Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-11-18

JurisdictionBélgica
Judgment Date18 novembre 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20211118.2
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20211118.2
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)
Docket Number158/2011

Numéro du rôle : 6672

Arrêt n° 158/2021
du 18 novembre 2021

ARRÊT
________

En cause : le recours en annulation de la loi du 1er septembre 2016 « portant modification
de l’article 127 de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques et de
l’article 16/2 de la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de
sécurité », introduit par Patrick Van Assche et autres.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges J.-P. Moerman, T. Giet,
R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, et, conformément
à l’article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président
émérite F. Daoût et de la juge émérite T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier
P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,

après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :

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I. Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 juin 2017 et parvenue
au greffe le 8 juin 2017, un recours en annulation de la loi du 1er septembre 2016 « portant
modification de l’article 127 de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications
électroniques et de l’article 16/2 de la loi du 30 novembre 1998 organique des services de
renseignement et de sécurité » (publiée au Moniteur belge du 7 décembre 2016) a été introduit
par Patrick Van Assche, Christel Van Akeleyen et Karina De Hoog, assistés et représentés par
Me D. Pattyn, avocat au barreau de Flandre occidentale.

Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me S. Depré, Me E. de Lophem et
Me T. Wouters, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire, les parties requérantes
ont introduit un mémoire en réponse et le Conseil des ministres a également introduit un
mémoire en réplique.

Par ordonnance du 7 février 2018, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
A. Alen et J.-P. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait
tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de
la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les
débats seraient clos le 28 février 2018 et l’affaire mise en délibéré.

À la suite de la demande des parties requérantes à être entendues, la Cour, par ordonnance du
1er mars 2018, a fixé l’audience au 21 mars 2018.

Par ordonnance du 28 mars 2018, la Cour a reporté l’affaire à l’audience du 25 avril 2018.

À l’audience publique du 25 avril 2018 :

- ont comparu :

. Me D. Pattyn, pour les parties requérantes, et Patrick Van Assche, en personne;

. Me E. de Lophem, Me T. Wouters et Me G. Ryelandt, avocat au barreau de Bruxelles,
loco Me S. Depré, pour le Conseil des ministres;

- le président A. Alen et le juge J.-P. Moerman ont fait rapport;

- les avocats précités ont été entendus;

- l’affaire a été mise en délibéré.

Par ordonnance du 19 juillet 2018, la Cour a suspendu le traitement de l’affaire sine die.
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Par ordonnance du 21 avril 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
D. Pieters, en remplacement du président émérite A. Alen, et T. Giet, en remplacement du juge
J.-P. Moerman, légitimement empêché, a décidé :

- de rouvrir les débats,

- d’inviter les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire à introduire le 31 mai 2021
au plus tard et à communiquer aux autres parties dans le même délai, leur point de vue sur
l’incidence de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre 2020 dans les
affaires nos C-511/18, C-512/18 et C-520/18 et de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 57/2021
du 22 avril 2021 sur le présent recours en annulation,

- qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de
sept jours suivant la réception de la notification de la présente ordonnance, à être entendue,

- qu’en cas d’une telle demande, l’affaire serait prise à l’audience du 16 juin 2021, à
l’heure ultérieurement fixée par le président, et

- qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 16 juin 2021 et l’affaire
mise en délibéré.

Des mémoires complémentaires ont été introduits par :

- les parties requérantes;

- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me S. Depré, Me E. de Lophem et
Me G. Ryelandt.

À la suite de la demande du Conseil des ministres à être entendu, le président, par ordonnance
du 5 mai 2021, a fixé l’heure de l’audience du 16 juin 2021 à 14.00 heures.

