Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage), 2024-07-10
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 10 juillet 2024 |
ECLI | ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.079 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.079 |
Docket Number | 79/2024 |
Court | Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage),Grondwettelijk Hof (Arbitragehof) |
Cour constitutionnelle
Arrêt n° 79/2024
du 10 juillet 2024
Numéro du rôle : 7975
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 59, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992 (exercices d’imposition 2017 et 2018), posée par le Tribunal de première instance du Brabant wallon.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 31 mars 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 avril 2023, le Tribunal de première instance du Brabant wallon a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 59 du Code des impôts sur les revenus 1992 et plus particulièrement le paragraphe 4 de cette disposition (tel qu’applicable aux exercices d’imposition 2017 et 2018)
viole-t-il le principe constitutionnel d’égalité ou de non-discrimination tel que prévu aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution s’il est interprété d’une telle façon que toutes les pensions extra-légales constituées au cours de toute une carrière doivent être prises en compte dans le cadre du calcul de la règle des 80 % (et donc également celles constituées dans le cadre d’une activité professionnelle antérieure auprès d’une autre entreprise) indépendamment du nombre d’années qui peuvent être prises en compte par l’employeur actuel/la société en question dans le numérateur de la fraction de carrière en vertu de l’article 35 § 2, 2° de l’AR/CIR 92 (et le cas échéant l’article 35 § 3 de l’AR/CIR 92), tandis que le nombre d’années qui peuvent être prises en compte dans le numérateur de la fraction de carrière diffère selon que le bénéficiaire des pensions change ou non d’employeur / de société au cours de sa carrière, ce qui fait que, pour un employé ou dirigeant d’entreprise qui ne change pas d’employeur / de société, un montant total plus élevé de pensions extra-légales peut être constitué au moyen de
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primes déductibles que pour un employé ou un dirigeant d’entreprise qui a changé d’employeur / de société ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- la SNC « Touch & Coach Consult », assistée et représentée par Me Alain Huyghe et Me Marie Krug, avocats au barreau de Bruxelles;
- l’ASBL « Assuralia », la SA « AG Insurance », la SA « Allianz Benelux », la SA « AXA Belgium », la SA « Baloise Belgium », la SA « KBC Assurances », la SA « NN Insurance Belgium » et la SC « P&V Assurances », assistées et représentées par Me Alain Huyghe et Me Marie Krug (parties intervenantes);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Anne Vranckx, avocate au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 24 avril 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande de différentes parties à être entendues, la Cour, par ordonnance du 15 mai 2024, a fixé l’audience au 12 juin 2024.
À l’audience publique du 12 juin 2024 :
- ont comparu :
. Me Alain Huyghe et Me Marie Krug, pour la SNC « Touch & Coach Consult » et pour l’ASBL « Assuralia » et autres;
- les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt ont fait rapport;
- Me Marie Krug a été entendue;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 1er avril 2015, la SNC « Touch & Coach Consult » conclut au profit de ses dirigeants, Jean-Marc Vertroost et Catherine Delbrouck, des contrats d’engagement individuel de pension (ci-après : contrats EIP) auprès de la SA « AG Insurance ». Les primes et cotisations de rattrapage versées dans le cadre de ces contrats sont intégralement déduites par la SNC « Touch & Coach Consult » à titre de frais professionnels à l’impôt des
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sociétés pour les exercices d’imposition 2017 et 2018, sur la base des articles 49, 52, 3°, b), et 195 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992).
Par des avis de rectification du 2 octobre 2019, l’administration fiscale fait savoir à la SNC « Touch & Coach Consult » que les primes payées dans le cadre des contrats EIP doivent être rejetées en tant que frais professionnels déductibles, en raison du dépassement de la limite de 80 % prévue à l’article 59 du CIR 1992, et qu’un accroissement d’impôt de 10 % est dû pour chaque exercice.
Après le rejet de sa réclamation administrative dirigée contre les cotisations concernées, la SNC « Touch & Coach Consult » introduit une action devant le Tribunal de première instance du Brabant wallon.
