Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-11-18

JurisdictionBélgica
Judgment Date18 novembre 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20211118.10
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20211118.10
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)
Docket Number166/2021

Numéro du rôle : 7463

Arrêt n° 166/2021
du 18 novembre 2021

ARRÊT
________

En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 20 juillet 2020 « portant des
dispositions diverses relatives à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du
terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces », introduit par Maxime Vermeesch et la
SRL « Maxime Vermeesch ».

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, R. Leysen,
J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le
président L. Lavrysen,

après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :

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I. Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 novembre 2020 et
parvenue au greffe le 9 novembre 2020, un recours en annulation partielle de la loi du 20 juillet
2020 « portant des dispositions diverses relatives à la prévention du blanchiment de capitaux et
du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces » (publiée au
Moniteur belge du 5 août 2020) a été introduit par Maxime Vermeesch et la
SRL « Maxime Vermeesch », assistés et représentés par Me P. Renier, avocat au barreau de
Bruxelles.

Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension partielle
de la même loi. Par l’arrêt n° 31/2021 du 25 février 2021, publié au Moniteur belge du 31 mai
2021, la Cour a rejeté la demande de suspension partielle.

Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :

- l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables, assisté et représenté par
Me F. Judo et Me L. Proost, avocats au barreau de Bruxelles;

- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me V. De Schepper et
Me J.-F. De Bock, avocats au barreau de Bruxelles.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.

Par ordonnance du 22 septembre 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
J. Moerman et J.-P. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait
tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de
la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les
débats seraient clos le 6 octobre 2021 et l’affaire mise en délibéré.

Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le
6 octobre 2021.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.

II. En droit

-A-

Quant à l’objet du recours

A.1. À titre principal, les parties requérantes demandent l’annulation de l’article 32, alinéa 1er, 1°, n), de la
loi du 20 juillet 2020 « portant des dispositions diverses relatives à la prévention du blanchiment de capitaux et du
financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces » (ci-après : la loi du 20 juillet 2020) et des
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articles 153 à 170 de la même loi. À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent l’annulation de l’article 164
de la loi du 20 juillet 2020.

Quant au fond

En ce qui concerne le premier moyen

A.2.1. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 10 et 11 de la
Constitution par la loi attaquée, en ce que le contrôle des conseillers fiscaux non réglementés est confié à l’Institut
des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables, bien qu’ils soient essentiellement différents des conseillers
fiscaux certifiés. Contrairement aux conseillers fiscaux certifiés, les conseillers fiscaux non certifiés ne sont pas
membres de l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables. Bien que la directive (UE) 2015/849 du
Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 « relative à la prévention de l’utilisation du système financier
aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012
du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et
la directive 2006/70/CE de la Commission » (ci-après : la directive (UE) 2015/849) permette que le contrôle du
respect de la réglementation anti-blanchiment soit confié à un organisme d’autorégulation, le législateur a opté ici
pour un organe qui n’est pas un organisme d’autorégulation à l’égard des conseillers fiscaux non certifiés.
Conformément à la directive, le contrôle des conseillers fiscaux non certifiés doit être effectué par une autorité
administrative. Elles se réfèrent à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 114/2020 du 24 septembre 2020.

A.2.2. Le Conseil des ministres fait valoir que le premier moyen est irrecevable, dès lors qu’il n’identifie pas
clairement quelles sont les catégories de personnes à comparer. En outre, une identité de traitement est clairement
instaurée entre des catégories de personnes comparables, dans le cadre de la transposition de la
directive (UE) 2015/849, en ce que toutes les personnes qui donnent des avis fiscaux sont soumises au même
contrôle. Le Conseil des ministres renvoie à cet égard à la jurisprudence de la Cour. La circonstance que la Cour
a constaté précédemment que l’ancienne exclusion des conseillers fiscaux non certifiés n’était pas déraisonnable,
n’implique pas nécessairement qu’il n’est pas permis de soumettre encore ceux-ci au contrôle du respect de la loi
anti-blanchiment, lors d’une phase ultérieure. Enfin, le Conseil des ministres note que la section de législation du
Conseil d’État n’avait pas non plus d’observations à formuler au sujet des dispositions attaquées.

A.2.3. La partie intervenante ajoute que l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables est une
autorité administrative et qu’elle n’est donc pas une simple union professionnelle d’autorégulation.

En ce qui concerne le deuxième moyen

A.3.1. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 12, 14 et 22 de la
Constitution, lus en combinaison avec les articles 7, paragraphe 1, et 8, paragraphe 2, de la Convention européenne
des droits de l’homme, par les articles 153 et 170 de la loi du 20 juillet 2020. Elles font valoir que les dispositions
attaquées érigent en infraction le fait d’exercer certaines activités professionnelles sans être inscrit au registre
public, sans qu’elles définissent toutefois cette infraction en des termes suffisamment précis. Les activités
professionnelles dont il est question sont définies de manière très large. Dès lors que l’exercice occasionnel de ces
activités est également soumis à l’obligation d’inscription, toute personne qui fournit incidemment des
informations fiscales est de facto considérée comme conseiller fiscal. Selon les parties requérantes, le fait d’ériger
en infraction la non-inscription au registre public ne vise pas à lutter contre le blanchiment, mais à attribuer aux
conseillers fiscaux certifiés un monopole en matière de conseil fiscal.

A.3.2. Le Conseil des ministres fait valoir que le moyen est à tout le moins partiellement irrecevable, à défaut
d’exposé. Seul le principe de légalité en matière pénale y est discuté. Selon le Conseil des ministres, en ce qui
concerne ce principe, il ne peut être soutenu que l’acte qui est érigé en infraction n’aurait pas été clairement défini.
Il en va de même pour la peine, qui est en outre proportionnée.

En ce qui concerne le troisième moyen

A.4.1. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation des articles 10, 11 et 23 de la
Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, par la loi du 20 juillet 2020. L’interdiction professionnelle qui est imposée lorsqu’un conseiller fiscal
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non certifié ne s’inscrit pas au registre public s’assimile en effet, selon les parties requérantes, à une entrave illicite
au libre choix d’une profession et à la liberté d’entreprendre. Une telle restriction n’est pas nécessaire pour lutter
contre le blanchiment.

A.4.2. Selon le Conseil des ministres, le moyen est partiellement irrecevable, à défaut d’exposé. À titre
subsidiaire, le moyen n’est pas fondé, dès lors que les dispositions attaquées ne prévoient pas la moindre restriction
à la liberté d’entreprise. Même si la Cour...

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