Jugement/arrêt, Cour du Travail de Liège, 2020-11-12

Judgment Date12 novembre 2020
ECLIECLI:BE:CTLIE:2020:ARR.20201112.7
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CTLIE:2020:ARR.20201112.7
CourtCour du Travail de Liège
Docket Number2018/AL/385

Numéro du répertoire

2020 /

R.G. Trib. Trav.

17/3249/A

Date du prononcé

12 novembre 2020

Numéro du rôle

2018/AL/385

En cause de :

FEDERATION WALLONIE - BRUXELLES

C/

P C

Cour du travail de Liège

Division Liège

CHAMBRE 2-D

Arrêt

DROIT DU TRAVAIL - violence et harcèl. moral ou sexuel au travail

Arrêt contradictoire

Définitif

+ contrat de travail - harcèlement et violence au travail - prescription - action civile basée sur une infraction pénale - charge de la preuve - le partage de la preuve prévu par l'article 32undecies de la loi du 4.8.1996 ne s'applique pas aux procédures pénales - devant les juridictions du travail, lorsqu'une action est fondée sur une infraction à la loi pénale, ce sont les règles de la preuve en matière répressive qui sont applicables - le partage de la preuve ne s'applique ainsi pas si devant la cour du travail une base délictuelle est donnée à l'action - article 32undecies de la loi du 4.8.1996

EN CAUSE :

La FEDERATION WALLONIE - BRUXELLES, dont le siège social est établi à 1080 BRUXELLES, Boulevard Leopold II, 44,

partie appelante,

ayant comparu par son conseil, Maître Véronique MARTIN, avocat à 4800 VERVIERS, Place Albert Ier, 8

CONTRE :

Madame C P, domiciliée à,

partie intimée,

ayant pour conseil Maître Jean-Philippe BRUYERE, avocat à 4020 LIEGE, Quai des Ardennes, 7

et ayant comparu personnellement, assistée par son conseil,

• •

INDICATIONS DE PROCEDURE

Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 8 octobre 2020, et notamment :

- l'arrêt interlocutoire rendu le 13.6.2019 par la cour de céans autrement composée, ordonnant le renvoi de l'affaire au rôle particulier, et toutes les pièces y visées ;

- les conclusions et conclusions de synthèse de la partie intimée, reçues au greffe de la Cour respectivement les 21.11.2019 et 25.5.2020 ;

- l'ordonnance rendue le 12.3.2020, sur pied de l'article 747 du Code judiciaire, fixant les plaidoiries à l'audience publique du 8.10.2020 ;

- les conclusions de la partie appelante, reçues au greffe de la Cour le 8.5.2020 et reçues à nouveau le 27.5.2020 ;

- le dossier de pièces de la partie appelante, déposé à l'audience publique du 8.10.2020 ;

Les conseils des parties ont plaidé lors de l'audience publique du 8.10.2020.

Matthieu Simon, substitut de l'auditeur du travail de Liège, faisant fonction d'avocat général par ordonnance du Procureur général du 8 octobre 2019, a donné son avis oralement, après la clôture des débats, à l'audience publique du 8.10.2020.

Aucune des parties présentes n'a répliqué à cet avis.

La cause a été prise en délibéré lors de la même audience.

I.- ANTÉCÉDENTS PERTINENTS

L'intimée a été engagée par l'appelante le 1.12.2007 pour exercer une fonction éducative et pédagogique en régime ouvert au sein de l'Institution publique de Protection de la Jeunesse de FRAIPONT.

Son collègue de travail, devenu son chef, était un sieur E.M.

Du « compte rendu de l'entretien de (l'intimée) et E.M. du 25.5.2010 » en présence de 5 autres membres de la direction, il résulte que le sieur E.M. était intéressé à nouer une relation avec l'intimée alors que cette dernière n'était pas intéressée sans pour autant le lui dire ou le montrer clairement mais en le fréquentant parfois à l'extérieur de l'institution et en allant jusqu'à prendre elle-même l'initiative (l'inviter d'aller boire un verre, lui montrer des bleus sur les jambes et au niveau de la poitrine, lui téléphoner du Canada), sur insistance de E.M, selon elle. L'intimée est allée voir à Bruxelles une personne de confiance mais aucun document n'est produit à ce sujet. Depuis que le sieur E.M. est devenu son chef et, depuis 3-4 mois, les choses se sont améliorées selon l'intimée. Le sieur E.M. a fait une note sur la mauvaise qualité de travail de l'intimée (note non produite au dossier mais il n'est pas contesté qu'y sont mentionnés entre autres : passer trop de temps au service administratif, trainer, manque d'implication, mauvaise gestion de temps) que les membres de la direction présents semblent avoir trouvée justifiée. Suite à la note, l'intimée est allée trouver la directrice pour se plaindre de 3 ans d'harcèlement « pas sexuel, moral » (page 6 du compte rendu) de la part du sieur E.M., et pour demander sa mutation, ce qui a engendré la réunion. Elle expose avoir souffert.

La directrice, Madame H., s'excusera par la suite de la tournure qu'avait pris cet entretien.

L'intimée ne dépose aucune plainte pour harcèlement à l'encontre du sieur E.M.