Le Tribunal estime qu’on n’aperçoit pas clairement si les termes « au regard de l’ensemble des pensions légales et des pensions extra-légales exprimées en rentes annuelles » contenus dans l’article 59, § 4, du CIR 1992 désignent l’ensemble des réserves de tous les contrats du premier et du deuxième piliers constituées au sein de l’entreprise visée (champ d’application matériel) ou toutes les pensions légales et extra-légales constituées durant la totalité de la carrière, en ce compris celles constituées au cours d’une activité professionnelle antérieure (champ d’application temporel). Il estime que, compte tenu de l’objectif du législateur, il y a lieu, pour le calcul de la limite de 80 %
dans le cas d’une carrière qui s’est déroulée au sein de plusieurs entreprises, de prendre en compte uniquement les pensions extra-légales constituées au sein de l’entreprise concernée et non les pensions constituées auprès des employeurs précédents. Dès lors que cette disposition soumet à des traitements fiscaux différents deux catégories de contribuables qui se trouvent apparemment dans des situations identiques et que la source de cette discrimination provient de l’article 59, § 4, du CIR 1992 dans son interprétation par l’administration fiscale, le Tribunal estime qu’il s’indique de poser à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1.1. Se référant à l’arrêt de la Cour n° 23/2023 du 9 février 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.023), le Conseil des ministres estime, à titre principal, que la question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour. Il soutient que l’article 59 du CIR 1992 énonce une règle anti-abus dont la mise en œuvre concrète est prévue et explicitée dans l’arrêté royal du 27 août 1993 « d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 » (ci-
après : l’AR/CIR 1992).
A.1.2. Le Conseil des ministres estime à titre subsidiaire que la question préjudicielle appelle une réponse négative. Premièrement, il ressort de la disposition en cause et des travaux préparatoires que tous les capitaux de pension doivent être pris en compte pour le calcul de la limite de 80 %. Cette mesure est pertinente au regard de l’objectif du législateur d’éviter la constitution de pensions excessives par le biais de cotisations déductibles fiscalement. Le législateur a voulu maintenir les prestations extra-légales destinées à compléter la pension légale dans une certaine limite permettant au travailleur de bénéficier d’une pension « convenable » et éviter qu’une partie de la rémunération du travailleur soit transformée en prestations extra-légales bénéficiant d’une taxation sensiblement plus avantageuse. Deuxièmement, à défaut de prendre en compte la prestation extra-légale constituée auprès d’un autre employeur, le travailleur peut bénéficier de prestations légales et extra-légales sensiblement supérieures à 80 % de sa dernière rémunération brute annuelle normale. Troisièmement, la prise en considération de l’ensemble des prestations extra-légales antérieurement constituées permet de tenir compte du fait que celles-
ci continuent à générer des intérêts même si le travailleur a changé d’employeur. Quatrièmement, les exemples cités par la juridiction a quo sont trop simplistes et irréalistes. Cinquièmement, la règle en cause n’est pas discriminatoire, dès lors qu’elle s’applique à toutes les entreprises.
Se référant à l’arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2009 (ECLI:BE:CASS:2009:ARR.20090115.12), le Conseil des ministres observe que la limitation de la carrière prise en considération pour le calcul de la règle de 80 % à celle qui est effectuée au sein de l’entreprise concernée s’explique par le fait que l’entreprise ne peut pas
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financer les prestations extra-légales de son travailleur ou de son dirigeant d’entreprise en raison de l’activité effectuée par celui-ci en dehors de l’entreprise.
A.2.1. Le Conseil des ministres observe qu’il n’appartient pas à la SNC « Touch & Coach Consult » de proposer une interprétation de l’article 59, § 4, du CIR 1992 différente de celle retenue par la juridiction a quo dans la question préjudicielle. Cette disposition prévoit clairement que « l’ensemble » des pensions légales et des pensions extra-légales doivent être prises en compte, de sorte qu’il n’y a pas lieu de distinguer dans cette disposition un « angle matériel » et un « angle temporel ».
Selon le Conseil des ministres, il ressort des points 59/43 à 59/46 du commentaire du Code des impôts sur les revenus que les cotisations patronales doivent être liées à la rémunération versée par l’employeur pour être déductibles par celui-ci. L’extrait du commentaire auquel la SNC « Touch & Coach Consult » se réfère concerne le cas d’un travailleur ou d’un dirigeant d’entreprise qui travaille simultanément pour différents employeurs ou...
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