Jugement/arrêt, Cour d'Appel de Liège, 2022-02-23

Judgment Date23 février 2022
ECLIECLI:BE:CALIE:2022:ARR.20220223.1
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CALIE:2022:ARR.20220223.1
CourtCour d'Appel de Liège
Docket Number2020/RG/965

Numéro d’ordre :
Cour d’appel
Liège
Date du prononcé :

Arrêt du 23-02-2022
Arrêt
Numéro du rôle :

2020/RG/965 de la TROISIÈME C chambre civile
Numéro du répertoire : Expédition(s) délivrée(s) à :
Huissier : Huissier : Huissier :
2022/
Avocat : Avocat : Avocat :

Partie : Partie : Partie :

Liège, le Liège, le Liège, le
Coût : Coût : Coût :
CIV : CIV : CIV :

A destination du Receveur :
Présenté le

Non enregistrable
Cour d’appel de Liège, 3c Ch., 23-02-
2022

2020/RG/965 - D. N./C. C./S. S E.

EN CAUSE DE :

1. D. N. ,,
partie appelante,

représentée par Maître LESCEUX Albert, avocat à 6900 MARCHE-EN-FAMENNE,
Avenue de la Toison d'Or 27.

2. C. C. ,,
partie appelante,

représentée par Maître LESCEUX Albert, avocat à 6900 MARCHE-EN-FAMENNE,
Avenue de la Toison d'Or 27.

CONTRE :

S. E. ,
partie intimée,

représentée par Maître MAIRESSE Pierre, avocat à 1380 LASNE, Chaussée de
Louvain 431 F.

__________________________

Vu les feuilles d’audiences des 06/01/2021, 27/10/2021, 01/12/2021,
19/01/2022 et de ce jour.

__________________________

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
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2020/RG/965 - D. N./C. C./S. S E.

Vu la requête du 13/11/2020 par laquelle N. D. et C. C. interjettent appel du
jugement prononcé le 22/10/2020 par le tribunal de première instance du
Luxembourg, division Marche-en-Famenne, et intiment E. S. .

Vu la demande incidente formée par E. S. par voie de conclusions.

Vu la demande incidente formée par les consorts D. -C. par voie de conclusions.

Vu les conclusions et les dossiers des parties.

Antécédents et objet de l’appel

Les faits de la cause et l’objet des demandes peuvent être résumés et précisés
comme suit.

1.
Par acte authentique de donation du 29/6/2004 passé devant le notaire Y. S.,
transcrit le 12/11/2004 au bureau des hypothèques de Bruxelles, E. S. a reçu en
donation de U. de P. (sa mère) différentes parcelles de terrain, dont deux parcelles
situées au lieu-dit « » cadastrées commune de Harre1, 3e division, section A, n°2.

U. de P. était propriétaire de ces parcelles pour les avoir acquises d’A. V. par
acte authentique du 7/9/1974 passé devant le notaire M. B.3.

2.
En 2006 monsieur S. s’adresse au géomètre B. P. (SPRL C.A.R.T.) qui établit un
rapport d’évaluation de ces parcelles, notamment4.

En 2015, monsieur S. demande à ce bureau d’études une actualisation de cette
évaluation et monsieur P. rédige un rapport le 3/7/20155.

3.
E. S. décide de mettre en vente plusieurs parcelles à Manhay dont les parcelles
...c et .../2 par l’intermédiaire de B. P., géomètre-expert immobilier, lequel place
une pancarte à vendre sur le terrain.

1
Actuellement commune de Manhay (Harre).
2
Pièce 1 du dossier de l’intimé.
3
Pièce 2 du dossier de l’intimé.
4
Pièce 4 du dossier de l’intimé.
5
Pièce 5 du dossier de l’intimé.

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2020/RG/965 - D. N./C. C./S. S E.

Par lettre du 20/9/2017 adressée au géomètre-expert immobilier P., le conseil de
N. D. écrit que son client revendique la propriété par usucapion des parcelles
mises en vente, son client les exploitant depuis 1971, soit depuis plus de trente
ans6.

Le notaire d’E. S. , Maître D., répond par un courrier circonstancié du 5/10/2017
que son client conteste la revendication de monsieur D. . Il précise qu’E. S. est
propriétaire de ces parcelles par titre mais qu’il ne s’oppose pas à la vente des
parcelles à N. D. s’il souhaite faire offre.

Par lettre du 31/5/2018, le notaire D. écrit au conseil de monsieur D. que son
courrier du 5/10/2017 étant resté sans suite, il en conclut que monsieur D. ne veut
pas faire d’offre d’achat et il l’informe de l’intention de monsieur S. de relancer la
procédure de mise en vente des parcelles7.

Dans un courrier adressé à monsieur S. le 10/5/20198, le notaire D. écrit que le
géomètre-expert immobilier P. lui a transmis une offre d’achat pour l’ensemble C,
soit les parcelles litigieuses, mais qu’en entamant des démarches, il est apparu que
ces terres ne figuraient plus à son nom au cadastre. Des recherches ont révélé que
le 18/10/2018, N. D. et son épouse C. C. ont déposé une déclaration unilatérale
par laquelle ils se déclarent propriétaires par usucapion trentenaire des parcelles
litigieuses. Cette déclaration9 est enregistrée au Bureau de Sécurité Juridique de
Marche-en-Famenne le 24/10/2018. Au bas de ce document, il est précisé par une
mention manuscrite : « Titre au nom de S. E. (13/7/2004) suivant acte de donation
Me S. à Court st E. le 26/06/2004 ». Le notaire D. écrit qu’afin de garantir les
acquéreurs contre tous troubles de jouissance, il conseille à E. S. d’entamer une
action en justice pour faire valoir ses droits.