Le 18.10.2010, la directrice rédige la note négative suivante à l'attention de l'intimée (signée pour réception) :

« Ce jeudi 14 octobre 2010, jour du « Refresh day », alors que je me rends vers la salle des fêtes où se déroule un repas spaghetti pour les jeunes et le personnel, je croise (l'intimée) et lui demande si elle va bien... Elle me répond un oui de convenance, en totale contradiction avec la mine qu'elle affiche. Je lui renvoie donc qu'elle n'a pas l'air d'aller bien, qu'elle «tire vraiment une drôle de tête ». Elle me rétorque alors, glaciale : «Vous le savez bien, mais ça ne sert à rien de vous le répéter, vous savez ce que je vis en section, vous savez mes attentes et vous ne faites rien... Par contre, ce qui me va loin, c'est que vous trouvez que c'est inhumain de faire redescendre I. en section...mais moi, vous ne trouvez pas que c'est inhumain ce que je vis ! » A cela, je rétorque (il faut savoir que I. a été écartée des sections parce qu'elle souffrait d'un cancer et qu'à son retour nous l'avons orientée vers un service de formation où sans être de loin une tâche moins difficile, elle bénéf‌icie d'horaires réguliers et a dans un premier temps pu reprendre dans ce secteur là une activité à mi-temps, compatible avec sa situation médicale) « donc, tu trouves que c'est ta situation qui est plus importante ? » (L'intimée) dit que ce n'est pas cela qu'elle veut dire.

Cet incident met en évidence une attitude peu respectueuse, dans son ton et dans son attitude, de (l'intimée) à l'égard de la hiérarchie, une incapacité à se décentrer de sa propre situation et son souhait de voir les choses se dérouler comme elle l'envisage, considérant sa seule personne. Cette comparaison entre sa situation (un problème de « harcèlement » de la part d'un éducateur dont elle nous informe très longtemps après les dits faits, faits niés par l'éducateur devenu entretemps chef de section) et la situation d'une collègue ayant souffert d'un cancer me paraît totalement inadéquate voire choquante, témoignant d'une absence totale d'empathie.

A cela, il convient d'ajouter que (l'intimée) ne sait pas tenir compte de la situation globale institutionnelle. Elle est en effet au courant par le biais au minimum de son délégué syndical (car cela lui a été dit aussi par la direction de vive voix) qu'il n'est pas possible d'envisager son déplacement vers une autre section. En effet, il est hors de question de briser une équipe d'éducatrices existante et de surcroît performante, pour l'y mettre. Imaginer que cela doit être la solution à son problème témoigne à nouveau d'une revendication égoïste et d'une indifférence à autrui. Cette position bien qu'elle lui ait été expliquée par son délégué syndical n'a manifestement pas été comprise par (l'intimée) puisque celle-ci, s'est plainte auprès d'un agent lequel, au vu de la version donnée, a interpellé le délégué syndical, lui reprochant de ne pas agir par rapport à cette situation. Ce qui était faux.

Sans entrer dans les détails qui nous amènerait à faire le bilan des demandes faites à (l'intimée) lors de la gestion de l'incident « harcèlement », je me limiterai à conclure que les éléments mis en exergue par cette note m'amènent à m'inquiéter de l'attitude de (l'intimée) si elle reproduit cette conduite centrée sur elle-même, sur ses propres exigences sans se soucier ni des besoins de ses collègues ni les, besoins institutionnels. »

L'intimée répond le 6.11.2010 comme suit :

« Cet écrit fait suite à la note négative du 18.10.10 de Madame la Directrice (Madame H.). Je tiens à m'expliquer sur ce bref échange eu ce 14.10.10 car je pense qu'une incompréhension est à l'origine de cette situation peu confortable.

J'imagine que le cheminement qui m'a mené à avoir une attitude perçue comme glaciale par Madame H. est directement lié au malaise que je ressens suite au problème d'harcèlement évoqué dans cette note.

Il faut savoir que ce problème d'harcèlement n'a pas été le fruit de quelques moments ponctuels, il s'agit d'une situation récurrente qui s'est étalé sur un peu plus de deux ans. A l'heure actuelle, l'ambiance au côté de ce collègue nommé E.M. (de qui j'ai pu me sentir victime et devenu entre-temps mon chef direct de section), est des plus délicate et particulière.

J'ai effectivement informé la direction quelques temps après ces faits car, il m'était très difficile et pénible d'évoquer cette situation (et cela l'est toujours. . .). Je ne me sentais pas à l'aise avec ma façon de gérer cette « relation humaine/professionnelle », je sentais que les choses allaient trop loin. De plus, à cette époque, E.M était mon collègue direct, donc mon égal (sans réel « pouvoir » sur moi).

Quelques temps après sa promotion au grade de chef de section, E. me soumet un écrit plutôt négatif sur mon travail (alors que quelques temps auparavant, j'ai pu souvent l'entendre parler de mon «bon » travail.. .). Je la ressens comme faisant suite à cette situation de harcèlement et en réaction aux frustrations rencontrées par le passé, je n'ai jamais entrevu le bienfondé de cet écrit.

A ce moment, j'introduis une demande officielle de changement de section par le biais d'une lettre de motivation que je remets personnellement à la direction en leur faisant part que je me tiens à leurs dispositions pour d'éventuelles questions. Je perçois beaucoup de questionnement et d'incompréhension face à cette demande, ce qui me pousse, dans un souci...

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