Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-06-17

JurisdictionBélgica
Judgment Date17 juin 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210617.4
Docket Number93/2021
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210617.4
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)

Numéro du rôle : 7447

Arrêt n° 93/2021

du 17 juin 2021

ARRÊT

________

En cause : la question préjudicielle concernant les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la

loi du 3 juillet 1978 « relative aux contrats de travail », posée par la Cour du travail de Gand,

division Bruges.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey,

P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée

du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par arrêt du 28 septembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le

6 octobre 2020, la Cour du travail de Gand, division Bruges, a posé la question préjudicielle

suivante :

« Les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de

travail violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les interdictions, contenues

dans ces articles, de conclure des contrats de travail à durée déterminée successifs (article 10

de la loi relative aux contrats de travail) et de conclure des contrats de remplacement successifs

(article 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail) ne peuvent être appliquées

lorsqu'il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de

remplacement ?

Un travailleur qui est occupé sur la base d'une succession de contrats de travail à durée

déterminée et de contrats de remplacement, dont la durée des contrats de travail à durée

déterminée successifs ne dépasse pas deux ans et la durée des contrats de remplacement

successifs ne dépasse pas davantage deux ans, mais dont la durée totale des contrats de travail

à durée déterminée successifs et des contrats de remplacement dépasse deux ans, mais qui, dans

l'interprétation stricte des articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de

travail, ne sera donc pas considéré comme étant occupé dans les liens d'un contrat de travail à

durée indéterminée, est-il, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution belge, discriminé

par comparaison avec :

- soit un travailleur occupé uniquement dans les liens de contrats de travail à durée

déterminée successifs dont la durée totale dépasse deux ans et qui sera donc considéré, sur la

base de l'article 10 de la loi relative aux contrats de travail, comme étant occupé dans les liens

d'un contrat de travail à durée indéterminée;

- soit un travailleur occupé uniquement dans les liens de contrats de remplacement

successifs dont la durée totale dépasse deux ans et qui sera donc considéré, sur la base de

l'article 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail, comme étant occupé dans

les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée ? ».

Des mémoires ont été introduits par :

- Jacques Hommé, assisté et représenté par Me J. Cansse, avocat au barreau de Gand;

- la Communauté flamande (représentée par le Gouvernement flamand, poursuites et

diligences du ministre flamand du Bien-être, de la Santé publique, de la Famille et de la Lutte

contre la pauvreté) et le Gouvernement flamand, assistés et représentés par Me B. Staelens,

avocat au barreau de Flandre occidentale;

- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me V. Pertry, avocat au barreau de

Bruxelles.

La Communauté flamande et le Gouvernement flamand ont également introduit un

mémoire en réponse.

Par ordonnance du 21 avril 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs

Y. Kherbache et M. Pâques, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait

tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de

la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les

débats seraient clos le 5 mai 2021 et l'affaire mise en délibéré.

Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le 5 mai

2021.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives

à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

II. Les faits et la procédure antérieure

Jacques Hommé, partie demanderesse devant la juridiction a quo, est entré au service de la Communauté

flamande en tant qu'employé le 5 février 2001 sur la base d'un contrat de remplacement. Il a par la suite travaillé

sans interruption pour la Communauté flamande en vertu d'une succession de divers contrats de remplacement et

contrats de travail à durée déterminée, jusqu'à son licenciement en date du 5 octobre 2017. À cette date, la

Communauté flamande a décidé de mettre fin au contrat de travail à durée déterminée qui avait pris cours le

1er janvier 2017 et de lui verser une indemnité de préavis de 10 370,59 euros bruts. Cette somme correspond au

salaire jusqu'au 31 décembre 2017, qui est la date d'échéance du contrat de travail en cours.

Le 1er février 2018, Jacques Hommé a adressé à la Communauté flamande une lettre recommandée dans

laquelle il a fait valoir que, depuis le 5 février 2001, il était occupé sans interruption et qu'il était donc question

d'un contrat de travail à durée indéterminée. La Communauté flamande a été invitée à payer une indemnité de

préavis égale au salaire équivalant à treize mois et treize semaines. Par lettre du 8 mars 2018, la Communauté

flamande a répondu qu'il n'avait pas droit à une indemnité de préavis complémentaire.

Le 28 juin 2018, Jacques Hommé a cité la Communauté flamande à comparaître devant le Tribunal du travail

de Gand, division Bruges, et a demandé de condamner la Communauté flamande au paiement d'une indemnité de

préavis de 57 366,92 euros, à majorer des intérêts judiciaires et des frais de justice. Par jugement du 17 juin 2019,

le Tribunal du travail a déclaré la demande de Jacques Hommé non fondée. Ce dernier a interjeté appel de ce

jugement.

Par arrêt du 28 septembre 2020, la Cour du travail de Gand, division Bruges, qui est la juridiction a quo, juge

que la Communauté flamande n'avait pas de raison légitime au sens de l'article 10 de la loi du 3 juillet 1978

« relative aux contrats de travail » (ci-après : la loi du 3 juillet 1978) pour conclure avec Jacques Hommé des

contrats de travail successifs à durée déterminée. Elle ajoute que les présomptions contenues dans les articles 10

et 11ter, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978 doivent être interprétées strictement. En vertu de ces dispositions, des

contrats de travail successifs à durée déterminée dans le premier cas et des contrats de remplacement successifs

dans le second doivent être considérés comme des contrats de travail à durée indéterminée lorsque la durée de

deux ans est dépassée. Ces présomptions ne s'appliquent toutefois pas lorsque, comme en l'espèce, des contrats

de travail à durée déterminée et des contrats de remplacement se succèdent. Par conséquent, Jacques Hommé ne

peut pas invoquer ces présomptions. La Cour du travail constate qu'il n'était pas question de fraude à la loi ou

d'abus de droit de la part de la Communauté flamande, dès lors qu'elle a toujours eu l'intention de maintenir

l'emploi de Jacques Hommé même s'il ne remplissait pas les conditions prévues par le statut du personnel pour

être engagé à durée indéterminée. La Cour du travail se pose toutefois des questions concernant la compatibilité

de cette interprétation stricte des articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978 avec les articles 10

et 11 de la Constitution. Elle se demande plus particulièrement si la succession de contrats...

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