Jugement/arrêt, Cour d'Appel de Bruxelles, 2023-03-30
Judgment Date | 30 mars 2023 |
ECLI | ECLI:BE:CABRL:2023:ARR.20230330.1 |
Court | Cour d'Appel de Bruxelles |
Docket Number | 2019/AR/1757 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:CABRL:2023:ARR.20230330.1 |
EN CAUSE DE :
Monsieur M. C.,
partie appelante,
représentée par Me Mathieu PATERNOSTER, avocat dont le cabinet est établi à 1050
BRUXELLES, avenue Louise 222 bte 9,
CONTRE :
Monsieur J.-M. B.,et Madame C. P. ,
parties intimées,
représentées par Me Jean-Nicolas PARDON, avocat dont le cabinet est établi à 1170
WATERMAEL-BOITSFORT, chaussée de La Hulpe 187,
Monsieur J.-N. B., avocat dont le cabinet est établi à 1410 WATERLOO, chaussée de Louvain, 241, agissant en qualité de curateur de la SRL L. Construct, déclarée en faillite depuis le 18 avril 2011,
partie intimée,
représentée par Me Anne-Sophie MAROTTA, avocat dont le cabinet est établi à 1310 LA HULPE, Chaussée de Bruxelles, 135 A ;
Monsieur J.-P. L.
partie intimée,
qui ne comparait pas et n’est pas représentée ;
La cour a entendu le conseil des parties C., B.-P. et B. qq en leurs dires et moyens à l’audience publique du 23 mars 2023 à laquelle M. L., quoique régulièrement convoqué, n’était pas présent, ni représenté. La cause ayant été fixée sur pied de l’article 747 du Code judiciaire, le présent arrêt sera toutefois prononcé contradictoirement à son encontre par application de l’article 747, §4 du même code.
Vu les pièces de la procédure, et notamment :
- le jugement dont appel, prononcé contradictoirement par le tribunal de première instance du Brabant wallon le 2 octobre 2019, dont aucun acte de signification n’est produit ;
- la requête d’appel déposée au greffe de la cour le 27 novembre 2019 pour M. C., ancien notaire ;
- l’ordonnance prise sur pied de l’article 747, §2, du Code judiciaire, du 28 mai 2020;
- l'ordonnance prise sur pied de l'article 109bis du Code judiciaire le 7 mars 2023
attribuant la cause à une chambre composée de trois conseillers ;
- les conclusions de synthèse déposées au greffe de la cour le 15 janvier 2021 pour M.
C. et le 12 février 2021 pour M. B. et Mme P. ;
- les dossiers de pièces des parties.
I. Les faits
1.
Par un acte sous seing privé du 9 juillet 2008, M. B. et Mme P. ont acheté à :
- la SRL Immo Dream Invest un terrain situé à 1400 Nivelles, rue Henri Pauwels pour le prix de 200.000 €, - L. Construct des constructions à ériger (soit un immeuble à 3 appartements) sur ce terrain pour le prix de 325.000 € HTVA1.
2.
Le 27 octobre 2008, l'acte authentique a été passé devant le Notaire C. sous le régime de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction (ci-après, la loi Breyne). Cet acte reprenait le texte des articles 7 et 12 de la loi Breyne et précisait :
1
Bien qu’il résulte de l’audition de M. L. par les services de police que la société Veribouw avait remis prix à L.
Construct pour un montant de 448.000 € HTVA pour la construction.
« Conformément à la loi du neuf juillet mil neuf cent septante et un, modifiée par la loi du trois mai mil-neuf cent nonante-trois et l’Arrêté Royal du vingt et un septembre mil neuf cent nonante-trois, le vendeur sub 2 [soit L. Construct] nous a produit pour être jointe au présent acte, une copie de la convention délivrée le vingt août deux mil huit par ING Belgique, au bénéfice de l’acquéreur. Celui-ci déclare avoir pris connaissance de cette garantie d‘achèvement et en accepter les modalités ».
3.
L. Construct a ensuite facturé les montants suivants à M. B. et Mme P. :
- 78.650 € le 27 octobre 2008, - 58.987,50 € le 8 juin 2009, - 58.987,50 € le 8 juillet 2009.
4.
Les travaux ont été confiés à la société Veribouw, qui a émis les factures suivantes (restées impayées) :
- facture du 15 décembre 2008 de 11.200 €, - facture du 19 juin 2009 de 56.147,53 €, - facture du 18 aout 2009 de 36.478 €.
5.
Par un courrier du 1er septembre 2009, M. B. a fait part à M. L. de son inquiétude quant aux retards accumulés sur le chantier.
6.
Le 2 septembre 2009, Veribouw a proposé à L. Construct un dernier délai jusqu’au 4
septembre pour le paiement de ses factures2.
7.
Le 14 septembre 2009, M. B. s’est adressé à ING pour demander comment il pouvait faire appel à l’acte de caution (qu’il joignait en annexe).
Le même jour, ING a informé M. B. qu'elle n'avait pas émis de garantie d'achèvement relative aux travaux entrepris par L. Construct pour l’adresse indiquée.
8.
2
Ces factures n’ayant pas été payées, Veribouw a cité L. Construct devant le tribunal de commerce de Nivelles le 3 décembre 2009. Par deux jugements des 7 et 28 janvier 2010, L. Construct a été condamnée à payer des montants provisionnels de 100.000 € et 40.580,91 €.
Par un courrier du 18 septembre 2009, le précédent conseil de M. B. et Mme P. a pris contact avec L. Construct pour essayer de fixer une réunion afin de trouver une solution. Aucune suite n’a été réservée à ce courrier.
