Jugement/arrêt, Cour d'Appel de Liège, 2020-09-09

JurisdictionBélgica
Judgment Date09 septembre 2020
ECLIECLI:BE:CALIE:2020:ARR.20200909.4
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CALIE:2020:ARR.20200909.4
CourtCour d'Appel de Liège
Docket Number2018/CO/299

Prévenu d'avoir :

à OHEY, le 20 octobre 2013, dans l'Arrondissement Judiciaire de Namur,

en qualité d'auteurs, coauteurs des infractions ;

a. pour avoir exécuté l'infraction (les infractions) ou coopéré directement à son (leur) exécution;

b. pour avoir, par un fait quelconque, prêté pour l' (leur) exécution une aide telle que, sans son assistance, le crime (les crimes) ou le délit (les délits) n'eût (n'eussent) pu être commis;

A. Volontairement fait des blessures ou porté des coups à R. David, avec la circonstance que les coups portés ou les blessures faites sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée ;

A titre subsidiaire :

B. Par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, involontairement causé la mort de R. David

***************

Vu par la cour le jugement rendu le 5 MARS 2018 (n° 193 d'ordre) par le tribunal de première instance de NAMUR, division de NAMUR, lequel :

AU PENAL :

DIT la prévention A visée à titre principal établie telle que libellée;

CONDAMNE le prévenu :

- à une peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis de 5 ans pour ce qui excède la détention préventive subie;

- au versement d'une somme de 25 euros augmentée de 70 décimes soit 200 euros à titre de contribution au Fonds spécial pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels (articles 28 et 29 de la loi du 01.08.1985 telle que modifiée);

- au versement d'une indemnité de 51,20 euros, en vertu de l'article 91 de l'A.R. du 28 décembre 1950 tel que modifié;

- aux frais liquidés en totalité à la somme de 5925,04 euros, en ce compris l'indemnité de 20 euros au Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne (Loi du 19 mars 2017 - A.R. 26.04.2017);

AU CIVIL

RESERVE à statuer sur les intérêts civils éventuels en application de l'article 4 al.2 nouveau du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

***************

Vu l'appel interjeté contre ce jugement par :

- le prévenu en date du 27 mars 2018, contre toutes les dispositions et précisé suivant le formulaire des griefs d'appel :

Action publique :

• procédure ;

• culpabilité ;

• peine et/ou mesure ;

• action civile.

- le ministère public en date du 27 mars 2018 et précisé suivant le formulaire des griefs d'appel :

• Culpabilité ;

• Peines et mesures.

***************

Vu l'arrêt interlocutoire du 16.01.2019 rendu par la cour de céans laquelle :

statuant contradictoirement,

Reçoit les appels dans les limites fixées aux motifs.

Avant dire droit, ordonne la réouverture des débats aux fins précisées aux motifs.

Fixe date quant à ce à l'audience du lundi 1er avril 2019 (150 minutes) à 14h00 (reprise ab initio).

Invite la partie publique à citer les policiers repris aux motifs ainsi que l'expert judiciaire Alain D.V. à comparaître à l'audience précitée.

Réserve le fond, les frais et les dépens.

Ordonne l'exécution provisoire du présent arrêt, nonobstant tous recours éventuels.

***************

Vu les pièces de la procédure et notamment les procès-verbaux de l'audience publique du 01.04.2019, du 23.09.2019, du 18.12.2019, du 13.01.2020, du 25.03.2020, du 17.06.2020 et de ce jour.

__________________________

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Procédure

Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la présente chambre le 16 janvier 2019 qui, après avoir reçu les appels dans les limites y fixées, a notamment ordonné la réouverture des débats aux fins d'auditions par la cour de plusieurs inspecteurs de police et de l'expert judiciaire le docteur Alain D.V..

Vu les auditions auxquelles la cour a procédé aux audiences des 23 septembre 2019 et 13 janvier 2020.

Vu les conclusions de synthèse et pièces complémentaires des parties.

Vu l'acte de reprise d'instance déposé au nom de la partie civile Tiffany R. , née le 5 mai 2001 et devenue majeure le 5 mai 2019, laquelle a indiqué reprendre l'instance initialement mue en son nom par ses parents Alain R. et Rosa D. .

A l'audience du 17 juin 2020, la cause a été reprise ab initio en l'état en R. du changement intervenu dans la composition du siège. A cette même audience :

-la partie publique a confirmé se désister du grief « culpabilité » de son appel et le prévenu Stephan B. M. du grief « procédure »,

-interpellées expressément à cet égard, toutes les parties ont déclaré marquer leur accord quant à cette reprise ab initio ainsi que pour considérer comme acquis aux débats tout ce qui a été dit et fait devant le siège de la cour autrement composé.

Examen des préventions A et B

Il est reproché au prévenu Stephan B. M. d'avoir à Ohey, le 20 octobre 2013,

-prévention A : comme auteur ou co-auteur, volontairement fait des blessures ou porté des coups à David R. avec la circonstance que les coups portés ou les blessures faites, sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée (art. 401du CP),

-à titre subsidiaire, prévention B : par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, involontairement causé la mort de David R. (art. 418 du CP).

