Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2023-07-20

JurisdictionBélgica
Judgment Date17 décembre 2020
ECLIECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167
Docket Number167/2020
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 111/2023
du 20 juillet 2023
Numéros du rôle : 7429 et 7443
En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret flamand du 26 juin 2020
« modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration », introduits par l’« Orde van Vlaamse balies » et Alain Claes et par l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 31 août 2020 et parvenue au greffe le 1er septembre 2020, un recours en annulation du décret flamand du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (publié au Moniteur belge du 3 juillet 2020) a été introduit par l’« Orde van Vlaamse balies » et Alain Claes, assistés et représentés par Me P. Wouters, avocat à la Cour de cassation.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er octobre 2020 et parvenue au greffe le 2 octobre 2020, un recours en annulation partielle du même décret a été introduit par l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers », Paul Verhaeghe et Gerd Goyvaerts, assistés et représentés par Me P. Malherbe, avocat au barreau de Bruxelles.
Par les mêmes requêtes, les parties requérantes demandaient également la suspension totale ou partielle du même décret.
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Ces affaires, inscrites sous les numéros 7429 et 7443 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Par arrêt interlocutoire n° 167/2020 du 17 décembre 2020
(ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167), publié au Moniteur belge du 22 décembre 2020, la Cour a partiellement suspendu le décret et a posé à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« L’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
‘ modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ’ viole-t-il le droit à un procès équitable garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que le nouvel article 8bis ter, paragraphe 5, qu’il a inséré dans la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 ‘ relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE ’, prévoit que, si un État membre prend les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensés de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre, cet État membre est tenu d’obliger lesdits intermédiaires à notifier sans retard à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, ses obligations de déclaration, en ce que cette obligation a pour effet qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire est tenu de partager avec un autre intermédiaire qui n’est pas son client les informations qui lui sont connues à l’occasion de l’exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire ? ».
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, assisté et représenté par Me C. Molitor, Me O. Vanleemputten et Me M. de Mûelenaere, avocats au barreau de Bruxelles (dans l’affaire n° 7429);
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me M. Delanote, avocat au barreau de Bruxelles (dans les deux affaires).
Les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse.
Par arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse Balies e.a. (C-694/20, ECLI:EU:C:2022:963), la Cour de justice de l’Union européenne a répondu à la question.
Par ordonnance du 21 décembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures J. Moerman et K. Jadin, a décidé :
- que les affaires ne peuvent pas encore être déclarées en état;
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- d’inviter les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire à introduire le 2 février 2023 au plus tard et à communiquer aux autres parties dans le même délai, leur point de vue relatif à l’incidence, sur les recours en annulation, de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne précité.
Des mémoires complémentaires ont été introduits par :
- l’« Orde van Vlaamse balies » (partie requérante dans l’affaire n° 7429);
- les parties requérantes dans l’affaire n° 7443;
- le Gouvernement flamand.
Par ordonnance du 17 mai 2023, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l’audience au 14 juin 2023.
À l’audience publique du 14 juin 2023 :
- ont comparu :
. Me P. Wouters, pour la partie requérante dans l’affaire n° 7429;
. Me P. Malherbe, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7443;
. Me M. Delanote, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteures J. Moerman et K. Jadin ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne l’intérêt des parties requérantes dans l’affaire n° 7443
A.1. Selon le Gouvernement flamand, le recours en annulation est irrecevable en ce qui concerne la première partie requérante dans l’affaire n° 7443. Il s’agit d’une association de fait qui ne satisfait pas aux exigences fixées par la Cour pour que de telles associations puissent agir devant la Cour. Étant donné que les deuxième et troisième parties requérantes fondent leur intérêt sur leur qualité d’administrateur ou de président du conseil d’administration de l’association de fait, elles ne justifient pas non plus de l’intérêt requis.
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En ce qui concerne la recevabilité des moyens dans l’affaire n° 7443
A.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que les moyens dans l’affaire n° 7443 sont irrecevables, parce que l’exposé ne permet pas de déduire clairement en quoi les nombreuses dispositions énumérées violeraient les normes de contrôle énumérées, tout aussi nombreuses.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire n° 7429
A.3.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7429 prennent un premier moyen de la violation, par les articles 1er à 30 du décret du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après :
le décret attaqué), des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du Traité sur l’Union européenne (ci-après : le TUE). Elles font valoir que l’article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013 « relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal » (ci-après : le décret du 21 juin 2013), tel qu’il a été inséré par l’article 14
du décret attaqué, viole ces dispositions en ce qu’il exclut qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire au sens du décret invoque son secret professionnel pour être dispensé de l’obligation de déclaration périodique en matière de dispositifs commercialisables. L’avocat ne peut toutefois pas satisfaire à cette obligation de déclaration sans violer son secret professionnel. À cet égard, les parties requérantes renvoient à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que le simple fait de recourir à un avocat relève du secret professionnel. Selon les parties requérantes, il n’existe aucune justification à une telle levée absolue et a priori du secret professionnel. L’objectif consistant à permettre aux États membres de supprimer des échappatoires ne justifie pas que l’avocat soit obligé de violer son secret professionnel pour déclarer un dispositif parfaitement légal et ne saurait être considéré comme un motif impérieux d’intérêt général. L’argument selon lequel l’avocat doit satisfaire à l’obligation de déclaration et que, contrairement à ce qui est le cas pour d’autres dispositifs transfrontières, il ne peut pas invoquer le secret professionnel dans le cas de dispositifs commercialisables, au motif que, dans ce dernier cas, le contribuable n’a pas assez d’informations pour satisfaire lui-même à l’obligation de déclaration, ne résiste pas à l’examen. En outre, la signification précise de la notion de « dispositif commercialisable » n’est pas suffisamment claire, de sorte que l’obligation de déclaration est contraire au principe de la sécurité...

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