Jugement/arrêt, Cour du travail de Liège, 2020-08-18

JurisdictionBélgica
Judgment Date18 août 2020
ECLIECLI:BE:CTLIE:2020:ARR.20200818.1
Docket Number2019/AL/302
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CTLIE:2020:ARR.20200818.1
CourtCour du travail de Liège

Numéro du répertoire

2020 /

R.G. Trib. Trav.

17/1278/A

Date du prononcé

18 août 2020

Numéro du rôle

2019/AL/302

En cause de :

LA VILLE DE SERAING

C/

DM

Cour du travail de Liège

Division Liège

Chambre 3 E siégeant en vacation

Arrêt

Contradictoire

Définitif

+ Sécurité sociale - accident du travail - preuve des séquelles - détective privé - obligations du détective - obligation d'information - loi du 19/07/1991 et loi du 8/12/1992, art 9 - droit à un procès équitable

EN CAUSE :

LA VILLE DE SERAING, représentée par son Collège communal dont les bureaux sont établis à 4100 SERAING, place communale 1, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0207.347.002,

LA SA ETHIAS, dont le siège social est établi à 4000 LIEGE, rue des Croisiers 24, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0404.484.654,

parties appelantes, ci-après respectivement dénommées « l'employeur » et « l'assurance »,

ayant toutes deux pour conseil Maître Jean-Louis GILISSEN, avocat à 4100 SERAING, rue C. Trouillet 47, et ayant comparu par Maître Nicolas LEUTHER,

CONTRE :

Madame MD, RRN , domiciliée à ,

partie intimée, ci-après dénommée « Madame D. »,

ayant pour conseil Maître Jean-Pol DOUNY, avocat à 4000 LIEGE, rue Louvrex 28 et ayant comparu par Maître Arijana CELIK.

• •

INDICATIONS DE PROCÉDURE

Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 5 juin 2020, et notamment :

- le jugement attaqué, rendu contradictoirement entre parties le 24 avril 2019 par le tribunal du travail de Liège, division Liège, 3e Chambre (R.G. 17/1278/A) ;

- la requête formant appel de ce jugement, reçue au greffe de la Cour du travail de Liège, division Liège, le 24 mai 2019 et notifiée à la partie intimée par pli judiciaire le 27 mai 2019, invitant les parties à comparaître à l'audience publique du 26 juin 2019 ;

- l'ordonnance rendue le 27 juin 2019 sur pied de l'article 747 du Code judiciaire fixant les plaidoiries à l'audience publique du 10 janvier 2020 ;

- les avis de remise des 14 janvier 2020 et 11 mai 2020, fixant les plaidoiries respectivement à l'audience du 8 mai 2020 puis à celle du 5 juin 2020 ;

- les conclusions, conclusions additionnelles et de synthèse de Madame D., remises au greffe de la cour respectivement les 30 août 2019 et 29 novembre 2019 ;

- les conclusions d'appel et conclusions additionnelles d'appel des parties appelantes, remises au greffe de la cour respectivement les 11 octobre 2019 et 17 février 2020 ;

- le dossier de pièces des parties appelantes remis le 4 juin 2020 (DPA-deposit) et déposé à l'audience du 5 juin 2020 ;

- l'ordonnance présidentielle du 20 avril 2020 pour situation de force majeure liée à la pandémie en cours, relative aux fixations et aux audiences.

Les parties ont plaidé lors de l'audience publique du 5 juin 2020 et la cause a été prise en délibéré immédiatement pour qu'un arrêt soit rendu le 18 août 2020.

I. ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE

Madame D. a été victime d'un accident de travail le 5 octobre 2012.

Par requête déposée au greffe du tribunal du travail de Liège, division Liège, le 1er mars 2017, Madame D. contestait la décision de son employeur de consolider son cas sans incapacité permanente. Elle contestait également les périodes d'incapacité temporaire totale.

Son employeur avait reconnu l'accident comme accident du travail ayant entraîné des incapacités temporaires totales du 5 octobre 2012 au 30 avril 2013 et du 27 janvier 2014 au 31 décembre 2014. Madame D. avait sollicité une expertise.

Par requête du 15 mai 2017, l'assurance sollicitait intervenir volontairement afin de pouvoir soumettre tous les éléments médicaux, prises de vues ainsi que sa position.

Par jugement du 24 avril 2019, le tribunal du travail recevait les demandes et écartait des débats le rapport des détectives privés et la clé USB déposés par l'employeur et la compagnie d'assurances. En effet, le tribunal a considéré que la législation relative à la profession de détective privé n'avait pas été respectée et que par conséquent la violation des droits de Madame D. frappait d'illégalité la production au débat des moyens de preuve dont l'administration communale et l'assurance entendaient se prévaloir. Le tribunal enjoignait aux parties défenderesses de ne plus en faire état dans le cadre de la procédure et avant dire droit, désignait le docteur Boxho en qualité d'expert.