Contexte général dans lequel les faits visés aux préventions s'inscrivent (cfr. Procès-verbal initial (PVI)NA.44.L3.6864/2013)

Le 19 octobre 2013, une soirée de la kermesse de Matagne est organisée à Haillot. A cette époque, le Comité des fêtes organise sa kermesse traditionnelle annuelle durant laquelle trois soirées dansantes sont organisées. Afin d'assurer la sécurité des soirées, il est fait appel à l'entreprise de gardiennage MAXIMUM SECURITY qui a mis en place trois de ses agents, à savoir : Stephan B. M. , son fils Esteban (décédé en 2015) et Roberto E. .

Dans le courant de la nuit, vers 01h30, une altercation éclate entre David R. accompagné de son ami Cédric W. et un autre participant à la soirée (Georges D.). Le service de sécurité intervient et expulse R. . Benoit D. (décédé depuis), engage la conversation avec R. et parvient dans un premier temps à le calmer. Alors que D. se prépare à rentrer dans le local de la soirée, R. redevient agressif et s'en prend verbalement à un des membres du service de sécurité. D. retourne auprès des protagonistes pour tenter, une nouvelle fois, de calmer R. . D. est alors agressé par R. qui directement lui assène un coup de poing au visage. R. est amené au sol par l'agent de sécurité Stephan B. M. . R. continue à se débattre. Stephan B. M. lui maintient le haut du corps tandis qu'Esteban B. M. lui immobilise les jambes. Pendant ce temps, D. appelle la police. L'appel est enregistré à 01h47. L'intervention sur place de la police est également sollicitée par Thierry R. (pièce 11), président du Comité des fêtes lequel précise au cours de son appel qu'il s'agit d'intervenir pour « un individu (qui) serait « très chaud » que les sorteurs viennent d'interpeller mais qui est encore très énervé.

C'est à bord de trois véhicules d'intervention différents que les huit policiers signataires du procès-verbal initial arrivent sur place à 02h07 (et non 02h17 comme mentionné à tort au feuillet 6 du jugement déféré). Ils constatent la présence d'un homme allongé au sol, sur le ventre, route de Huy, en face du numéro 27. Sa tête se trouve sur la route la face en direction de Ohey. Le haut du corps de l'individu se trouve sur la route. Quant à ses jambes, elles se situent en partie dans la rigole et en partie sur le trottoir. Les policiers reconnaissent David R. , bien connu de leurs services, entre autres pour des faits de coups et blessures et rébellion (cfr l'enquête de personnalité de l'intéressé, pièce 26). Ils notent la présence de trois membres du personnel de sécurité : l'un a son genou droit sur le dos de R. , un deuxième maintient par la pratique d'une clé le bras droit de R. vers l'arrière en « patte de canard » (les deux B. M. ) et le troisième (E. ) se trouve debout et semble maintenir les badauds à distance. A leur passage à hauteur de la situation, avant d'aller stationner leur véhicule de service, un des sorteurs se redresse et leur fait comprendre par gestes que l'emploi des menottes est nécessaire. Les policiers Julien V. et Fabian P. s'arrêtent à leur hauteur et directement placent les menottes à David R. . C'est alors que le membre du personnel de sécurité, le plus âgé (le prévenu Stephan B. M. ) précise à P. « Ne te tracasse pas, je l'ai endormi... ». Les policiers décident, avant de placer R. dans le combi, de le retourner sur le dos, de l'asseoir et de le relever pour voir dans quel état d'esprit il se trouve. C'est à ce moment-là qu'ils aperçoivent que R. est inerte, que ses lèvres sont bleutées et ses yeux fermés. Il ne répond pas à leurs sollicitations verbales. Ils lui ôtent directement les menottes. Le policier Quirin B., qui est un ancien pompier volontaire, donne plusieurs gifles au visage de R. afin de le faire réagir, inspecte ses pupilles qui sont fixes, et observe que R. n'a plus de souffle ni aucun mouvement de la cage thoracique. Quirin B. ne sent aucun pouls. A 02h08, la police appelle le service 100. Le SMUR arrive à 02h18 suivi de l'ambulance à 02h24. En attendant les services de secours, le policier B., en relais avec une dame et l'agent de sécurité Roberto E. , entreprennent un massage cardiaque, en vain. Jamais R. ne réagit. A son arrivée, le SMUR prend en charge la tentative de réanimation. Le décès de David R. est constaté officiellement à 03h00 par le médecin urgentiste (cfr extrait acte de décès).

Les policiers entendus par la cour ont confirmé, pour l'essentiel, les constations retranscrites à leur procès-verbal initial sept ans plus tôt qui viennent d'être rappelées.

Benoit D. a été entendu le 20 octobre 2013 à 04h00, soit directement après les faits (pièce 1, PVI). Il précise d'emblée que ce soir-là, bien que policier de profession, il est présent à titre strictement privé, faisant partie du Comité des fêtes de Matagne. Il confirme qu'une altercation a eu lieu à l'intérieur de la salle aux environs de 01h30, mettant en cause Georges D...

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