Jugement/arrêt, Conseil d'État, 2020-11-24
Jurisdiction | Bélgica |
Judgment Date | 24 novembre 2020 |
ECLI | ECLI:BE:RVSCE:2020:ARR.249.016 |
Court | Conseil d'État |
Docket Number | A. 230052/XIII-8885 |
Link to Original Source | https://juportal.be/content/ECLI:BE:RVSCE:2020:ARR.249.016 |
CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF
LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ
no 249.016 du 24 novembre 2020
A. 230.052/XIII-8885
En cause : LORETTE Jean-Christophe, ayant élu domicile chez Me Michaël PILCER, avocat, avenue Albert-Elisabeth 46
1200 Bruxelles, contre :
1. la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, ayant élu domicile chez Me Julien BOUILLARD, avocat, rue Jean-Baptiste Brabant 56
5000 Namur, 2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue de Tervueren 34/27
1040 Bruxelles,
Partie intervenante :
la société anonyme MELIN, ayant élu domicile chez Mes Benoît HAVET, Audrey ZIANS et Sophie OZCAN avocats, rue de Bruxelles 51
1400 Nivelles.
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I. Objet de la requête
Par une requête introduite le 10 mars 2020, Jean-Christophe Lorette demande la suspension de l‟exécution de la délibération du 7 novembre 2019 par laquelle le collège communal de la ville d‟Ottignies-Louvain-la-Neuve délivre à la société anonyme (SA) Melin un permis d‟urbanisme autorisant la construction d‟un ensemble de 53 logements collectifs avec garages et l‟aménagement d‟abords sur la parcelle cadastrée 1ère division, section F, n° 65/02b, ainsi que la réalisation de
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voiries et de cheminements publics sur les parcelles cadastrées 1ère division, partie des nos 64/05c, 65c, 63x7, 64/02, 64b, et 2ème division, section A, partie du n° 29l.
II. Procédure
Par une requête introduite le 22 janvier 2020, Jean-Christophe Lorette a demandé l‟annulation de cette même décision.
Par une requête introduite par la voie électronique le 10 mars 2020, la SA Melin demande à être reçue en qualité de partie intervenante.
Les dossiers administratifs et les mémoires en réponse ont été déposés.
Des notes d‟observations ont été déposées par les parties adverses et intervenante.
Une note « en réponse à la note d'observations de la partie intervenante »
a été déposée par la seconde partie adverse le 22 juillet 2020. Cette pièce doit être écartée des débats, n'étant ni prévue par le règlement général de procédure ni déposée dans le délai réglementaire de quinze jours prévu pour le dépôt des notes d'observations.
M. Michel Quintin, premier auditeur chef de section au Conseil d‟État, a rédigé un rapport sur la base de l‟article 12 de l‟arrêté royal du 5 décembre 1991
déterminant la procédure en référé devant le Conseil d‟État.
Le rapport a été notifié aux parties.
Par une ordonnance du 8 octobre 2020, l‟affaire a été fixée à l‟audience du 12 novembre 2020 et le rapport a été notifié aux parties.
M. Luc Donnay, conseiller d‟État, président f.f., a exposé son rapport.
Me Michaël Pilcer, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Sophie Baudoin, loco Me Julien Bouillard, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, Me Charlotte Mathieu, loco Me Pierre Moërynck, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse, et Mes Audrey Zians et Sophie Ozcan, avocats, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.
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M. Michel Quintin, premier auditeur chef de section, a été entendu en son avis conforme.
Il est fait application des dispositions relatives à l‟emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d‟État, coordonnées le 12 janvier 1973.
III. Faits
1. Le requérant et son épouse sont propriétaires de biens immobiliers situés à Ottignies-Louvain-la-Neuve, avenue des Combattants, nos 1erbis et 3; ils sont domiciliés dans la maison sise au numéro 3 de ladite avenue.
De l‟autre côté de l‟avenue des Combattants, sont situés, d‟une part, un ensemble immobilier bâti, dénommé la ferme du Douaire, et, d‟autre part, un terrain non bâti attenant à celle-ci, à usage de prairie, et pour lequel la SA Melin bénéficie d‟une autorisation de bâtir accordée par le propriétaire du bien. La parcelle non bâtie est cadastrée section F n° 65/02B et présente une superficie de 44 a.
Au plan de secteur de Wavre-Jodoigne-Perwez, la parcelle 65/02B est située en zone d‟habitat. La parcelle est reprise en aire 1.1bis dite du « nouveau cœur de la ville d‟Ottignies » au guide communal d‟urbanisme (GCU), en zone habitat à caractère urbain au schéma de développement communal et très partiellement dans le périmètre du schéma d‟orientation local (SOL) dit de « la Tannerie » adopté le 2 décembre 1999.
Le litige concerne également, selon l‟acte attaqué, d‟autres parcelles voisines qui sont situées au plan de secteur en zone d‟habitat ou en zone d‟activité économique mixte (parties des parcelles 64B, 29G). Les parcelles 65C, 64/05C, 63X7, 64/02 et 64B sont en tout ou partie couvertes par un périmètre d‟intérêt culturel, historique ou esthétique. Ces autres parcelles sont principalement reprises en aire 1.1bis dite du « nouveau cœur de la ville d‟Ottignies » au GCU. Elles sont également régies par un schéma de développement communal (SDC) qui les situe principalement en zone d‟habitat à caractère urbain. Des parcelles sont situées en partie dans le périmètre du SOL de « La Tannerie ».
