Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-11-18

JurisdictionBélgica
Judgment Date18 novembre 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20211118.4
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20211118.4
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)
Docket Number160/2021

Numéro du rôle : 7307

Arrêt n° 160/2021
du 18 novembre 2021

ARRÊT
________

En cause : la question préjudicielle relative au décret de la Région wallonne du 16 juillet
2015 « instaurant un prélèvement kilométrique à charge des poids lourds pour l’utilisation des
routes », posée par le Tribunal de première instance de Liège, division de Liège.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet,
J. Moerman, M. Pâques et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le
président P. Nihoul,

après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :

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I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par jugement du 5 novembre 2019, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le
25 novembre 2019, le Tribunal de première instance de Liège, division de Liège, a posé la
question préjudicielle suivante :

« Le décret du 16 juillet 2015 instaurant un prélèvement kilométrique à charge des poids
lourds pour l’utilisation des routes, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution,
éventuellement combinés avec l’article 172 de la Constitution, dans la mesure où seuls les
véhicules motorisés et les combinaisons de véhicules, qu’ils soient ou non exclusivement
destinés ou utilisés au transport de marchandises par voie terrestre, et dont la masse maximale
autorisée (MMA) excède 3,5 t, sont soumis au prélèvement kilométrique, à l’exclusion des :

i. véhicules motorisés et combinaisons de véhicules, qu’ils soient destinés ou utilisés de
manière exclusive pour le transport de personnes par voie terrestre ou non, dont la masse
maximale autorisée (MMA) dépasse 3,5 t;

ii. véhicules motorisés et combinaisons de véhicules, qu’ils soient destinés ou utilisés de
manière exclusive pour le transport de marchandises par voie terrestre ou non, dont la masse
maximale autorisée (MMA) n’excède pas 3,5 t;

iii. véhicules motorisés et combinaisons de véhicules, qu’ils soient destinés ou utilisés de
manière exclusive pour le transport de marchandises par voie terrestre ou non, dont la masse
maximale autorisée (MMA) n’excède pas 3,5 t, même si ces véhicules utilisent pour le transport
de marchandises une remorque par laquelle leur MMA totale excède 3,5 t;

iv. voitures individuelles;

v. divers autres véhicules, par exemple les engins agricoles, même s’ils sont utilisés pour
le transport de marchandises par voie terrestre ? ».

Des mémoires ont été introduits par :

- la SPRL « ADM Team Heavy Weight », assistée et représentée par Me M. Maus, avocat
au barreau de Flandre occidentale;

- la Société wallonne de Financement complémentaire des Infrastructures, assistée et
représentée par Me A. François, Me P. Hofströssler et Me B. Martel, avocats au barreau de
Bruxelles;

- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me A. François, Me P. Hofströssler et
Me B. Martel.

La SPRL « ADM Team Heavy Weight » a également introduit un mémoire en réponse.
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Par ordonnance du 22 septembre 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
J.-P. Moerman et J. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait
tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de
la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les
débats seraient clos le 6 octobre 2021 et l’affaire mise en délibéré.

Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le
6 octobre 2021.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.

II. Les faits et la procédure antérieure

Le Tribunal de première instance de Liège, division de Liège, est saisi d’une demande introduite par la
SPRL « ADM Team Heavy Weight », laquelle conteste une série de factures qui lui ont été adressées par la Société
wallonne de financement complémentaire des infrastructures (SOFICO) au titre de prélèvement kilométrique. La
SPRL « ADM Team Heavy Weight» demande que la SOFICO soit condamnée au remboursement intégral des
montants qu’elle conteste, au motif qu’ils ont été indûment perçus.

Le Tribunal juge que le prélèvement kilométrique en cause doit être qualifié de redevance et non d’impôt.
Devant le Tribunal, la SPRL « ADM Team Heavy Weight » soutient que la taxe kilométrique est discriminatoire
parce qu’elle est fixée de façon inéquitable à l’égard de catégories de contribuables comparables. À la demande
de cette partie, le Tribunal pose à la Cour la question reproduite plus haut, en application de l’article 26, § 2, de la
loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

III. En droit

-A-

A.1. La SPRL « ADM Team Heavy Weight », partie demanderesse devant le juge a quo, estime qu’une
analogie suffisante peut être établie entre les catégories de véhicules qui sont visées par la taxe kilométrique et
celles qui ne le sont pas. Elle rappelle que l’objectif du législateur décrétal est, d’une part, de faire supporter de
manière équitable par les usagers les coûts d’infrastructure liés à l’utilisation des routes et, d’autre part,
d’encourager ceux-ci à remplacer leurs véhicules polluants par des véhicules plus respectueux de l’environnement.
Elle estime que tous les véhicules, qu’ils soient taxés ou non, occasionnent des coûts d’infrastructure identiques et
polluent tout autant l’environnement. Elle fait valoir que la différence de traitement est basée sur un critère de
distinction non pertinent, dès lors que les usagers de la route exclus du champ d’application du prélèvement
kilométrique n’ont pas sur l’infrastructure routière un impact moindre que les véhicules destinés au transport de
marchandises dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes. Par ailleurs, elle constate que le prélèvement
kilométrique n’atteint pas l’objectif qui consiste à inciter les usagers de la route à adopter des comportements
moins néfastes pour l’environnement. Enfin, elle estime que le prélèvement kilométrique est non seulement
inefficace pour atteindre les objectifs poursuivis par le législateur décrétal, mais aussi source de nombreux
inconvénients financiers pour le secteur du transport de marchandises, et elle en conclut qu’il est disproportionné.

A.2.1. Le Gouvernement wallon et la SOFICO, parties intervenantes, rappellent que le décret en cause
transpose la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 « relative à la taxation des
poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures », modifiée par la directive 2006/38/CE du Parlement
européen et du Conseil du 17 mai 2006 et par la directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil du
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27 septembre 2011. Ils ajoutent que ce décret transpose aussi en partie la directive 2004/52/CE du Parlement
européen et du Conseil du 29 avril 2004 « concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage routier dans la
Communauté ». Ils précisent que le décret en cause est aussi fondé sur l’accord de coopération du 31 janvier 2014
entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale « relatif à l’introduction du
système de prélèvement kilométrique sur le territoire des trois Régions et à la constitution d’un Partenariat
interrégional de droit public Viapass sous forme d’une institution commune telle que visée à...

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