Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-01-14
Court | Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage) |
Judgment Date | 14 janvier 2021 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210114.6 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210114.6 |
Docket Number | 2/2021 |
Numéros du rôle : 7125, 7150, 7202,
7203 et 7211
Arrêt n° 2/2021
du 14 janvier 2021
ARRÊT
________
En cause : les recours en annulation de l'article 27 de la loi du 25 novembre 2018 « portant
des dispositions diverses concernant le Registre national et les registres de population »,
introduits par le Parti Libertarien et Baudoin Collard, par Matthias Dobbelaere-Welvaert et
autres, par l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », par l'ASBL « Ligue des droits humains » et
par Siham Najmi et John Pitseys en leur qualité de représentants légaux de leur fils
Samuel Pitseys Najmi.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey,
P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée
du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 février 2019 et
parvenue au greffe le 12 février 2019, un recours en annulation de l'article 27 de la loi du
25 novembre 2018 « portant des dispositions diverses concernant le Registre national et les
registres de population » (publiée au Moniteur belge du 13 décembre 2018) a été introduit par
le Parti Libertarien et Baudoin Collard, assistés et représentés par Me R. Fonteyn, avocat au
barreau de Bruxelles.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 mars 2019 et
parvenue au greffe le 25 mars 2019, un recours en annulation de la même disposition légale a
été introduit par Matthias Dobbelaere-Welvaert, Bert Cattoor, Johan Gielen et
Antoon Lowette, assistés et représentés par Me G. Lenssens, avocat au barreau de Bruxelles.
c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 juin 2019 et
parvenue au greffe le 13 juin 2019, l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », assistée et
représentée par Me D. Pattyn, avocat au barreau de Flandre occidentale, et Me R. Fonteyn, a
introduit un recours en annulation de la même disposition légale.
d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 juin 2019 et
parvenue au greffe le 13 juin 2019, l'ASBL « Ligue des droits humains », assistée et
représentée par Me D. Pattyn et Me R. Fonteyn, a introduit un recours en annulation de la
même disposition légale.
e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 juin 2019 et
parvenue au greffe le 17 juin 2019, un recours en annulation de la même disposition légale a
été introduit par Siham Najmi et John Pitseys en leur qualité de représentants légaux de leur
fils Samuel Pitseys Najmi, assistés et représentés par Me R. Fonteyn.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7125, 7150, 7202, 7203 et 7211 du rôle de la Cour,
ont été jointes.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Parti Libertarien et Baudoin Collard, assistés et représentés par Me R. Fonteyn
(parties intervenantes dans l'affaire n° 7150);
- l'ASBL « Ligue des droits humains », assistée et représentée par Me R. Fonteyn (partie
intervenante dans l'affaire n° 7150);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me P. Goffaux, Me D. D'Hooghe et
Me M. Van Den Langenbergh, avocats au barreau de Bruxelles (dans toutes les affaires).
Les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse.
Le Conseil des ministres a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 23 septembre 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
M. Pâques et Y. Kherbache, a décidé que les affaires étaient en état, qu'aucune audience ne
serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception
de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande,
les débats seraient clos le 7 octobre 2020 et les affaires mises en délibéré.
À la suite des demandes des parties requérantes dans les affaires nos 7150 et 7202 à être
entendues, la Cour, par ordonnance du 7 octobre 2020, a fixé l'audience au 12 novembre 2020.
À l'audience publique du 12 novembre 2020 :
- ont comparu :
. Me D. Pattyn loco Me R. Fonteyn, pour les parties requérantes dans les affaires nos 7125
et 7211, et pour les parties intervenantes dans l'affaire n° 7150;
. Me D. Pattyn, pour les parties requérantes dans les affaires nos 7202 et 7203;
. Me G. Lenssens, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 7150;
. Me P. Goffaux et Me M. Van Den Langenbergh, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs M. Pâques et Y. Kherbache ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne la recevabilité du mémoire du Conseil des ministres dans l'affaire n° 7150
A.1.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7150 invoquent la nullité du mémoire du Conseil des
ministres au motif qu'il comporte un ou plusieurs passages en anglais, non traduits, ce qui constitue une violation
de l'article 40 de la loi du 15 juin 1935 « sur l'emploi des langues en matière judiciaire » et entraîne une violation
des droits de la défense.