Un arrêté de l‟Exécutif de la Communauté française du 31 août 1984
classe, en raison de leur valeur historique, artistique et scientifique :
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a/ comme monument, les façades et toitures de l‟ensemble des bâtiments ainsi que la cave de la ferme du Douaire sise avenue des Combattants, 2, à Ottignies-
Louvain-la-Neuve;
b/ comme site, l‟ensemble formé par ces bâtiments et les terrains environnants; ces biens sont connus au cadastre d‟Ottignies-Louvain-la-Neuve, section A n° 31M
(31 a), et section F n° 65B (17 a 40 ca), 67B (18 a 30 ca) et 63P6. La parcelle cadastrée à l‟époque 31M paraît correspondre à l‟actuelle parcelle 65/02B.
L‟article 2 de l‟arrêté du 31 août 1984 dispose qu‟afin de sauvegarder l‟intérêt régional, il est interdit aux propriétaires, sauf autorisation préalable accordée conformément aux dispositions de l‟article 6 de la loi du 7 août 1931, modifiée par le décret du 28 juin 1976 :
1°) d‟effectuer tout travail de nature à modifier l‟aspect du terrain ou de la végétation;
2°) d‟abattre, de détruire, de déraciner ou d‟endommager les arbres et les plantes;
3°) de dresser des tentes et d‟ériger toute installation quelconque (fixe, mobile ou démontable, provisoire ou définitive), servant d‟abri, de logement ou à des fins commerciales;
4°) d‟abandonner ou de jeter des papiers, récipients vides, déchets ou détritus quelconques :
5°) de planter des poteaux ou des pylônes destinés au transport de l‟énergie électrique ou à tout autre usage;
6°) d‟établir tout type d‟affichage publicitaire;
7°) d‟ériger des constructions nouvelles ou de modifier celles qui existent.
La ferme du Douaire est une construction typique brabançonne du e XVIII siècle. Elle se compose du corps de logis en forme de « L », d‟une grange en long datant du XVIIIe siècle, d‟écuries et d‟étables coiffées d‟une bâtière en tuile; les bâtiments sont construits autour d‟une cour intérieure carrée. Elle fut laissée à l‟abandon de 1962 jusqu‟en 1971, date à laquelle elle a été achetée par la ville en vue de la restaurer. Elle est réaffectée en espace culturel et récréatif depuis 1989.
2. Le 16 février 2012, la SA Melin introduit auprès de l‟administration communale d‟Ottignies-Louvain-la-Neuve une première demande de permis d‟urbanisme en vue de la construction d‟un complexe d‟appartements de 59 unités et de 8 maisons, sur un bien situé avenue des Combattants et cadastré section F, n° 65/2B.
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3. Le 1er mars 2013, le département du Patrimoine écrit au fonctionnaire délégué ce qui suit :
« Le projet de construction viendrait s‟implanter en site classé. C‟est assez paradoxal pour le service du Patrimoine. Lors d‟une réunion informelle avec les auteurs de projet, j‟ai signalé la présence du site classé autour de l‟ancienne ferme du Douaire également classée comme monument en 1984.
L‟intérêt biologique du site n‟apparaît pas directement; par contre son intérêt paysager dans un parcellaire urbain dense est intéressant à conserver voire à valoriser en centre-ville. Cet écrin de verdure autour de l‟ancienne ferme du douaire témoigne du passé agricole de la localité et de l‟importance de cette ferme aujourd‟hui reconvertie. L‟alignement d‟arbres formant la séparation de la parcelle cadastrée 1ère division, section F n° 65/02b est à conserver. Il constitue une barrière paysagère entre l‟ancienne ferme du Douaire et les terrains environnants classés et l‟éventuel projet de construction ».
Le fonctionnaire délégué communique cet avis au bourgmestre le 4 mars 2013.
4. Le 24 avril 2014, la SA Melin dépose des plans modificatifs accompagnés d‟un complément corollaire de notice d‟évaluation des incidences sur l‟environnement.
Le projet modifié consiste en la construction d‟un complexe immobilier abritant 59 appartements répartis entre six bâtiments numérotés de A à F, de 7 maisons unifamiliales, et de deux parkings souterrains d‟un total de 85 emplacements de parcage; il comprend également la création d‟une voirie interne ainsi que de « promenades » piétonnes avec l‟aménagement d‟un rond-point placé au sud du bâtiment de la ferme.
5. Le 15 juillet 2014, le président et le secrétaire de la commission royale des monuments, sites et fouilles de la Région wallonne (C.R.M.S.F.) écrivent au fonctionnaire délégué que la commission, réunie en sa section des sites de la chambre régionale, a examiné le dossier le 7 juillet 2014 et a émis un avis défavorable.
6. Le 2 octobre 2014, le collège communal délivre à la SA Melin le permis d‟urbanisme sollicité.
7. Le 16 décembre 2014, le requérant et Pierre Vergote saisissent chacun le Conseil d‟État d‟une requête poursuivant l‟annulation et la suspension de l‟exécution de cette décision; ces affaires sont enrôlées sous les références A. 214.488/XIII-7193 et A. 214.511/XIII-7196.
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