciaire (article 53bis)
Cour du travail de Liège, division Liège – 2020/AL/334 – p. 2 N° d’ordre
EN CAUSE :
Monsieur NL, partie appelante, ci-après dénommée « Monsieur L », ayant comparu par ses conseils Maître Hervé DECKERS et Maître Vincent DANAU, avocats à 4460 GRACE-HOLLOGNE, rue Saint-Exupéry 17 bte 11,
CONTRE :
1. La SA LB, partie intimée, ci-après dénommée « la SA », ayant comparu par son conseil Maître Cyriac BORLOO, avocat à 8400 OSTENDE, Stuiverstraat 242, ainsi que par Maître Annick MONSEUR,
2. L’ETAT BELGE – SERVICE PUBLIC FEDERAL JUSTICE, BCE 0308.357.753, représenté par le Ministre de la Justice, dont les bureaux sont situés à 1000 BRUXELLES, boulevard de Waterloo 115, partie appelée en déclaration d’arrêt commun, ci-après dénommée « l’EB », ayant comparu par son conseil Maître Anne BECKER, avocat à 4000 LIEGE, rue Fusch 8.
• • •
I. INDICATIONS DE PROCEDURE
1. La Cour a tenu compte des pièces figurant en forme régulière dans le dossier de la procédure à la clôture des débats et notamment des pièces suivantes :
- le jugement attaqué, rendu contradictoirement entre Monsieur L et la SA le 5 juin 2020 par le tribunal du travail de Liège, division Liège, 6e Chambre (R.G. 19/1094/A) ;
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- la requête formant appel de ce jugement et appelant l’EB en déclaration d’arrêt commun, reçue au greffe de la Cour du travail de Liège, division Liège, le 10 juillet 2020 et notifiée à la SA et à l’EB par pli judiciaire le 29 juillet 2020 ;
- l’ordonnance présidentielle rendue le 4 août 2020 en application de l’article 11 de la loi du 19 mars 1991, fixant les débats à l’audience du 4 septembre 2020 ;
- l’ordonnance rendue le 4 septembre 2020 sur base de l’article 747 du Code judicaire, fixant les plaidoiries à l’audience du 11 février 2022 ;
- l’avis du 14 février 2022, remettant l’affaire à l’audience du 24 juin 2022 ;
- les conclusions principales, deuxièmes conclusions, troisièmes conclusions –
conclusions de synthèse et quatrièmes conclusions – conclusions de synthèse de la SA, remises au greffe de la Cour respectivement les 6 novembre 2020, 7 mai 2021, 6
novembre 2021 et 14 mars 2022, et sa pièce remise le 20 juin 2022 ;
- les conclusions principales et conclusions additionnelles et de synthèse de l’EB, remises au greffe de la Cour respectivement le 5 janvier 2021 et le 1er juillet 2021 ;
- les conclusions, conclusions additionnelles valant conclusions de synthèse et secondes conclusions additionnelles valant conclusions de synthèse de Monsieur L, remises au greffe de la Cour respectivement les 2 mars 2021, 6 septembre 2021 et 7
février 2022, et ses dossiers de pièces remis les 6 septembre 2021, 7 février 2022 et 14 février 2022.
2. Les parties ont été entendues à l’audience publique du 24 juin 2022 et l’affaire a été immédiatement prise en délibéré après la clôture des débats.
II. FAITS ET ANTÉCÉDENTS PERTINENTS
3. Monsieur L est domicilié à Wanze, en région wallonne.
La SA a son siège social à Gand et dispose de sièges d’exploitation à Bruxelles et à Tongres.
4. Monsieur L est entré au service de la SA le 26 février 2015 en qualité de « collaborateur transporteur de fonds », dans un premier temps dans les liens d’un contrat de travail d’ouvrier conclu pour une durée déterminée.
A l’expiration de ce premier contrat, il a été engagé dans les liens d’un contrat à durée indéterminée.
5. Monsieur L a été élu délégué du personnel lors des élections sociales de 2016.
6. Le 13 septembre 2018, la SA a mis en œuvre la procédure prévue par les articles 4 et suivants de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les Cour du travail de Liège, division Liège – 2020/AL/334 – p. 4 N° d’ordre
délégués du personnel aux conseils d’entreprise et aux comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail, en vue de procéder au licenciement de Monsieur L
pour motif grave.
Elle a, à cet effet, saisi le tribunal du travail d’Anvers, division Tongres, en néerlandais.
Par un jugement prononcé le 19 novembre 2018, ledit tribunal a admis le motif grave invoqué par la SA.