À l’audience publique du 16 juin 2021 :

- ont comparu :

. Me D. Pattyn, pour les parties requérantes, et Patrick Van Assche, en personne;

. Me E. de Lophem et Me G. Ryelandt, qui comparaissaient également loco Me S. Depré,
pour le Conseil des ministres;

- les juges-rapporteurs D. Pieters et J.-P. Moerman ont fait rapport;

- les parties précitées ont été entendues;

- l’affaire a été mise en délibéré.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. En droit

-A-

Quant à la recevabilité du recours

A.1. Les parties requérantes exposent qu’elles sont confrontées à une obligation d’identification en leur
qualité d’utilisateurs finaux de services de téléphonie au moyen de cartes prépayées. Le traitement, la conservation
et la communication des données à caractère personnel mentionnées dans la loi attaquée entraînent selon elles une
ingérence excessive dans leur vie privée, étant donné que l’identification obligatoire des utilisateurs finaux de
services de téléphonie permet d’établir un lien entre les parties requérantes et leurs données de trafic et de
localisation.

Elles font valoir en outre qu’en leur qualité de conseillers communaux de la commune de Brecht, elles
bénéficient d’un droit renforcé à la liberté d’expression, qui comprend le droit de recevoir et de transmettre des
informations, notamment sur la base de télécommunications anonymes.

A.2.1. Le Conseil des ministres observe que les différentes critiques que les parties requérantes formulent
dans le cadre du recours en annulation présentement examiné portent en réalité sur la loi du 29 mai 2016 « relative
à la collecte et à la conservation des données dans le secteur des communications électroniques ». Les mêmes
parties requérantes ont introduit un recours en annulation contre cette loi, qui a été inscrit sous le numéro 6601 du
rôle de la Cour. Pour autant que les critiques des parties requérantes portent en réalité sur cette loi, et non sur la
loi attaquée, le recours en annulation n’est pas recevable ratione temporis.

A.2.2. Les parties requérantes soulignent qu’elles déduisent en partie l’inconstitutionnalité de la loi attaquée
des conséquences qui en découlent lorsqu’elle est lue en combinaison avec la loi du 29 mai 2016. Pour apprécier
la constitutionnalité de la loi attaquée, la Cour doit donc tenir compte de la loi du 29 mai 2016, même en tant que
le recours en annulation est dirigé contre la loi attaquée, lue en combinaison avec la loi du 29 mai 2016.

Quant au premier moyen

A.3.1. Dans leur premier moyen, les parties requérantes font valoir que l’article 2 de la loi attaquée n’est pas
compatible avec les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, et avec les articles 2, point a), et 6 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du
24 octobre 1995 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données ».

Dans leur requête, elles allèguent que l’habilitation conférée au Roi pour fixer les mesures techniques et
administratives imposées aux canaux de vente des services de communications électroniques et aux entreprises
fournissant un service d’identification, n’a pas été définie de manière suffisamment précise, qu’elle n’est pas
limitée à la mise en œuvre de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés au préalable par le législateur, et
qu’elle ne garantit pas que les données et documents d’identification collectés sont pertinents et proportionnels à
la lumière des objectifs pour lesquels ils sont traités.

A.3.2. Les parties requérantes exposent que l’article 127 de la loi du 13 juin 2005 « relative aux
communications électroniques », modifié par la disposition attaquée, autorise le Roi à fixer les mesures techniques
et administratives imposées aux opérateurs offrant au public des services de télécommunications afin d’identifier
l’utilisateur final. Cette disposition vise autant les magasins des opérateurs eux-mêmes que tous les autres canaux
de vente, tels que les supermarchés ou les night shops, même si ces derniers canaux ne conservent pas de données
et documents d’identification. La disposition attaquée s’applique également aux cartes prépayées d’opérateurs
étrangers qui sont vendues en Belgique. À partir de l’entrée en vigueur de l’arrêté d’exécution, les nouvelles cartes
prépayées ne pourront plus être activées sans identification de l’utilisateur final. Les anciennes cartes prépayées
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doivent être identifiées dans un délai de six mois à partir de l’entrée en vigueur de l’arrêté d’exécution, sous peine
d’être déconnectées par l’opérateur.

A.3.3. Les parties requérantes soulignent dans leur requête la corrélation entre la disposition attaquée et la
loi du 29 mai 2016 « relative à la collecte et à la conservation des données dans le secteur des communications
électroniques ». Cette loi impose aux fournisseurs de services de télécommunications une obligation de
conservation généralisée et indifférenciée. Ils sont tenus de conserver les données d’identification, les données de
connexion et de localisation et les données de communications de leurs clients. Ces données ne portent pas sur le
contenu, mais sur...

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