Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage), 2021-02-04
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 04 février 2021 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210204.3 |
Docket Number | 19/2021 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210204.3 |
Court | Grondwettelijk Hof (Arbitragehof),Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage),Verfassungsgerichtshof (Schiedshof) |
Numéro du rôle : 7352
Arrêt n° 19/2021
du 4 février 2021
ARRÊT
________
En cause : le recours en annulation des articles 4, 8, 9 et 25 du décret de la Région flamande
du 24 mai 2019 « modifiant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales
concernant la politique de l'environnement et le décret relatif aux engrais du 22 décembre 2006,
en ce qui concerne l'application du sixième programme lisier », introduit par
l'ASBL « Algemeen Boerensyndicaat » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, P. Nihoul,
T. Giet, R. Leysen et J. Moerman, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président
L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 janvier 2020 et
parvenue au greffe le 31 janvier 2020, un recours en annulation des articles 4, 8, 9 et 25 du
décret de la Région flamande du 24 mai 2019 « modifiant le décret du 5 avril 1995 contenant
des dispositions générales concernant la politique de l'environnement et le décret relatif aux
engrais du 22 décembre 2006, en ce qui concerne l'application du sixième programme lisier »
(publié au Moniteur belge du 30 juillet 2019) a été introduit par l'ASBL « Algemeen
Boerensyndicaat », Frank De Sutter, Dominique Van Den Keybus et Dirk Vandermersch,
assistés et représentés par Me J. Opsommer, avocat au barreau d'Audenarde.
Des mémoires ont été introduits par :
- Raf Verbeke;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me P. De Smedt et Me A. Croes,
avocats au barreau de Gand, et par Me S. Sottiaux, Me E. Cloots et Me J. Roets, avocats au
barreau d'Anvers.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Le Gouvernement flamand a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 25 novembre 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
J. Moerman et J.-P. Moerman, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait
tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de
la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les
débats seraient clos le 9 décembre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le
9 décembre 2020.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité du recours
A.1.1. Le Gouvernement flamand soutient que le recours en annulation est irrecevable, dès lors que les
moyens invoqués dans la requête sont dirigés contre les mauvaises dispositions du décret de la Région flamande
du 24 mai 2019 « modifiant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique
de l'environnement et le décret relatif aux engrais du 22 décembre 2006, en ce qui concerne l'application du
sixième programme lisier » (ci-après : le décret du 24 mai 2019). Il constate que le recours en annulation est dirigé
contre les articles 4, 8, 9 et 25 du décret du 24 mai 2019 et que les parties requérantes critiquent essentiellement la
prétendue rétroactivité de ces dispositions. Il estime que le recours est dès lors en réalité dirigé contre l'article 34
du décret du 24 mai 2019, qui prévoit que le décret entre en vigueur le 1er janvier 2019.
A.1.2. Les parties requérantes répondent que, par leur requête, elles ont attaqué l'ensemble du décret du
24 mai 2019, puisque le décret a été joint à la requête dans son intégralité. Elles estiment qu'il ressort clairement
de l'exposé des moyens que le recours est également dirigé contre l'article 34 de ce décret.
Quant à la recevabilité du mémoire en intervention
A.2.1. Raf Verbeke, partie intervenante, estime avoir intérêt à intervenir parce qu'il est concessionnaire d'un
marché hebdomadaire d'agriculteurs à Gand et parce qu'il est membre du conseil d'administration de
l'ASBL « PostVersa », qui a notamment pour but de rendre des avis et d'organiser des projets pour les
organisations et les entreprises agricoles, de défendre la souveraineté constitutionnelle et les droits fondamentaux
des citoyens, des entreprises, des autorités et de mère nature, et de participer à la préparation et à la mise en œuvre
de la politique. La partie intervenante se rallie à la demande d'annulation des dispositions attaquées formulée par
les parties requérantes et invoque des moyens nouveaux, pris de la violation des articles 7bis et 23 de la
Constitution.
A.2.2. Le Gouvernement flamand soutient que la partie intervenante ne démontre pas qu'elle est elle-même
soumise aux obligations que les dispositions attaquées imposent aux agriculteurs, ni qu'elle défend les intérêts de
personnes soumises à ces obligations. Selon lui, le seul fait d'être membre du conseil d'administration d'une
association sans but lucratif qui poursuit des objectifs d'ordre social généraux ne saurait suffire à démontrer
l'intérêt requis pour intervenir dans un litige.