Le 27/5/2019, E. S. conclut un acte sous seing privé de vente des parcelles
litigieuses avec les consorts V.-B., sous la condition suspensive qu’un jugement
(définitif) soit prononcé en faveur du vendeur dans un délai de six mois (les parties
pouvant proroger ce délai)10.

4.
E. S. lance citation le 3/2/2020 contre N. D. et C. C. afin qu’il soit dit pour droit
qu’il est seul propriétaire des parcelles cadastrées commune de Harre, 3e division,
section A, n° ...c et .../2 et que les défendeurs soient condamnés aux dépens.

6
Pièce 6 du dossier de l’intimé.
7
Pièces 7-8 du dossier de l’intimé.
8
Pièce 9 du dossier de l’intimé.
9
Pièce 30 du dossier des appelants.
10
Pièce 10 du dossier de l’intimé.

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2020/RG/965 - D. N./C. C./S. S E.

N. D. et C. C. forment une demande reconventionnelle afin qu’il soit dit pour
droit qu’ils ont acquis ces parcelles par usucapion et que le jugement à intervenir
fasse l’objet d’une transcription à la conservation des hypothèques.

A titre subsidiaire, E. S. forme une demande incidente afin que les époux D. -C.
soient condamnés sur base de l’enrichissement sans cause à lui payer une somme
évaluée provisoirement à 2.161,31 euros du chef des impôts fonciers mis à charge
du propriétaire des terrains.

Par jugement prononcé le 22/10/2020, le tribunal dit les demandes recevables, dit
pour droit qu’E. S. est seul et unique propriétaire des deux parcelles cadastrées
commune de Harre, 3e division, section A, n° , dit la demande reconventionnelle
non fondée et condamne les défendeurs à payer au demandeur l’indemnité de
procédure de 1.440 euros et le droit de mise au rôle de 165 euros.

5.
Par leur appel, N. D. et C. C. critiquent ce jugement dont ils postulent la
réformation. Ils demandent de dire leur appel recevable et fondé, de déclarer leur
action reconventionnelle recevable et fondée, de dire pour droit qu’ils ont acquis
la propriété des deux parcelles litigieuses par usucapion, de dire que la décision à
intervenir fera l’objet d’une transcription au bureau compétent de l’administration
générale de la documentation patrimoniale dans l’arrondissement de Marche-en-
Famenne, de dire la demande incidente de l’intimé actuellement non fondée, de
dire leur demande incidente fondée et de condamner l’intimé à leur payer la
somme d’un euro à titre provisionnel et de condamner l’intimé aux dépens des
deux instances liquidés dans leur chef à la somme totale de 3.300 euros.

E. S. demande de dire l’appel recevable mais non fondé, de déclarer la demande
formulée en degré d’appel non fondée, de confirmer le jugement entrepris en
toutes ses dispositions avec gain des dépens d’appel, en ce compris l’indemnité de
procédure de 1.560 euros à augmenter des intérêts au taux légal à dater du
prononcé de l’arrêt jusqu’à parfait paiement.

A titre subsidiaire, E. S. réitère sa demande incidente et postule la condamnation
des appelants sur base de l’enrichissement sans cause à lui payer une somme
évaluée provisoirement à 2.161,31 euros pour l’économie de l’ensemble des
impôts mis à charge du propriétaire du terrain, à augmenter des intérêts au taux
légal à dater du 1/7/2020 jusqu’à parfait paiement.

Discussion

I. A titre liminaire

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2020/RG/965 - D. N./C. C./S. S E.

La loi du 4 février 2020 portant le livre 3 « Les biens » du nouveau Code civil est
entrée en vigueur le 1/9/2021.

A moins que les parties n’en décident autrement en souhaitant appliquer
anticipativement la réforme, les dispositions du Livre II de l’ancien Code civil ne
disparaissent pas immédiatement et complètement. La loi nouvelle s’appliquera
aux actes et faits juridiques qui ont lieu postérieurement à son entrée en vigueur.
Elle ne s’appliquera pas davantage aux effets futurs des actes et faits juridiques
survenus avant son entrée en vigueur, ni aux actes et faits juridiques qui se sont
produits après son entrée en vigueur mais qui se rapportent à des droits réels
découlant d’un acte juridique ou d’un fait juridique survenu avant son entrée en
vigueur (article 37 de la loi).

Les règles de l’ancien Code civil relatives au droit des biens demeurent applicables
au présent litige dès lors que les actes et faits juridiques invoqués par les parties à
l’appui de leurs prétentions sont survenus avant l’entrée en vigueur de la loi du 4
février 2020, sans que les parties aient souhaité l’application anticipée de la
réforme11.

II. Les actions principale et reconventionnelle

1. Nature des actions

E. S. exerce une action en revendication, soit l’action qu’intente le propriétaire
d’une chose contre un usurpateur.
Par cette action, le propriétaire entend défendre son droit de propriété contre les
attaques de tiers. Elle suppose, pour réussir, que le titulaire de la chose fasse la
preuve de sa propriété à l’encontre du tiers qui la lui conteste12.

N. D. et C. C. contestent cette rei vincatio et y opposent l’exception tirée de la
prescription acquisitive trentenaire fondée sur les articles 2229 et 2230 de l’ancien
Code civil.

2. Principes

En vertu des articles 8.4, alinéa 1er, du livre 8 du Code civil Code civil et 870 du Code
judiciaire, c’est à celui qui invoque un droit de propriété sur une chose qu’il

11
Les conclusions des parties ont...

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