Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-03-04
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 04 mars 2021 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210304.9 |
Docket Number | 36/2021 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210304.9 |
Court | Grondwettelijk Hof (Arbitragehof) |
Numéro du rôle : 7298
Arrêt n° 36/2021
du 4 mars 2021
ARRÊT
________
En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 7 mai 2019 « modifiant la loi du
7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection
des joueurs, et insérant l'article 37/1 dans la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du
fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale », introduit par
l'ASBL « UBA-BNGO » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, R. Leysen,
M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le
président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 novembre 2019 et
parvenue au greffe le 19 novembre 2019, un recours en annulation partielle de la loi du 7 mai
2019 « modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de
jeux de hasard et la protection des joueurs, et insérant l'article 37/1 dans la loi du 19 avril 2002
relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale » (publiée
au Moniteur belge du 15 mai 2019) a été introduit par l'ASBL « UBA-BNGO », la
SA « Willy Michiels Company » et la SPRL « Conexion », assistées et représentées par
Me Y. Van Damme et Me D. Pattyn, avocats au barreau de Flandre occidentale.
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me J. Vanpraet et Me R. Veranneman,
avocats au barreau de Flandre occidentale, a introduit un mémoire, les parties requérantes ont
introduit un mémoire en réponse et le Conseil des ministres a également introduit un mémoire
en réplique.
Par ordonnance du 12 novembre 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs
Y. Kherbache et M. Pâques, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait
tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de
la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les
débats seraient clos le 25 novembre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
À la suite de la demande des parties requérantes à être entendues, la Cour, par ordonnance du
25 novembre 2020, a fixé l'audience au 13 janvier 2021.
À l'audience publique du 13 janvier 2021 :
- ont comparu :
. Me D. Pattyn, pour les parties requérantes;
. Me B. Van den Berghe, avocat au barreau de Flandre occidentale, loco Me J. Vanpraet,
pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs Y. Kherbache et M. Pâques ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. L'ASBL « UBA-BNGO », la SA « Willy Michiels Company » et la SPRL « Conexion » demandent
l'annulation des articles 2, 3, 9, 10, 11, 12, 18, 19, 35 et 37 de la loi du 7 mai 2019 « modifiant la loi du 7 mai
1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, et insérant
l'article 37/1 dans la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la
Loterie Nationale » (ci-après : la loi du 7 mai 2019).
La loi attaquée a pour but principal de modifier la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les
établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999) et, dans une moindre
mesure, de modifier la loi du 19 avril 2002 « relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la
Loterie Nationale ».
A.1.2. En ce qui concerne la recevabilité du recours, l'ASBL « UBA-BNGO » allègue que son but statutaire
est de nature particulière et qu'il se distingue de l'intérêt général, qu'elle défend un intérêt collectif, que la norme
attaquée est susceptible d'affecter son but statutaire et qu'il n'apparaît pas que ce but statutaire n'est pas ou n'est
plus réellement poursuivi. La SA « Willy Michiels Company » est titulaire de la licence E7999 et, en tant que
titulaire d'une licence E, elle place des jeux de hasard dans des cafés (établissements de jeux de hasard de
classe III), qu'elle met à la disposition du titulaire de licence de classe C, sachant que le produit de l'exploitation
des jeux de hasard est partagé entre elle-même et le titulaire de licence de classe C. La SPRL « Conexion » est
titulaire de la licence C490213 pour l'exploitation de jeux de hasard dans son établissement de jeux de hasard de
classe III.
A.1.3. Le Conseil des ministres ne soulève aucune exception d'irrecevabilité.
Quant au fond
A.2. Quant au fond, les parties requérantes invoquent cinq moyens, dont le troisième est subdivisé en quatre
branches, le quatrième en trois branches et le cinquième en deux branches.
En ce qui concerne le premier moyen
A.3.1. Le premier moyen porte sur la modification législative concernant les « appareils 3.3 », sur
l'assujettissement des « appareils 3.3 » à la loi du 7 mai 1999, sur l'introduction de la catégorie de jeux de hasard
« jeux de hasard automatiques avec mise atténuée » et sur l'obligation de disposer d'une licence pour ces appareils.