A.2.3. Le Gouvernement flamand estime également que les moyens invoqués par la partie intervenante sont
irrecevables, dès lors qu'il n'est pas permis d'invoquer des moyens nouveaux dans un mémoire en intervention.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
A.3. Le premier moyen est dirigé contre les articles 4, 8 et 25, 7°, du décret du 24 mai 2019 et est pris de la
violation des articles 10, 11, 16 et 190 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 7 de la Convention
européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec le
principe de la non-rétroactivité des lois, avec le principe de prudence, avec le principe du raisonnable, avec le
principe de la sécurité juridique, avec le principe de la confiance légitime, avec le principe du fair-play et avec le
principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.
A.4.1. Dans la première branche du moyen, les parties requérantes critiquent les dispositions attaquées, en
ce qu'elles imposent rétroactivement aux agriculteurs une obligation d'ensemencement de cultures pièges, le non-
respect de cette obligation pouvant être sanctionné par des amendes administratives. Elles exposent que
l'obligation d'ensemencement de cultures pièges s'applique à partir du 1er janvier 2019, alors que les dispositions
instaurant cette obligation ont été publiées au Moniteur belge du 30 juillet 2019. Elles estiment que le législateur
décrétal a donc agi en violation de l'article 190 de la Constitution, du principe de la non-rétroactivité des lois, du
principe de la sécurité juridique et du principe de la confiance légitime.
A.4.2. Les parties requérantes ne souscrivent pas à l'avis que la section de législation du Conseil d'État a
rendu sur la proposition de décret qui a donné lieu aux dispositions attaquées, le Conseil d'État ayant jugé, d'une
part, que, pour la clarté et pour le bon fonctionnement des services, il s'indiquait que la réglementation attaquée
prenne effet le 1er janvier d'une année civile donnée et, d'autre part, que la rétroactivité était nécessaire, dès lors
que la dérogation qui avait été demandée en vertu de l'annexe III, point 2, troisième alinéa, de la
directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 « concernant la protection des eaux contre la pollution par
les nitrates à partir de sources agricoles » (ci-après : la directive 91/676/CEE) prenait également effet le 1er janvier
2019. Elles estiment que le Conseil d'État a fondé son avis sur une prémisse erronée, dès lors que le législateur
décrétal aurait pu établir le sixième programme lisier avant le 1er janvier 2019 ou aurait pu prévoir que l'obligation
d'ensemencement de cultures pièges prendrait seulement effet le 1er janvier 2020. Elles considèrent que le
législateur décrétal aurait au moins pu prévoir de ne pas encore infliger des amendes administratives pour la saison
de cultures 2019. Elles font en outre valoir que l'obtention d'une dérogation de la part de la Commission
européenne ne saurait justifier l'instauration rétroactive d'une obligation applicable à l'ensemble du secteur
agricole.
A.4.3. Les parties requérantes font valoir que, dans la pratique, l'ensemencement de cultures pièges se
planifie avant le début de l'année de cultures et que les plans de culture sont établis à l'automne de l'année
précédente. Selon elles, au moment de la promulgation du décret attaqué, les agriculteurs avaient déjà établi leurs
plans de culture et ils avaient déjà indiqué, dans leur demande unique, qui devait être introduite au plus tard le
21 avril 2019, les cultures qu'ils allaient cultiver sur leurs parcelles. Selon les parties requérantes, il était
pratiquement impossible, après le 24 mai 2019, date de la promulgation du décret attaqué, d'apporter encore des
modifications substantielles au plan de culture, notamment parce que certaines cultures doivent se poursuivre dans
les champs quasiment jusqu'à la fin de l'automne et parce qu'il faut tenir compte de la rotation des cultures
préconisée par les bonnes pratiques agricoles. La possibilité administrative d'apporter des modifications dans la
demande unique jusqu'au 31 octobre inclus ne change rien, selon elles, à l'impossibilité matérielle pour certains
agriculteurs de semer encore suffisamment de cultures pièges.
A.4.4. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes font encore valoir que les agriculteurs qui, dans
le passé, ont ensemencé des cultures pièges sur une base volontaire sont, sans qu'existe une justification
raisonnable à cet égard, traités moins favorablement que les agriculteurs qui n'ont pas effectué ces
ensemencements dans le passé, et ce, parce que les dispositions attaquées imposent aux...
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