9.
Le 29 septembre 2009, l'architecte W., consulté par M. B. et Mme P., a établi une estimation du coût des travaux de gros-œuvre et de parachèvement à 614.317,97 € TVAC.
10.
Par un courrier du 1er octobre 2009, le précédent conseil de M. B. et Mme P. a reproché à L.
Construct d’avoir manifestement sous-estimé la valeur des travaux et d’avoir établi un faux acte de caution. Il concluait : « De ce fait, mes clients s’estiment dès à présent déliés de tout lien contractuel à votre égard, en manière telle qu’ils vont reprendre personnellement l’initiative de poursuivre les constructions à leur seul et entier bénéfice ». Le même jour, il a écrit à M. L. afin de lui faire part du fait que sa responsabilité pénale était en cause.
11.
Par un courrier du 7 octobre 2009, le précédent conseil de M. B. et Mme P. a écrit au notaire C. afin de lui faire grief de n’avoir pas relevé que l’acte de caution précité était un faux, malgré le fait qu’il ne répondait pas au prescrit légal.
Me C. a répondu en faisant part de son étonnement. Plusieurs échanges ont suivi entre ces parties.
12.
A défaut d’explication jugée convaincante, M. B. et Mme P. ont introduit la présente procédure le 15 décembre 2009.
13.
Les travaux de Veribouw se sont poursuivis, M. B. reprenant le rôle de maître de l’ouvrage.
14.
L. Construct a été déclarée en faillite le 18 avril 2011 et Me Bastenière a été désigné curateur.
15.
En parallèle, une instruction pénale a été ouverte à l’encontre de M. L. et de L. Construct. A
cette occasion, Me C. a été auditionné le 16 septembre 2011. Il a déclaré qu’il avait reçu une copie de l’acte litigieux de M. L. et admis qu’il n’avait « pas procédé à des vérifications complémentaires », vu qu’il avait déjà traité avec M. L. dans ce secteur et que le document lui « paraissait être régulier ». Sur interpellation, il a reconnu qu’en principe il lui appartenait de demander un original mais qu’ici il avait travaillé « en confiance avec un client de longue date ». En ce qui concerne l’absence de cachet portant la date de la signature, il a indiqué qu’il ne l’avait pas remarquée à l’époque mais que : « Par contre la signature en croix m’avait interpelé sans plus ». Il reconnaissait enfin qu’il lui revenait de vérifier qu’il y avait constitution d’une caution et que, pour lui, cela devait être en l’espèce « une caution à 100 % », la société de M. L. n’étant pas enregistrée.
16.
Par un jugement prononcé le 5 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné par défaut M. L. à un emprisonnement d’un an et une amende de 1.000 € pour faux et usage de faux. Selon le tribunal correctionnel :
« Est argué de faux, le document joint à l’acte de vente censé établir l’existence d’une garantie accordée par la banque ING à la société L., dans le cadre de la loi Breyne. Ce document porte la date du 20 août 2008.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que ce document est un faux. L’enquête, notamment auprès des employées de la banque ING démontre de manière incontestable que cette pièce a été fabriquée à partir d’un document, parfaitement valable, lui, qui avait été établi le 19 juillet 2005 dans le cadre d’un autre dossier de la SPRL L..
Ainsi, Mesdames L. S. et N. P., qui reconnaissent formellement leurs signatures respectives dans l’acte du 19 juillet 2005, contestent par contre avoir signé le document du 20 août 2008.
Elles ne faisaient d’ailleurs plus partie du service concerné. Ce que confirme d’ailleurs Madame T., juriste chez ING.
D’autre part, le document d’août 2008 porte le même numéro que celui de 2005 alors que, toujours selon Madame R., et fort logiquement, cela n’est pas possible.
Il ressort enfin des recherches effectuées auprès de la Caisse des dépôts et consignation, censée également avoir signé le document argué de faux, que le n° qui y figure (18/3655) ne correspond à rien, alors qu’au contraire le n° 15/3055 qui figure sur le document de 2005 fait apparaître ce dernier dans les fichiers. Il est d’autre part anormal que sous la signature du fonctionnaire délégué, n’apparaisse pas de date, alors que c’est le cas dans l’acte de 2005 ».
II. La procédure
17.
L’action principale originaire, mue par citation du 15 décembre 2009 par M. B. et Mme P. et telle que modifiée par voie de conclusions, tendait à :
- à titre principal, dire pour droit que la convention de vente du 27 octobre 2008 était résolue en raison des divers manquements de L. Construct, - à titre subsidiaire, dire pour droit que M. C. et L. Construct s’étaient rendus coupables de fautes précontractuelles, - en tout état de cause, entendre condamner in solidum, l’un à défaut de l’autre, M. C.
et L. Construct au paiement de 329.376,28 € répartis comme suit, à augmenter des intérêts de retard au taux légal à dater du 2 octobre 2009 et des intérêts judiciaires jusqu’à parfait paiement :
o 323.056,28 € TVAC correspondant à la différence entre le montant prévu par L.
Construct et le prix réellement payé par M. B. et Mme P., o 6.230 € correspondant aux frais d’actes de constitution d’un prêt supplémentaire, - entendre condamner solidairement et, in solidum, l’un à défaut de l’autre M. C. et L.
Construct au paiement de 79.291,69 € correspondant à la capitalisation des intérêts de retard arrêtés au 15 mai 2016 et les intérêts judiciaires...
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