Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage), 2024-10-24
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 24 octobre 2024 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.113 |
Court | Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage),Grondwettelijk Hof (Arbitragehof) |
Docket Number | 113/2024 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.113 |
Cour constitutionnelle
Arrêt n° 113/2024
du 24 octobre 2024
Numéro du rôle : 8102
En cause : les questions préjudicielles concernant l’article 32decies, § 1er/1, de la loi du 4 août 1996 « relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail », posées par le tribunal correctionnel du Brabant wallon.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 7 novembre 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 novembre 2023, le tribunal correctionnel du Brabant wallon a posé les questions préjudicielles suivantes :
« L’article 32decies, § 1er/1, spécialement ses alinéas 2 à 5, de la loi du 4 août 1996
relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail (tel qu’inséré par l’article 2, 3°, de la loi du 28 mars 2014 modifiant le Code judiciaire et la loi du 4 août 1996
relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail en ce qui concerne les procédures judiciaires et tel que modifié par l’article 13 de la loi du 7 avril 2023 modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, et la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, pour ce qui concerne la protection contre les mesures préjudiciables), interprété comme interdisant aux juridictions saisies d’un litige relatif à l’indemnisation d’un dommage découlant d’un acte de violence au travail tout pouvoir d’appréciation quant à l’étendue du montant à allouer, hormis les hypothèses visées à l’article 32decies, § 1er/1, alinéa 2, 1° ou 2°, deuxième phrase, de la loi du 4 août 1996 susmentionnée, viole-t-il les articles 10, 11 et 12, alinéa 2, de la Constitution,
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lus isolément ou en combinaison avec les articles 6.1 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que :
1) il crée une distinction tant pour l’auteur que pour la victime selon que d’une part, il s’agisse d’un fait de violence pénalement réprimé, se déroulant dans des circonstances non visées par l’article 32ter, alinéa 1er, 1° de la loi du 4 août 1996 susmentionnée, ou d’autre part, qu’il s’agisse d’un fait de violence au travail au sens de l’article précité, l’auteur n’étant tenu, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil, qu’à la réparation intégrale du préjudice subi et prouvé par la victime dans le premier cas alors que dans le second cas, la victime a le choix entre la réparation intégrale du dommage ou l’allocation d’un montant forfaitaire;
2) il crée une distinction tant pour l’auteur que pour la victime selon que la victime d’un fait de violence au travail au sens de l’article 32ter, alinéa 1er, 1°, de la loi du 4 août 1996 d’une part, soit ou d’autre part, ne soit pas une personne autre que celles visées à l’article 2, § 1er, de la loi du 4 août 1996 susmentionnée lorsqu’elle agit en dehors du cadre de son activité professionnelle, l’auteur n’étant alors tenu, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil et à l’article 32decies, § 1er/1, alinéa 3, de la loi du 4 août 1996, qu’à la réparation intégrale du préjudice subi et prouvé par la victime dans le second cas;
3) il crée une distinction tant pour l’auteur que pour la victime en fixant le dommage selon la hauteur des revenus de la victime jusqu’à concurrence du plafond fixé par l’article 32decies, § 1er/1, alinéa 5, de la loi du 4 août 1996 susmentionnée, sans prendre en compte le dommage réellement subi par la victime;
4) la disposition litigieuse constituerait une peine, non prévisible et non accessible, en allouant au bénéfice de la victime d’un fait de violence au travail et selon le choix discrétionnaire de celle-ci un montant forfaitaire échappant à tout contrôle juridictionnel ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- P.M., assisté et représenté par Me Koen de Puydt, Me Toon Rumens et Me Sidney Van Ommeslaghe, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Hervé Deckers et Me Lucas Mesdom, avocats au barreau de Liège-Huy.
