Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2023-07-06
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 06 juillet 2023 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.109 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.109 |
Docket Number | 109/2023 |
Court | Verfassungsgerichtshof (Schiedshof) |
Cour constitutionnelle
Arrêt n° 109/2023
du 6 juillet 2023
Numéro du rôle : 7953
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 318, § 4, de l’ancien Code civil, posée par le tribunal de la famille du Tribunal de première instance de Liège, division de Liège.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J. Moerman, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 10 mars 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 17 mars 2023, le tribunal de la famille du Tribunal de première instance de Liège, division de Liège, a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 318, § 4 de l’ancien Code civil viole-t-il les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’il instaure une fin de non-recevoir absolue, due au consentement donné par le mari à l’insémination artificielle ou à un autre acte ayant la procréation pour but, sauf si la conception de l’enfant ne peut en être la conséquence, à l’action en contestation de la paternité du mari introduite par l’homme qui se prétend le père de l’enfant, dans l’hypothèse où cet enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour autrui s’inscrivant dans un projet parental mené par lui et son épouse et non par la mère porteuse de l’enfant et son mari ? ».
Le 11 avril 2023, en application de l’article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteures E. Bribosia et J. Moerman ont informé la Cour qu’elles pourraient être amenées à proposer de mettre fin à l’examen de l’affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire.
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Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me B. Renson, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire justificatif.
Les dispositions de la loi spéciale précitée du 6 janvier 1989 relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
F.W. et Ch.V. forment un couple hétérosexuel marié qui désire avoir un enfant. Ils décident de recourir à une gestation pour autrui puisque Ch.V. ne peut pas mener une grossesse à terme pour des raisons médicales. Un ovocyte de Ch.V. est alors fécondé in vitro avec les gamètes de F.W. et est implanté chez Cl.V., la sœur de Ch.V.
Cl.V. tombe enceinte et l’accouchement est prévu le 6 mai 2023.
Cl.V. est mariée à A.J.
Avant l’accouchement, F.W., qui est le père biologique de l’enfant, introduit devant le Tribunal de première instance de Liège, division de Liège, une action en contestation de la paternité d’A.J., qui est présumé être le père de l’enfant à naître puisqu’il est marié à Cl.V. F.W. demande également au Tribunal d’établir sa paternité à l’égard de cet enfant.
À l’audience, A.J. indique qu’il n’a pas pris part à la convention de gestation pour autrui. Son épouse a décidé de recourir à la gestation pour autrui et n’a pas sollicité son consentement. Cl.V., A.J., Ch.V. et F.W. ont discuté à quatre du projet de gestation pour autrui dont le but était d’offrir un enfant au couple F.W. et Ch.V. Par ailleurs, A.J. ne peut être le père biologique de l’enfant car il a subi une vasectomie.
La juridiction a quo constate que l’article 318, § 4, de l’ancien Code civil établit une cause d’irrecevabilité liée au consentement du mari à l’insémination artificielle. Selon la juridiction a quo, cette cause d’irrecevabilité empêche F.W., qui est le père biologique de l’enfant, de contester la paternité du mari de la mère et d’établir sa propre paternité. Elle décide alors de poser à la Cour la question préjudicielle reproduite ci-dessus.
III. En droit
-A-
A.1.1. Le Conseil des ministres se rallie aux conclusions des juges-rapporteures selon lesquelles il y a lieu de rendre un arrêt sur procédure préliminaire qui reproduit les motifs exposés dans l’arrêt de la Cour n° 56/2023
du 30 mars 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.056). En outre, à la lecture des travaux préparatoires, il apparaît que la cause d’irrecevabilité de l’action en contestation de la présomption de paternité du mari doit être interprétée comme s’appliquant uniquement lorsque l’insémination artificielle, à laquelle le mari a consenti, a été précédée d’un projet parental liant les époux, que ceux-ci forment un couple homosexuel ou hétérosexuel. Le législateur n’a donc nullement voulu priver le mari qui n’a jamais eu l’intention d’être le père de l’enfant à naître, de la possibilité de contester la présomption de paternité.
Le Conseil des ministres se réfère pour le surplus à la motivation de l’arrêt n° 56/2023 précité.
A.1.2. Le Conseil des ministres conclut que l’article 318, § 4, de l’ancien Code civil, interprété en ce sens qu’il ne conduit pas à l’irrecevabilité de l’action en contestation de la présomption de paternité dans le cas d’une gestation pour autrui réalisée par une femme mariée, lorsque cette dernière, à savoir la gestatrice, et son mari n’ont
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pas de projet parental à l’égard de l’enfant à naître, ce qu’il appartient à la juridiction de vérifier in concreto, ne viole pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
-B-
Quant à la disposition en cause et à son contexte
B.1.1. L’article 318 de l’ancien Code civil règle la possibilité de contester la présomption de paternité du mari de la mère de l’enfant. La présomption de paternité a...
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