Les parties requérantes invoquent la violation, par les articles 2, 3 et 18 de la loi du 7 mai 2019, des articles 10, 11
et 12 de la Constitution, de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles, de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 16 et 52 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général de droit de la liberté de commerce
et d'industrie et de la liberté d'entreprendre. Les exploitants de jeux de cartes et de société au sens de l'article 3,
3°, de la loi du 7 mai 1999 qui sont pratiqués au moyen d'un appareil (du type « appareils 3.3 »), qui ne peuvent
procurer qu'un avantage matériel de faible valeur et qui sont pratiqués en dehors des établissements de jeux de
hasard de classe I, II et III, ne sont pas soumis aux mêmes limitations que les exploitants des mêmes jeux de cartes
et de société pratiqués dans un établissement de jeux de hasard de classe III. Les parties requérantes invoquent la
violation du principe d'égalité, en ce que les exploitants des « appareils 3.3 » sont traités différemment selon que
ces appareils sont exploités au sein ou en dehors d'établissements de jeux de hasard de classe III; cette inégalité
de traitement s'observe au niveau du champ d'application de la loi du 7 mai 1999, de la limitation du nombre
d'appareils et du montant de la mise, et de la perte horaire moyenne.
Selon les parties requérantes, la loi attaquée distingue deux catégories de personnes, à savoir les personnes
physiques et morales qui exploitent des « appareils 3.3 » en dehors d'un établissement de jeux de hasard de
classe I, II ou III et les personnes physiques et morales qui exploitent des « appareils 3.3 » à l'intérieur d'un
établissement de jeux de hasard de classe III. La seule restriction imposée à la première catégorie de personnes
tient en ce que ces personnes ne peuvent pas exploiter les « appareils 3.3 » dans des établissements où sont vendues
des boissons qui, quelle qu'en soit la nature, sont consommées sur place. Ils peuvent toutefois exploiter ces
appareils dans des parcs d'attractions, des kermesses, des foires commerciales ou autres, ainsi que dans des
établissements où sont vendues des boissons, pour autant qu'elles ne le soient pas dans le but d'une consommation
sur place. Le seul critère sur lequel la distinction entre ces personnes repose est donc la vente ou non de boissons,
quelle qu'en soit la nature, à consommer au sein de l'établissement dans lequel les « appareils 3.3 » sont exploités.
Les parties requérantes estiment que la différence de traitement ne repose pas sur un critère objectif. Le seul
critère est en effet la vente ou non de boissons, quelle qu'en soit la nature, à consommer sur place dans
l'établissement au sein duquel les « appareils 3.3 » sont exploités. Il n'y a aucun obstacle à la vente de boissons
sur le lieu d'exploitation des « appareils 3.3 », tant que cette vente n'est pas destinée à une consommation sur
place. Le critère n'est pas pertinent ni adéquat eu égard aux objectifs de la loi du 7 mai 1999. Les communes sont
autorisées à soumettre des « appareils 3.3 » placés en dehors d'un établissement de jeux de hasard de classe III à
une autorisation préalable et à des conditions non techniques, mais elles n'y sont pas tenues et il n'est prévu aucune
condition minimale à laquelle les règlements et ordonnances communaux doivent satisfaire.
A.3.2.1. En ce qui concerne le premier moyen, le Conseil des ministres objecte qu'il est partiellement
irrecevable parce que la violation alléguée de l'article 12 de la Constitution et de l'article 5 de la Convention
européenne des droits de l'homme n'est pas explicitée.
A.3.2.2. Quant au fond, le Conseil des ministres observe que les jeux de cartes et de société pratiqués dans
des établissements de jeux de hasard de classe I et II doivent toujours être considérés comme des jeux de hasard,
que les jeux soient proposés sur des appareils ou non.
La différence de traitement repose sur un critère objectif, en l'occurrence la question de savoir si l'appareil
est exploité en dehors d'un établissement de jeux de hasard de classe I, II et III, ou au sein d'un établissement de
jeux de hasard de classe III. La subdivision par classes des établissements de jeux de hasard s'accompagne de
différences fondamentales en ce qui concerne la nature de l'établissement de jeux de hasard et le nombre de jeux
de hasard.
La différence de...
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