Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage), 2021-02-25
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 25 février 2021 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210225.1 |
Docket Number | 23/2021 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210225.1 |
Court | Verfassungsgerichtshof (Schiedshof),Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage),Grondwettelijk Hof (Arbitragehof) |
Numéros du rôle :
7008 et 7009
Arrêt n° 23/2021
du 25 février 2021
ARRÊT
_________
En cause : les recours :
- en annulation partielle de la loi du 21 novembre 2017 « modifiant la loi du 15 décembre
1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la
loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories
d'étrangers »;
- en annulation des articles 4 et 5 de la loi du 17 décembre 2017 « modifiant la loi du
15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des
étrangers »,
introduits par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moerman,
T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et
T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée
par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 septembre 2018
et parvenue au greffe le 12 septembre 2018, un recours en annulation des articles 4, 8, 10 à 12,
21, 23, 34, 39 à 42, 44 à 46, 48, 56, 57 et 62 de la loi du 21 novembre 2017 « modifiant la loi
du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des
étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres
catégories d'étrangers » (publiée au Moniteur belge du 12 mars 2018) a été introduit par l'Ordre
des barreaux francophones et germanophone, l'ASBL « Association pour le droit des
Etrangers », l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers »,
l'ASBL « Jesuit Refugee Service-Belgium », l'ASBL « Liga voor Mensenrechten »,
l'ASBL « Ligue des droits humains », l'ASBL « Point d'appui. Service d'aide aux personnes
sans papiers », l'ASBL « Bureau d'Accueil et de Défense des Jeunes », l'ASBL « Syndicat des
Avocats pour la Démocratie » et l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen », assistés et
représentés par Me T. Wibault et Me P. Robert, avocats au barreau de Bruxelles.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 septembre 2018
et parvenue au greffe le 12 septembre 2018, les mêmes parties requérantes ont introduit un
recours en annulation des articles 4 et 5 de la loi du 17 décembre 2017 « modifiant la loi du
15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des
étrangers » (publiée au Moniteur belge du 12 mars 2018).
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7008 et 7009 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me D. Matray, Me J. Matray et
Me S. Matray, avocats au barreau de Liège, a introduit des mémoires, les parties requérantes
ont introduit des mémoires en réponse et le Conseil des ministres a également introduit des
mémoires en réplique.
Par ordonnance du 2 juillet 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
J.-P. Moerman et L. Lavrysen, a décidé que les affaires étaient en état, qu'aucune audience ne
serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception
de la notification de cette ordonnance, à être entendue, qu'en cas d'une telle demande, les
affaires seraient prises à l'audience du 23 septembre 2020, à l'heure ultérieurement fixée par le
président, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 15 juillet 2020 et
les affaires mises en délibéré.
Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, les affaires ont été mises en délibéré
le 15 juillet 2020.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à l'intérêt des parties requérantes
A.1. Les parties requérantes estiment justifier d'un intérêt à l'annulation des dispositions attaquées en ce que
celles-ci affectent directement le but qu'elles poursuivent.
La première partie requérante dans les deux affaires, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone,
fait valoir que la loi attaquée porte atteinte aux intérêts de l'avocat en rendant les délais plus courts et la procédure
encore plus complexe. La loi porte également atteinte aux intérêts du justiciable, en diminuant les garanties
procédurales des demandeurs de protection internationale et leur droit à l'accueil et en élargissant le régime de
détention des étrangers et des demandeurs de protection internationale.
Les autres parties requérantes sont des associations sans but lucratif qui ont pour but la protection des intérêts
des étrangers, des réfugiés, des citoyens, ou encore des enfants et des jeunes. Elles considèrent avoir un intérêt à
solliciter l'annulation des dispositions attaquées pour les motifs précités.
A.2. Le Conseil des ministres ne conteste pas la recevabilité des recours.
Quant au fond
En ce qui concerne l'exclusion des poursuites pénales à l'encontre des réfugiés du fait de leur entrée ou de
leur séjour irréguliers (article 34 de la loi du 21 novembre 2017)
A.3. Le premier moyen dans l'affaire n° 7008 est pris de la violation, par l'article 34 de la loi du 21 novembre
2017 « modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement
des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories
d'étrangers » (ci-après : la loi du 21 novembre 2017), des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison
ou non avec l'article 31, paragraphe 1, de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à
Genève le 28 juillet 1951 (ci-après : la Convention de Genève).
Selon les parties requérantes, la disposition attaquée discrimine les demandeurs de protection internationale
qui obtiennent le statut de réfugié par rapport aux autres demandeurs de protection internationale, en ce que ces
deux catégories sont susceptibles, au terme de la procédure relative à la demande de protection internationale, de
faire l'objet de sanctions pénales du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers sur le territoire, alors que
l'article 31, paragraphe 1, de la Convention de Genève l'interdit pour la première catégorie.
A.4. Le Conseil des ministres répond que le moyen procède d'une lecture erronée de l'article 34, attaqué.
Celui-ci ne vise que les demandeurs de protection internationale et ne s'applique donc pas aux réfugiés reconnus.
A.5. Les parties requérantes objectent que la disposition attaquée remplace une disposition conforme aux
normes de références citées dans le moyen par une disposition nécessitant une interprétation pour rester compatible
avec ces normes.
En ce qui concerne la capture de l'image faciale de certains étrangers (articles 8 et 21 de la loi du
21 novembre 2017)
A.6. Les deuxième et troisième moyens dans l'affaire n° 7008 sont pris de la violation, respectivement par
les articles 8 et 21 de la loi du 21 novembre 2017, de l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec
les articles 5, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil
du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la
protection des données) » (ci-après : le RGPD), avec l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne (ci-après : la Charte) et avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Selon les parties requérantes, les dispositions attaquées portent une atteinte grave à la vie privée des étrangers
concernés en ce qu'elles ajoutent aux données personnelles déjà collectées à leur sujet l'image numérique du
visage, pour des motifs non déterminés et sans que le droit de l'Union et, en particulier, le
règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 « Eurodac », qui ne prévoit que
la prise des empreintes digitales, constituent pour ces dispositions un fondement réglementaire adéquat. Les parties
requérantes font valoir que la collecte de l'image faciale, qui est une donnée biométrique au sens de l'article 4,
point 14), du RGPD, doit respecter tant les principes généraux prévus à l'article 5, paragraphe 1, que les conditions
particulières prévues à l'article 9 du même règlement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En ce qui concerne le
deuxième moyen, elles soulignent que la collecte concerne un groupe extrêmement large de personnes.
A.7. Le Conseil des ministres répond que le RGPD est immédiatement et directement applicable en droit
belge. Son respect s'impose donc à toute personne qui est amenée à traiter des données à caractère personnel
relatives à des personnes physiques. C'est aux autorités concernées, en leur qualité de responsables du traitement,
qu'il appartient de veiller à ce que le traitement satisfasse aux principes de licéité et de limitation des finalités
énoncés dans les articles 5 et 9 du RGPD. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le RGPD
consacre actuellement le niveau le plus élevé de protection du droit à la vie privée et familiale.
A.8. Les parties requérantes répondent qu'en l'absence de toute indication quant à la finalité de la collecte
litigieuse, il est impossible de savoir comment l'administration exercera sa faculté de traitement des données
concernées. Le fait que cette collecte constitue pour l'administration une faculté et non une obligation est
insuffisant pour la...
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