7. Les parties s’accordent sur le fait que ce jugement a été notifié par pli judiciaire aux deux parties par le greffe le jour même de son prononcé, soit le 19 novembre 2018, sans qu’une traduction du jugement en français ne soit jointe à la notification adressée à Monsieur L.
8. Monsieur L n’a pas interjeté appel du jugement.
9. Par lettre recommandée du 5 décembre 2018, la SA a notifié à Monsieur L la rupture de son contrat pour motif grave en néerlandais.
10. Par lettre recommandée du 3 janvier 2019, Monsieur L a demandé sa réintégration sur la base de l’article 14 de la loi précitée du 19 mars 1991.
Aucune suite utile n’a été réservée à cette demande, la SA se prévalant du fait que Monsieur L avait été licencié pour motif grave reconnu par le jugement précité du 19 novembre 2018.
11. Monsieur L a introduit la présente procédure devant le tribunal du travail de Liège, division Liège, par lettre recommandée déposée à la poste le 11 avril 2019 et reçue par le greffe le 15 avril 2019, en vue d’obtenir la condamnation de la SA à lui payer les sommes provisionnelles suivantes :
- 69.893,44 € à titre d’indemnité de protection prévue par l’article 16 de la loi du 19
mars 1991,
- 34.946,72 € à titre d’indemnité de protection prévue par l’article 17 de la loi du 19
mars 1991,
le tout, sous déduction des retenues sociales et fiscales habituelles, et à majorer des intérêts calculés au taux légal à partie du 3 février 2019 jusqu’à complet paiement, de même que des dépens en ce compris l’indemnité de procédure liquidée provisionnellement à la somme de 6.000,00 €.
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12. Monsieur L faisait essentiellement valoir ce qui suit à l’appui de sa demande :
- que la notification qui lui avait été faite du jugement du 19 novembre 2018 n’était pas conforme à l’article 38 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire, en ce qu’aucune traduction française de ce jugement n’y était jointe,
- que cette notification devait donc être tenue pour nulle, conformément à l’article 40
de la même loi,
- que les délais d’appel et de notification prévus par les articles 11 et 12 de la loi du 19
mars 1991 n’avaient en conséquence jamais commencé à courir,
- et que son licenciement pour motif grave était donc irrégulier en ce qu’il serait intervenu alors que la procédure prévue par la loi du 19 mars 1991 n’était pas encore achevée et que le motif grave invoqué par la SA n’avait pas encore été valablement reconnu.
III. JUGEMENT CONTESTÉ
13. Par le jugement contesté, prononcé contradictoirement entre Monsieur L et la SA le 5
juin 2020, le Tribunal a déclaré non fondé le recours de Monsieur L, a débouté celui-ci de ses demandes et l’a condamné aux dépens liquidés dans le chef de la SA à 6.000,00 € correspondant à l’indemnité de procédure de base.
Ce jugement est essentiellement motivé comme suit :
« Il ne peut être contesté que la [SA] était totalement ignorante du contenu de la notification faite à [Monsieur L], celle-ci étant réalisée par le Tribunal du travail.
C’est dès lors conformément à la procédure visée aux articles 4 et suivants de la loi du 19
mars 1991 que la [SA] a notifié à [Monsieur L] la rupture du contrat pour faute grave le 5
décembre 2018.
[Monsieur L] fait le reproche d’avoir perdu la possibilité de faire appel du jugement et dès lors une chance de voir éventuellement la décision réformée.
Le Tribunal considère que la question de l’obligation d’annexer une traduction du jugement en français de même que les conséquences en cas de non-respect éventuel doit se débattre entre [Monsieur L] et l’[EB], à l’origine de la problématique.
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La [SA] ne peut être tenue pour responsable des éventuels erreurs et manquements du Tribunal du travail d’Anvers, division Tongres ».
IV. APPEL ET DEMANDES DES PARTIES EN DEGRÉ D’APPEL
IV.1. L’appel et les demandes de Monsieur L
14. Monsieur L a interjeté appel du jugement prononcé le 5 juin 2020 par une requête du 10 juillet 2020.
Par cette même requête, il a par ailleurs appelé l’EB en déclaration d’arrêt commun.
15. Aux termes de ses dernières conclusions d’appel, Monsieur L demande à la Cour de réformer le jugement dont appel, de déclarer fondées ses demandes originaires (cf. ci-
dessus, sous le point 11. du présent arrêt), de déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’EB et de condamner la SA aux dépens, liquidés dans son chef à la somme totale de 12.020,00 € (20,00 € à titre de contribution au fonds d’aide juridique + 2 x...
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