Le Conseil des ministres a également introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 17 juillet 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Michel Pâques et Yasmine Kherbache, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
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Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Par son jugement du 7 novembre 2023, la juridiction a quo juge, sur le volet pénal, que P.M. est coupable d’une infraction de violence au travail envers un inspecteur social lors d’un contrôle effectué en juillet 2020
(infraction à l’article 32bis, alinéa 1er, de la loi du 4 août 1996 « relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail » (ci-après : la loi du 4 août 1996), sanctionnée par l’article 119 du Code pénal social), ainsi que d’une infraction d’obstacle à la surveillance lors du même contrôle. La juridiction a quo ordonne la suspension du prononcé de la condamnation. Elle examine ensuite, sur le volet civil, la demande de l’inspecteur social, qui s’est constitué partie civile et qui réclame l’indemnisation forfaitaire prévue par l’article 32decies, § 1er/1, de la loi du 4 août 1996. Cette disposition permet à la victime d’un acte de violence au travail de réclamer soit une indemnisation correspondant au dommage réel, soit une indemnisation forfaitaire correspondant, selon les cas, à trois mois ou six mois de rémunération brute. La juridiction a quo juge que l’inspecteur social a effectivement subi un préjudice, de nature morale. En l’absence de tout élément de preuve quant à l’étendue de ce préjudice, elle se demande toutefois si le montant de l’indemnisation forfaitaire n’est pas disproportionné au préjudice réellement subi. La juridiction a quo considère que la question de la constitutionnalité de la disposition en cause doit être examinée avant celle de savoir si, comme le soutient P.M., le fait de réclamer l’indemnisation forfaitaire est constitutif d’un abus de droit. Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la juridiction a quo décide de poser les questions préjudicielles reproduites plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. P.M. fait valoir que, dans l’interprétation selon laquelle le juge est tenu d’ordonner l’indemnisation forfaitaire lorsque la victime opte pour celle-ci, la disposition en cause n’est pas compatible avec les articles 10, 11 et 12, alinéa 2, de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, paragraphe 1, et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme. Premièrement, P.M. soutient que, si le type et l’étendue de l’indemnité sont laissés au choix discrétionnaire et absolu de la victime, il se peut que cela devienne une indemnité punitive. Selon lui, il est discriminatoire et contraire aux exigences du droit à un procès équitable que deux auteurs d’infractions identiques puissent être tenus, selon le choix de la victime, au paiement d’indemnités totalement différentes. Se référant à l’arrêt de la Cour n° 5/98 du 21 janvier 1998 (ECLI:BE:GHCC:1998:ARR.005), il observe qu’une indemnité forfaitaire doit rester, en tout temps et dans chaque cas d’espèce, proportionnée au dommage subi.
Deuxièmement, P.M. souligne que le juge a l’obligation de garantir un procès juste et équitable et de veiller au respect des principes de proportionnalité et d’égalité des armes. Selon lui, dans l’interprétation précitée, la disposition en cause porte atteinte à ces obligations qui incombent au juge, ainsi qu’à son indépendance et à son impartialité. Par ailleurs, il estime que la victime commet un abus de droit si elle réclame l’indemnisation forfaitaire alors qu’elle sait que son dommage réel est inférieur. Troisièmement, P.M. considère que, dans l’interprétation précitée de la disposition en cause, l’indemnité constitue une peine imprévisible, qui dépend du seul choix de la victime. Selon lui, l’effet dissuasif est réservé à la victime, alors qu’il devrait uniquement émaner de l’autorité publique. Il ajoute que les victimes de violence qui ne peuvent pas se prévaloir de la disposition en cause sont discriminées, dès lors qu’elles doivent prouver le dommage et le lien causal. Enfin, il critique la grande imprévisibilité découlant du fait que la hauteur de la peine change en fonction de la rémunération de la victime.
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P.M. soutient que, pour pallier l’éventuelle inconstitutionnalité, la disposition en cause doit être interprétée en ce sens qu’elle se limite à fixer des lignes directrices pour le juge, qui doit conserver son pouvoir d’appréciation quant à l’indemnisation la plus juste à ordonner.
A.2. Le Conseil des ministres souligne que l’article 32decies, § 1er/1, de la loi du 4 août 1996, tel qu’il a été inséré par la loi du 28 mars 2014 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail en ce qui concerne les procédures judiciaires », permet à la victime...
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