II. OBJET DE L'APPEL

Par requête déposée au greffe de la Cour du travail, division Liège le 24 mai 2019, l'employeur et l'assureur interjetaient appel du jugement en ce que les premiers juges avaient ordonné l'écartement du rapport des détectives privés et de la clé USB.

Ces parties sollicitent la réformation du jugement et demandent à la Cour de les autoriser à transmettre à l'expert judiciaire l'ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l'observation de Madame D., en ce compris les enregistrements disponibles sur la clé USB.

Par conclusions du 29 novembre 2019 , Madame D. a introduit une demande reconventionnelle en vue d'obtenir une indemnité pour appel téméraire et vexatoire de 3 000 euro .

III. LES FAITS

Madame D. a été victime d'un accident travail le 5 octobre 2012 alors qu'elle travaillait à la crèche « Les Bouvreuils ». Elle a eu la main gauche coincée dans un presse-purée pendant qu'elle faisait la vaisselle.

Les premiers soins ont été donnés à l'hôpital du Bois de l'abbaye. Le bilan lésionnel consiste en une luxation interphalangienne de l'annulaire et du majeur gauche avec rupture de la plaque palmaire et atteinte ligamentaire. La situation s'est toutefois compliquée d'une algoneurodystrophie.

Vingt-deux mois plus tard, Madame D. a développé des douleurs au niveau de l'épaule gauche qui ont justifié une infiltration intra-articulaire, sans lésion spécifique sinon une cocontraction au niveau des fléchisseurs et extenseurs des doigts.

Dans le courant de l'année 2015, Madame D. a présenté des problèmes de colonne cervicale qui n'ont pas permis l'objectivation d'une pathologie bien précise, à l'exception d'une protrusion cervicale en C6-C7. Madame se plaignait en outre de lancements dans l'ensemble de la main et des doigts gauches, des douleurs et des lancements au niveau de la face antérieure du bras et de l'avant-bras gauche semblables à des décharges électriques.

En date du 29 septembre 2015, l'assurance adressait un courrier à Madame D. libellé comme suit :

« Nous revenons votre dossier « accident travail ».

Nous notons que vous contestez notre décision.

Nous portons toutefois à votre connaissance que, dans le respect de la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession des détectives privés, vous avez fait l'objet à notre demande d'une procédure d'observation et de collecte de prises de vue, et ce afin de nous permettre de statuer en toute connaissance de cause sur les conséquences de votre accident travail.

Il ressort un certain nombre de constatations qui contredisent formellement vos allégations.

Ces pièces seront déposées en cas de procédure judiciaire et feront l'objet d'un débat contradictoire. Le responsable destinataire du traitement de ces données est (...)

Conformément à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, vous avez le droit d'accéder à ses données et d'en obtenir la rectification ».

IV. POSITION DES PARTIES

L'employeur et la compagnie d'assurances estiment que Madame D. a simulé afin de faire croire à des conséquences médicales plus importantes que celles qui ont été reconnues par des organismes compétents. Elles estiment que le recours à un détective privé s'est fait conformément à la loi du 8 décembre 1992 sur la protection de la vie privée :

- les constatations ont été faites dans des espaces publics de sorte que n'importe qui aurait pu voir les allées et venues de Madame D. et celles de son entourage sans manœuvre particulière ;

- les détectives disposent des autorisations ministérielles adéquates ;

- une mission d'enquête leur avait été adressée en date du 29 avril 2015 concernant l'attitude générale de Madame D., la manière dont elle se déplace, les moyens utilisés pour se déplacer et son emploi du temps lors des observations de sorte qu'il ne s'agit pas de données relatives à la santé de Madame D. ;

- Madame a été avisée de la procédure de surveillance bien avant l'introduction de la procédure judiciaire ; à l'époque des faits, l'article 9, §, 2 de la loi n'imposait pas que la personne suivie soit informée de la procédure d'observation au plus tard au moment de la rédaction du rapport du détective privé ;

- Madame D. n'a formulé aucune remarque suite à l'information qui lui a été réservée le 29 septembre 2015.

À titre subsidiaire, elles invoquent l'application de la jurisprudence « Antigone ». Elles rappellent que les juridictions de fond admettent que les prescrits de la jurisprudence Antigone trouvent à s'appliquer dans d'autres domaines que le droit pénal. En l'espèce, il y a lieu d'admettre la production du rapport du détective tenant compte du fait que les règles ne sont pas sanctionnées de nullité, le mode de collecte n'entraîne aucune perte de fiabilité, l'ensemble des éléments a fait l'objet d'un débat contradictoire garantissant un procès équitable, la demande des parties appelantes se limitant à solliciter que ces éléments soient soumis à l'expert judiciaire.

Concernant la demande reconventionnelle de Madame...

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