A.1.2. Le Conseil des ministres répond que son mémoire contient une traduction de tous les passages en
anglais. Seule la légende d'un graphique n'est pas traduite, mais ce graphique est explicité dans le paragraphe qui
le suit, lequel contient une traduction des termes utilisés.
En ce qui concerne l'incidence de l'entrée en vigueur du règlement (UE) 2019/1157 sur la recevabilité des
recours
A.2.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la loi attaquée doit être considérée comme la transposition
anticipée du règlement (UE) 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 « relatif au
renforcement de la sécurité des cartes d'identité des citoyens de l'Union et des documents de séjour délivrés aux
citoyens de l'Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation » (ci-après : le
règlement (UE) 2019/1157), les deux normes ayant une portée identique. Depuis l'entrée en vigueur de ce
règlement, les parties requérantes n'ont, en tout état de cause, plus intérêt au recours. À supposer que la disposition
attaquée soit annulée, le règlement sera toujours d'application et l'État belge sera toujours obligé d'enregistrer les
empreintes digitales sur les cartes d'identité, de sorte que l'annulation ne pourrait conduire au résultat escompté
par les parties requérantes. En toute hypothèse, la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur la validité
d'un règlement européen.
A.2.2. Les parties requérantes dans les affaires nos 7202, 7203 et 7211 répondent qu'elles justifient bien d'un
intérêt à leur recours dès lors que le règlement (UE) 2019/1157 ne sera applicable qu'à partir du 2 août 2021. Elles
font en outre valoir que celui-ci n'est pas compatible avec les normes du droit de l'Union qui lui sont supérieures.
Elles suggèrent donc d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel à propos de la validité
du règlement.
La partie requérante dans l'affaire n° 7202 fait par ailleurs valoir que la compétence de la Cour de justice ne
porte pas préjudice à la compétence de la Cour d'apprécier, le cas échéant, la compatibilité de la disposition
attaquée avec le droit de l'Union, en ce compris avec le règlement (UE) 2019/1157 ou, en cas d'invalidation par
la Cour de justice du règlement précité, de vérifier si le législateur pouvait, au regard de l'article 4, paragraphe 2,
du Traité sur l'Union européenne (ci-après : le TUE) et de l'article 72 du Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne (ci-après : le TFUE), adopter la disposition attaquée et, le cas échéant, si cette disposition est
compatible avec les obligations des États membres en matière de protection des données à caractère personnel et
de libre circulation des citoyens de l'Union.
A.2.3. Le Conseil des ministres répond que le règlement (UE) 2019/1157 est entré en vigueur le 1er août
2019 et que l'État belge est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'application du règlement à
partir du 2 août 2021. La partie requérante dans l'affaire n° 7202 ne démontre pas l'intérêt qu'elle aurait à
l'annulation de la disposition attaquée pour la courte période qui précède, cet intérêt disparaissant en toute
hypothèse à cette date. Ensuite, il ne suffit pas aux parties requérantes de contester la validité du
règlement (UE) 2019/1157 pour conserver leur intérêt au recours. Les parties requérantes ne démontrent pas
qu'elles ont introduit un recours en annulation du règlement devant la Cour de justice, ni que les questions
préjudicielles qu'elles suggèrent sont pertinentes. Enfin, en ce qui concerne la partie requérante dans l'affaire
n° 7211, âgée d'un an lors de l'introduction du recours, elle ne justifie d'aucun intérêt pour ce qui concerne la
période de deux ans précédant l'application du règlement (UE) 2019/1157, dès lors que ce n'est que lorsqu'elle
aura douze ans qu'une carte d'identité intégrant ses empreintes digitales pourra lui être délivrée.
En ce qui concerne l'intérêt des parties requérantes et intervenantes
Affaire n° 7125
A.3.1. La première partie requérante dans l'affaire n° 7125, le Parti Libertarien, est une « association
politique belge qui œuvre à la diffusion des idéaux libertariens et à la réalisation d'une société de pleine liberté
fondée sur le respect des droits naturels inaliénables et sacrés des individus ». La seconde partie requérante dans
cette affaire, Baudoin Collard, est citoyen belge, président du Parti Libertarien et ingénieur en sécurité
informatique.
A.3.2. Le Conseil des ministres soutient que le Parti Libertarien ne...
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